C’est un nouveau cataclysme pour le secteur : FTX, la deuxième plus grosse plateforme d’échange de crypto-monnaie au monde et jusqu’ici considérée comme l’une des plus stables, a déclaré faillite le 11 novembre 2022. L’annonce a stupéfié de nombreux utilisateurs, qui pourraient ne jamais revoir leur argent, ainsi que toutes les entreprises qui avaient placé leur fonds dans FTX, qui risquent d’être entrainées avec la plateforme vers la faillite.
Voici tout ce qu’il faut savoir sur l’une des plus importantes nouvelles financières de l’année, et qui est déjà comparée au crash de la banque Lehman Brothers en 2008.
Qu’est-ce que FTX ?
FTX est une plateforme d’échange et d’achat de crypto-monnaie. Créée en 2018 par Sam Bankman-Fried, la plateforme se spécialise dans les dérivés (des placements pour spéculer sur la valeur d’un actif) et les autres produits financiers risqués. Malgré la complexité des produits et options proposées, la plateforme a vite attiré de nombreux utilisateurs, des spécialistes du trading aux débutants en crypto.
Le succès est tel qu’en septembre 2022, la plateforme comptait 1,2 million d’utilisateurs et était valorisée à 32 milliards de dollars.
Qu’est-ce qu’il s’est passé avec FTX ?
Les problèmes de FTX ont commencé à cause de son token natif, le FTT. Ce dernier était utilisé principalement sur la plateforme, notamment pour payer les frais de transaction. Mais le 2 novembre, le média spécialisé CoinDesk a publié des documents internes de FTX montrant qu’Alameda Research, le fonds d’investissement fondé par Sam Bankman-Fried censé être complètement séparé des activités de FTX, possédait un montant anormalement large de FTT. Les fonds d’Alameda étaient donc en très grande partie constitués de tokens d’une compagnie sœur. De quoi refroidir les investisseurs, et surtout reconsidérer la valeur des fonds de l’entreprise.
Le 6 novembre, Binance, la plus grande plateforme d’échange de crypto-monnaie au monde et l’une des premières à avoir investi dans FTX, a annoncé qu’elle allait vendre les FTT en sa possession.
Changpeng Zhao, le fondateur de Binance, a indiqué dans un tweet que la vente des FTT avait été motivée par les « révélations récentes » à leurs propos. Pour FTX, c’est le début de la débâcle : le prix du FTT s’effondre, et de nombreux utilisateurs s’empressent de faire comme Binance et de liquider leurs possessions. Selon le New York Times, les demandes de retraits de FTT sont si nombreuses qu’elles représentent 6 milliards de dollars en trois jours — et FTX manque rapidement de liquidité pour répondre à toutes les demandes.
Le troisième acte de la tragédie a eu lieu le mardi 8 novembre. Binance a annoncé par l’intermédiaire de Changpeng Zhao qu’elle avait entrepris de racheter FTX, après un « appel à l’aide » de cette dernière. Mais dès le lendemain, Binance s’est rétracté, et a indiqué qu’elle renonçait à acquérir FTX après avoir fait des « vérifications préalables », et à cause de rapports sur la mauvaise gestion des fonds des clients de FTX. Le vendredi 11 novembre, FTX déclarait faillite, après une semaine terrible pour la plateforme et pour ses clients.
Est-ce que c’est comme Terra ?
La descente aux enfers de la plateforme et de son propriétaire, Sam Bankman-Fried, rappelle l’effondrement de l’écosystème crypto Terra un peu plus tôt dans l’année. Les deux histoires ne sont cependant pas vraiment comparables. Dans le cas de Terra, il s’agissait d’une stablecoin algorithmique, c’est-à-dire une crypto-monnaie à la valeur stable, indexée sur le dollar, et dont le prix était garanti par un mécanisme complexe de mint & burn, contrôlé par un algorithme.
Le système a été mis à mal en mai, lorsqu’un phénomène de vente panique a saisi les investisseurs, qui ont tous voulu liquider leurs positions chez Terra, ce qui a fait plonger la valeur de la crypto-monnaie — et qui a provoqué l’écroulement de tout l’écosystème et la perte de plus de 50 milliards de dollars.
