Alors qu’Elon Musk a racheté Twitter, on peut s’interroger sur ce que nous attendons vraiment d’un réseau social. Il ne s’agirait pas d’oublier que ces plateformes ne sont pas que de la tech, ce sont d’abord des communautés, des humains. C’est le sujet de la newsletter de Numerama, écrite par Lucie Ronfaut, #Règle30.

Je vous promets que j’ai tenté d’écrire sur autre chose que Twitter. Et en un sens, je vais tenir ma promesse ! Car Elon Musk m’intéresse moins que les débats qu’il provoque. Va-t-il ruiner Twitter pour de bon ? Doit-on se mettre en quête d’une nouvelle plateforme ? Mais qu’attend-on vraiment d’un réseau social ? Je comprends entièrement l’inquiétude de personnes pour qui Twitter a longtemps été une source de divertissement, de sociabilité et d’aura professionnelle (c’est mon cas !). Dans des industries très fermées et peu diverses, comme les médias ou la culture, engranger les retweets et les « likes » a ouvert des portes à des personnes qui, autrement, n’auraient pas pu être artiste ou journaliste à succès. Ça n’a rien d’anodin.

D’un autre côté, un vent d’espoir souffle sur mes fils d’actualité. Je fais partie des nerds qui ont passé une tête sur Mastodon, une plateforme open-source (dont le code peut être librement consulté, modifié, distribué) et décentralisée qui se présente comme une alternative à Twitter. Jusqu’ici, mon expérience est positive. Mais je m’oppose aussi au discours ambiant, qui accuse les non-convaincu·es de ne pas faire preuve d’assez de curiosité, voire d’être stupides. Oui, Mastodon est plutôt simple d’utilisation. Non, il n’est pas crétin d’être perturbé·e par son fonctionnement, après des années à fréquenter des services centralisés et au design addictif, sur lesquels on s’est déjà beaucoup investis. C’est apprendre de nouveau à marcher.

Surtout, un réseau social n’est pas qu’un ensemble de fonctionnalités. Ce sont des communautés. Une ambiance. Des habitudes. Des mèmes et une culture à partager. J’ai intérêt à y attirer les autres, plutôt que de les insulter parce qu’ils ou elles ne me rejoignent pas. Quand on approche une nouvelle plateforme, on n’affronte pas seulement des obstacles techniques, mais aussi un doute très humain : est-ce que je vais y trouver ma place ?

Deux "toots" écrits via mon compte Mastodon.
Deux « toots » écrits via mon compte Mastodon.

Personnellement, si on me demandait ma liste de Noël pour construire le réseau social de mes rêves (j’ai été très sage cette année), j’aurais plus d’idées concernant son aspect communautaire que technologique. Ce n’est pas qu’on s’en fout de la technique ; c’est que l’un ne va pas sans l’autre. J’ai d’ailleurs trouvé très intéressante cette interview du fondateur de Mastodon, Eugen Rochko, qui parle de sa vision de la modération en ligne permise par l’aspect décentralisé et communautaire de sa plateforme. « Pour moi, créer un marché des idées où tu peux tout dire, sans limites, c’est une idée très américaine« , explique-t-il. « C’est différent de l’esprit allemand [d’où il vient, NDLR] où la priorité de notre Constitution est de garantir la dignité humaine. La haine ne fait pas partie de notre conception de la liberté d’expression.« 

Je me demande si on peut relier ces débats à la notion de « care« . Ce concept politique et féministe englobe tous les actes de sollicitude (par exemple l’éducation des enfants, le ménage, etc.), qui sont généralement attribués aux femmes (encore plus les femmes racisées) et dévalorisés, alors qu’ils sont essentiels au bon fonctionnement de la société. Comment s’exprime le « care » sur les réseaux sociaux ? Probablement via l’accessibilité, l’éducation aux médias, la modération des contenus, l’empathie entre internautes, la réflexion collective et inclusive. Je ne pense pas que seules les femmes se soucient de ces sujets, ou que les communautés en ligne à dominance féminine sont forcément plus vertueuses que les autres. Mais la question mérite d’être posée. Qui veut prendre soin du web, de celles et ceux qui l’habitent, qui a le loisir de s’en foutre, et qui a intérêt à tout détruire ?

