Les éditeurs de Pornhub, YouPorn et RedTube ont cherché à challenger la loi française devant les tribunaux, au sujet du contrôle de l’âge des internautes. Mais les verdicts n’ont rien donné.

C’est un début d’année défavorable pour les principaux sites pornographiques sur le terrain du droit. Alors qu’aux États-Unis, ces espaces ont désormais l’obligation — en Louisiane pour le moment — de vérifier correctement l’âge des internautes (via le contrôle du permis de conduire), plusieurs mauvaises nouvelles sont arrivées en France dans le domaine de la justice.

Échec devant la Cour de cassation. Échec devant le Conseil d’État.

En effet, 2023 a été marquée par deux décisions de justice notables — l’une venant de la Cour de cassation, l’autre du Conseil d’État. Il s’agit des deux plus hautes juridictions françaises, l’une à la tête de l’ordre judiciaire et l’autre au sommet de la pyramide administrative. Et dans les deux cas, les verdicts des procédures lancées devant ces deux institutions mettent en échec les sites X.

Dans le premier cas, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) avait été adressée à la Cour de cassation, dans le cadre d’une procédure opposant la société MindGeek (qui édite notamment Pornhub) aux grands opérateurs français (Orange, Free, Bouygues Telecom et SFR) ainsi qu’au président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

Dans le cadre de cette QPC, il s’agissait de savoir si les récentes dispositions dans le droit français sont bien conformes à la Constitution française, ou s’il s’agit d’une atteinte à la liberté d’expression. Ici, la loi exige des sites pornographiques qu’ils vérifient correctement l’âge des internautes, via un vrai moyen de contrôle, sous peine de faire l’objet d’une mesure de blocage par les FAI.

Les unes des enquêtes // Source : Melvyn Dadure pour Numerama
En France, la loi exige des sites X qu’ils vérifient l’âge des internautes avec une méthode fonctionnelle. // Source : Melvyn Dadure pour Numerama

Dans son verdict du 5 janvier, la Cour de cassation a balayé cette QPC — « la question posée ne présente pas un caractère sérieux », lit-on dans son examen –, en estimant que le cadre juridique mis en cause est « suffisamment clair et précis pour exclure tout risque d’arbitraire ». Il n’y a pas non plus d’atteinte disproportionnée au regard des objectifs poursuivis.

« L’atteinte portée à la liberté d’expression, en imposant de recourir à un dispositif de vérification de l’âge de la personne accédant à un contenu pornographique, autre qu’une simple déclaration de majorité, est nécessaire, adaptée et proportionnée à l’objectif de protection des mineurs », est-il indiqué. Autrement dit, on peut rogner un peu sur une liberté quand cela est justifié.

Une procédure lancée devant la mauvaise juridiction

À l’échec de la procédure devant la Cour de cassation, qui juge qu’il n’est pas requis de renvoyer quoi que ce soit devant le Conseil constitutionnel, s’ajoute un autre raté, signalé par Alexandre Archambault, avocat spécialiste des télécoms. Cette fois, c’est un recours devant la justice administrative qui a échoué. Il a été lancé au nom de deux autres sites, YouPorn et RedTube.

Le rejet ici est provoqué par des questions de procédure : le recours survenait au sein de l’ordre administratif. Or, ici le juge administratif n’est pas concerné. C’est devant le juge judiciaire qu’il faut agir. En conséquence, le Conseil d’État a rejeté la demande, car il n’est pas le bon interlocuteur. C’est aussi cette logique qui a conduit l’institution à rejeter aussi la requête de Pornhub.

Les actions devant les juridictions françaises illustrent les tentatives des sites pour adultes de contester la loi de 2020 qui impose à ces espaces de contrôler l’âge, mais aussi qui donne à l’Arcom la capacité de prononcer des mises en demeure et, le cas échéant, d’obtenir le blocage judiciaire des sites litigieux, par les FAI. L’Arcom a lancé des actions contre Pornhub, YouPorn et RedTube.

La loi ne précise pas le dispositif qu’il convient de mettre en œuvre pour contrôler l’âge de l’internaute se rendant sur un site pornographique. Aucune méthode n’est idéale, mais la piste de l’empreinte de la carte bancaire est fortement envisagée, via un tiers, pour limiter l’exposition des données personnelles. Quant au blocage, s’il est envisagé, il se ferait vraisemblablement via le DNS.

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