C’est une excellente nouvelle pour tous les utilisateurs de logiciels de P2P canadiens qui vient de tomber à la Cour Fédérale d’Ottawa. Un juge vient en effet de refuser d’ordonner la communication de l’identité de 29 utilisateurs de Kazaa poursuivis par l’industrie du disque, et d’affirmer que le téléchargement de MP3 était totalement légal ! Un jugement dont l’echo risque de sonner mal de l’autre côté de l’atlantique puisque les poursuites commencent en Europe.

Par GioAlors que le SNEP menace une nouvelle fois les utilisateurs de P2P français en annonçant des poursuites dans les prochains mois, alors que l’IFPI vient de lancer des poursuites au Danemark, en Italie et en Allemagne, le Canada, lui, respire ! Le Juge Von Finckenstein vient de mettre KO la CRIA, l’association canadienne de l’industrie du disque, qui avait demandé au juge de faire révéler l’identité de 29 utilisateurs de Kazaa.

Dans une décision de 23 pages, la Cour Fédérale a littéralement démoli l’argumentaire des majors, et pris partie pour la défense. Sans réelle surprise pour cette dernière puisque selon quelques indiscrétions parvenues à nos oreilles, le juge se serait déjà montré particulièrement sévère avec l’industrie dès les débats de Toronto. A lire le jugement, on comprend bien pourquoi. Pour conduire ses investigations, la CRIA a loué les services de MediaSentry, une société newyorkaise spécialisée dans la lutte anti-piratage. Celle ci a téléchargé des fichiers chez des internautes accusés, donc, de les avoir uploadé illégalement. Seulement voilà, personne chez MediaSentry n’a pensé à écouter les morceaux pour vérifier qu’il s’agissait bien des copies des morceaux originaux. Grave erreur, première sanction par le juge.

La Cour remarque en outre qu’aucune explication n’est donnée sur la procédure suivie par MediaSentry pour déterminer l’adresse IP des utilisateurs de Kazaa. Il faudrait les croire sur parole. Deuxième erreur grave.

Peer-to-Peer : télécharger et mettre en partage est légal au Canada !

Non content, le juge en profite pour donner son opinion sur la légalité ou non des échanges par P2P. Concernant le téléchargement, il reprend l’avis de la Commission des Droits d’auteur qui s’était déjà réfugiée sur le droit à la copie privée pour dire que le téléchargement était un acte de copie privée, et est donc légal.

Concernant l’upload, le juge Von Finckenstein ne dit pas qu’il est légal, mais presque. Il indique en effet que partager ses fichiers sous Kazaa ne constitue pas en soi un acte de contrefaçon. Il faut donner son autorisation expresse à celui qui le télécharge, ce qui n’est pas fait automatiquement par la simple mise en partage des œuvres. Contrairement à la loi française, la simple mise à disposition d’une œuvre n’est pas encore une infraction au Canada (mais devrait le devenir par les accords de l’OMPI).

La vie privée plus forte que les intérêts privés

Pour finir, pour la première fois dans l’histoire judiciaire du Canada, le juge reconnaît que l’intérêt public des citoyens face à leur vie privée passe devant les intérêts privés, ici ceux des majors de l’industrie du disque. Les FAI se sont en effet battus pour démontrer qu’il leur était très difficile d’établir l’identité certaine d’un abonné à partir d’une adresse IP, et que ça leur était d’autant plus difficile que l’industrie a mis beaucoup de temps à déposer ses plaintes. Les « preuves » ont en effet été rassemblées par MediaSentry entre octobre et décembre 2003, mais c’est seulement le 11 février que la CRIA a déposé sa demande. Trop tard pour être certain qu’un innocent ne va pas être identifié à tort, indique le juge.

C’est donc une victoire nette et sans bavure pour tous les défenseurs des utilisateurs de P2P. L’industrie devra améliorer ses procédures avant de revenir devant les tribunaux canadiens, mais c’est seulement une fois l’affaire arrivée devant la cour suprême que l’on saura si vraiment, le Canada est devenu un havre de paix pour les utilisateurs…

Mise à jour :

Sans surprise, la CRIA a déclaré immédiatement son intention de faire appel et pense avoir un dossier solide pour ce faire. Les analystes juridiques considèrent eux que cette décision poussera l’industrie à faire pression sur le législateur canadien pour qu’il adopte les normes de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) qui a donné en 1996 aux auteurs le droit exclusif de mettre à disposition du public leurs œuvres.

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