Voici le discours de Jacques Chirac, que nous commenterons paragraphe par paragraphe :
La piraterie des œuvres culturelles est un fléau qu’il faut combattre avec fermeté et détermination, qu’il s’agisse du trafic des cassettes vidéo, de la copie sauvage de disques ou de l’échange de fichiers protégés sur Internet. A chaque fois, c’est un artiste qu’on spolie. C’est la création que l’on met en danger. C’est la culture qui est menacée.
Précisions Monsieur Chirac qu’aux Etats-Unis, les scores de vente de l’industrie du disque augmentent en 2004 par rapport à 2003, alors que le piratage ne fait lui même qu’augmenter. Au premier semestre 2003, 147.000.000 disques vendus étaient enregistrés par SoundScan. 160.000.000 seront annoncés pour le premier semestre 2004. Seul le nombre de CD exportés a baissé, tout comme le nombre d’invendus retournés par les distributeurs.
Certains peuvent être tentés de considérer, au nom de la liberté, parfois de l’insouciance, parfois même de la démagogie, que les films, les musiques et, d’une façon générale, toutes les œuvres doivent être accessibles à tous, immédiatement et gratuitement.
Peu sont ceux qui demandent la gratuité Monsieur Chirac. Nombreux néanmoins sont ceux, il est vrai, qui demandent la liberté. La liberté de pouvoir écouter la musique que l’on achète avec le modèle de lecteur que l’on souhaite. La liberté de pouvoir utiliser une vidéo que l’on achète sur un autre système d’exploitation que Windows ou Mac OS X. La liberté de pouvoir accéder aux œuvres que l’on aime à tout moment, et celle de pouvoir en faire profiter ses amis comme lorsque l’on prête un livre que l’on a aimé. Ne vous a t-on jamais prêter de livres qui vous aient appris quelque chose, Monsieur Chirac ?
Certains peuvent être tentés, installés devant leur écran d’ordinateur, de télécharger des œuvres par millier. Ils peuvent aussi être tentés de les échanger, voire d’acheter à vil prix, sous le manteau, les contrefaçons produites en grande quantité par de véritables mafias internationales, en considérant qu’il ne s’agit là que d’objets virtuels ou de simples » galettes » de plastique
Les utilisateurs de logiciels de partage de fichiers sont les premiers à dénoncer les mafia de contrefaçon où le piratage est une industrie organisée. Nous n’irons que dans votre sens en ce qui les concerne. Nous irons contre vous néanmoins à propos de « ceux qui sont tentés de télécharger des œuvres par millier ». Pensez-vous, Monsieur Chirac, que sans cela, ils seraient tenter d’acheter ces œuvres par millier ?
Aujourd’hui, il est temps que chacun prenne conscience que, derrière ces fichiers, ces cassettes, ces disques copiés, parfois volés, ce sont des artistes, des créateurs, des femmes et des hommes qui ont pris des risques, qui ont consacré plusieurs années de leur vie à concevoir des œuvres, à les enregistrer, à les incarner, à qui on vole leurs droits, leur rémunération, et plus encore leur dignité.
Aujourd’hui, il est également et surtout temps de prendre conscience que la technologie rend le modèle économique culturel actuel totalement obsolète et décalé avec les réalités qui sont les nôtres. Volez un steak dans une boucherie, et ce steak ne pourra pas être vendu par le boucher ni mangé par un autre client. « Volez » un morceau de musique sur Internet et il pourra toujours être vendu et écouter par tous. Le clonage numérique apporte une révolution aussi grande que fut celle de l’imprimerie.
Les labels type Magnatune qui ne posent aucune restriction sur leurs offres et proposent 50% des revenus à leurs artistes ont un grand succès, Monsieur Chirac. Parce que la dignité des artistes n’est pas compromise par les consommateurs, mais par les sociétés qui les exploitent.
L’opinion publique doit prendre toute la mesure de la valeur que représentent les œuvres de l’esprit et l’emploi culturel.
Inversement, les pouvoirs publics doivent prendre toute la mesure de la valeur d’Internet pour la diffusion des œuvres de l’esprit et le développement culturel de la nation.
C’est pourquoi, à l’occasion de votre rencontre, je veux dire sans ambiguïté que le vol des films, le vol des musiques n’est pas tolérable. Avec le Gouvernement, j’entends qu’un important effort de pédagogie soit conduit pour permettre une prise de conscience de tous nos concitoyens, et notamment des plus jeunes. Le système légitime de rémunération des artistes et des créateurs doit être expliqué pour être mieux compris et mieux défendu. J’entends enfin que la France renforce ses moyens et son action pour lutter contre les graves atteintes à la propriété artistique.
L’Université d’Ottawa, au Canada, première nation mondiale dont un juge a déclaré la légalité totale de l’utilisation des logiciels de Peer-to-Peer, organise du 19 au 21 mai un colloque auquel nous assisterons sur « la piste du droit d’auteur de demain ». Il est temps que la France prenne également conscience que le droit d’auteur actuel n’est plus adapté aux réalités économiques et technologiques d’aujourd’hui. Le système de rémunération que vous qualifier de « légitime » doit trouver un souffle nouveau, par exemple à travers l’extension du régime de licence obligatoire au domaine de la diffusion des œuvres sur Internet.
Luttez autant que vous le souhaitez contre les attentes au droit actuel, Monsieur Chirac. Vous n’obtiendrez qu’une opposition grandissante contre l’industrie culturelle, ses acteurs et les politiques qui les soutiennent.
Par ailleurs, je souhaite que cette politique déterminée soit pleinement relayée au niveau international pour mobiliser toutes les autorités compétentes, en particulier en Europe. Tous les pays doivent pleinement reconnaître les droits intellectuels. A cet égard, je me félicite et me réjouis de la réunion, à Cannes, des Ministres européens de la Culture qui exprimeront, je n’en doute pas, leur volonté commune de lutter contre la piraterie et la contrefaçon. Je forme d’ailleurs des voeux pour que vos travaux puissent déboucher sur propositions concrètes.
Si ces propositions concrètes vont dans le sens d’une libération de la culture au profit des artistes et des consommateurs, alors nous les supporterons sans réserve. Malheureusement, votre discours ne laisse que peu d’espoir, et nous les combatterons donc très probablement.
Devant vous qui êtes réunis aujourd’hui, je tiens à réaffirmer la volonté de la France de défendre les droits des créateurs et sa détermination à lutter sans concession contre le piratage et la contrefaçon des œuvres. C’est un combat juste car c’est un combat pour les artistes, pour la création, pour la diversité culturelle.
Luttez contre le piratage en faisant en sorte que ce mot n’ait plus aucun sens. Ce sera là votre grande victoire pour les artistes, la création, la diversité culturelle, et la richesse culturelle de vos concitoyens.
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