La revue de presse de la semaine

Ascenseur social en panne

En Inde, les entreprises de nouvelles technologies emploient bien plus de femmes (36%) qu’ailleurs dans le privé. Pourtant, le secteur reste un milieu hostile à ses propres travailleuses, qui y subissent harcèlement et sexisme au quotidien. Comment expliquer ce paradoxe ? C’est l’objet de ce long article de Rest of World (en anglais) à lire par ici.

Streameuses (1)

Je vous parlais la semaine dernière du mouvement de dénonciation des violences sexuelles concernant les streameuses sur Twitch. Mercredi dernier, le gouvernement français a annoncé s’emparer du sujet, en convoquant prochainement les plateformes concernées. C’est à lire sur Le Figaro.
 

Streameuses (2)

Toujours sur ce sujet, je vous recommande la lecture de cette chronique publiée chez Arrêt sur Images. Elle rappelle à juste titre que ce mouvement de dénonciation est loin d’être le premier, et surtout l’hypocrisie d’un bon nombre de streameurs masculins, qui dénoncent ces attaques tout en entretenant une culture profondément misogyne. C’est à lire par là (article réservé aux abonné·es).


Tu joues comme une fille

Et enfin, pas très loin de cette thématique : lundi 14 novembre, j’animerai une table-ronde sur la place des femmes dans les jeux vidéo. Presque dix ans après le Gamergate, les choses ont-elles vraiment progressé, dans l’industrie et sur nos écrans ? Cette rencontre est organisée par la revue La Déferlante (à laquelle je collabore), avec la chercheuse Marion Coville et Jennifer Lufau, fondatrice et présidente de l’association Afrogameuses. Elle sera retransmise en ligne et en direct, pour vous y inscrire c’est par ici !

Quelque chose à lire/regarder/écouter/jouer

I was a teenage exocolonist

Vous êtes né·e dans un vaisseau spatial qui a quitté la Terre, à la recherche d’un meilleur avenir sur une autre planète. À l’aube de votre dixième anniversaire, vous arrivez enfin à destination. Votre maison est hostile : il est difficile d’y cultiver les légumes que vous avez l’habitude de manger, d’étranges maladies et créatures vous menacent. Mais c’est pourtant là que vous allez construire votre vie, pour le meilleur et pour le pire.

J’ai eu un énorme coup de cœur pour I was a teenage exocolonist, un jeu vidéo du studio canadien Northway Games, sorti à la fin de l’été. Il s’agit d’un loop game, qui tourne littéralement en boucle : on incarne le ou la personnage principal·e pendant dix années de sa vie. Ensuite, le jeu repart de zéro. À nous d’utiliser nos connaissances sur le scénario afin d’en changer la trajectoire. Parfois, il peut s’agir de commencer une relation amoureuse avec une nouvelle personne. Parfois, l’enjeu est de sauver quelqu’un qui est déjà mort devant nos yeux une première fois.

I was a teenage exocolonist n’est pas pour tout le monde. Déjà, il n’a pas été traduit en français, ce qui demande d’être à l’aise avec l’anglais, d’autant plus qu’il s’agit d’un jeu particulièrement verbeux. Il faudra ensuite apprécier le format de simulation de vie (on gère douze statistiques sur la personnalité de notre personnage) et celui du deck-building : chaque épreuve est résolue à l’aide d’un jeu de cartes, et on doit améliorer son paquet petit à petit en fonction des aléas du jeu. Mais si ces caractéristiques ne vous font pas peur, I was a teenage exocolonist est une expérience terriblement poignante et prenante. Vous naissez, vous mourrez. Entre les deux, il y a une nouvelle vie.

I was a teenage exocolonist (en anglais), disponible sur PC, Mac et Linux, PS4 et PS5 et Nintendo Switch.

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