Si Terra et de FTX se sont effondrés de manière plus ou moins semblable — des ventes paniques de la part d’investisseurs et de clients essayant de repartir avec leur mise le plus rapidement possible — les raisons sont différentes. Grossièrement, on peut dire que Terra a eu un problème avec son mécanisme d’indexation, tandis que FTX avait des pratiques financières douteuses.
Et maintenant, qu’est-ce qu’il se passe ?
La chute de FTX a déjà des conséquences directes sur ses clients : ils sont nombreux à ne plus avoir accès à l’argent qu’ils avaient entreposé sur leurs comptes, depuis que FTX a suspendu les retraits. Depuis le 11 novembre et la déclaration en faillite, Sam Bankman-Fried a également démissionné de son poste de président de l’entreprise, laissant la place à John Ray, un spécialiste des restructurations de dette.
FTX est désormais placée sous un régime juridique spécifique : elle doit arriver à retrouver assez de liquidité pour rembourser ses dettes — et avec un peu de chance, ses clients. D’après les documents déposés par l’entreprise lors de sa faillite, FTX est endettée auprès de plus de 100 000 créanciers, et selon le New York Times, la compagnie devrait en tout plus de 8 milliards de dollars.
Concrètement, pour les clients particuliers et pour les entreprises, cela veut dire que l’argent devrait rester bloqué sur leur compte pendant encore un certain temps, et qu’ils ne récupéreront peut-être pas toute leur mise.
Quelles conséquences dans le milieu des cryptos ?
Il faut dire que l’année a été terrible pour le milieu : le prix du bitcoin a chuté de 74 % depuis son record de prix il y a un an, le marché des crypto-monnaies traverse un très rude bear market qui a entrainé la perte globale de plus de 2 trillions de dollars, et les faillites se sont enchaînées.
Outre l’effondrement de Terra, ce sont Celsius, une très grande entreprise spécialisée dans les prêts en crypto-monnaies, et le fonds d’investissement 3 Arrows Capital qui ont déclaré faillite en juillet, mais aussi Babel Finance, CoinFlex, Voyager Digital ou encore Hodlnaut, pour n’en citer que quelques-un.
Paradoxalement, FTX avait endossé il y a quelques mois un rôle de « sauveuse des cryptos » en venant au secours de plusieurs entreprises très endettées. FTX ne va finalement pas pouvoir sauver ces entreprises. Mais ce n’est pas tout : de nombreuses entreprises du secteur vont subir de plein fouet les conséquences de la chute de FTX. À la suite de l’annonce de la faillite, les plateformes d’échange crypto BitCoke, BlockFi et AAX ont informé qu’elles mettait à l’arrêt les retraits. BlockFi a ouvertement annoncé que ses problèmes étaient dus à FTX.
Ce nouveau crash signe-t-il pour autant la fin des actifs numériques ? Pour Stanislas Barthelemi, consultant spécialisé dans les cryptos, c’est un « non » catégorique. « Au final, ce ne sont pas les crypto-monnaies ou les blockchains en elles-mêmes qui sont remises en cause par ce crash, mais les plateformes d’échange centralisées », souligne-t-il auprès de Numerama. « Mais il est sûr qu’au niveau de la régulation, cela va porter un coup à tout le secteur, et qu’il va falloir trouver un juste milieu pour protéger les clients.»
Il est également probable que de plus en plus d’entreprises signalent dans les prochains jours des problèmes de trésorerie liés à la faillite de FTX — et cela ne sera que le début. « On ne sait pas encore qui sont tous les débiteurs de FTX, donc on ne sait pas encore jusqu’où la contagion va aller. Il va cependant y avoir une incidence sur tout le système de la blockchain Solana, parce que FTX avait beaucoup investi dedans », indique Stanislas Barthelemi. « Beaucoup d’organismes de finance décentralisée avaient placé leur trésorerie chez FTX, donc forcément toute la blockchain va être très touchée. »
Est-ce qu’un tel effondrement pourrait un jour arriver à d’autres géants du milieu ? Pour Stanislas Barthelemi, il est encore dur de le dire. « Il y a quelques jours encore, si on m’avait dit que FTX allait tomber comme ça, je n’y aurais pas cru ». Il se montre cependant optimiste : « De nouvelles réglementations vont arriver en Europe d’ici 2024 avec la mise en place de MICA (un règlement européen destiné à encadrer les crypto-monnaies, ndlr). Si tout se passe bien, on aura un cadre qui nous empêchera d’avoir ce genre de problèmes là, dans le futur. »
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