On s’en doutait, c’est désormais confirmé, Microsoft va bien alimenter son moteur de recherche Bing avec ChatGPT, l’agent conversationnel qui fascine les foules depuis sa mise à disposition publique en novembre 2022. Et ce n’est pas tout : le géant des logiciels va également adapter son navigateur web, Edge, pour y glisser le chatbot d’OpenAI.
Ces annonces sont survenues ce 7 février, lors d’un évènement spécial organisé par Microsoft en compagnie d’OpenAI, l’entreprise derrière ChatGPT. Aucune diffusion en direct n’était proposée, mais la presse américaine a été conviée et a pu rendre compte des déclarations des deux partenaires. Microsoft, rappelons-le, a investi 10 milliards de dollars dans OpenAI.
« C’est un nouveau jour dans la recherche », a lancé Satya Nadella, le patron de Microsoft, en entame de la mini-conférence à laquelle a aussi participé Sam Altman, le boss d’OpenAI. Il vrai que ce qu’a montré Microsoft s’annonce prometteur. Tout cela permet de mieux comprendre l’inquiétude qui a saisi Google ces derniers mois, car c’est sa domination sur la recherche est en péril. Si Microsoft réussit son pari et que Google, avec son rival Bard, n’est pas à la hauteur, tout le modèle actuel pourrait s’effondrer.
ChatGPT dans Bing, ChatGPT dans Edge…
Ce nouveau Bing, tel que le présente Microsoft, inclut une fonctionnalité de « chat ». On peut poser des questions et recevoir des réponses en utilisant un langage un naturel, comme si on conversait avec quelqu’un. Sauf qu’à l’outre bout du fil, c’est ChatGPT qui est à la manœuvre. Un ChatGPT d’ailleurs plus moderne, encore plus intelligent que celui qui a impressionné tout le monde ces derniers mois, avec en bonus un accès à Internet.
Le ChatGPT que les gens connaissent repose sur un modèle linguistique estampillé GPT3.5. Ses données ne dépassent pas 2021, puisqu’il n’a pas accès à Internet. La version de Microsoft, connue sous le nom de « modèle Prometheus », est capable de délivrer des informations à jour. Microsoft a réalisé plusieurs démonstrations sur une variété de sujets, comme des recettes de cuisine, des conseils de voyage, des achats de meubles, etc. Bing devient donc l’agent conversationnel pour déchiffrer l’actualité, à condition qu’il ne se trompe pas.
En plus de Bing, Microsoft agit également sur un autre versant-clé de l’accès au web : les navigateurs web. Une future version de Edge permettra de demander à ChatGPT de commenter des documents PDF, de les résumer, d’ajouter des informations à partir du web ou de les traduire, le tout en quelques secondes. À terme, on imagine que d’autres fichiers et documents seront gérés. Et on sait que Microsoft lorgne sur une intégration avec d’autres outils, comme Word et Outlook. L’idée de Microsoft est de ne plus faire de ChatGPT une application dédiée, mais un outil présent partout. En plein écran ou sur le côté.
Durant sa conférence, Microsoft a expliqué penser que son outil est en capacité d’affaiblir Google. The Verge raconte que Microsoft déplore que le cadre de la recherche web n’a pas changé depuis vingt ans. L’entreprise pense que les chatbots boostés par l’IA peuvent changer ça, d’autant plus que Google, même s’il possède une technologie équivalente, devra tout faire pour protéger son modèle économique actuel. Microsoft n’a pas ce problème.
Quid de la disponibilité des nouveaux Bing et Edge ? On peut dès maintenant s’inscrire sur une liste d’attente, mais il faut pour l’instant un VPN américain pour avoir l’option (pourtant, ChatGPT parle 100 langues). Microsoft promet une disponibilité pour tous dans les prochaines semaines. À plus long terme, on se doute que Microsoft s’intéressera à GPT-4, lorsqu’il sera fin prêt. Il s’agira d’une évolution du modèle de langage proposé par OpenAI.
Des difficultés à prévoir pour les sites… et pour Google ?
Les performances promises par ce chatbot — ou IA conversationnelle — posent à moyen terme la question de l’audience des sites d’une part et du devenir de Google d’autre part. Pour les sites web, cela fait craindre une future perte d’audience, si les chatbots se mettent à aller chercher des informations chez pour ensuite retourner ces éléments dans Bing ou Edge.
Les sites web de tourisme, les sites web de cuisine, les sites web dédiés aux astuces, les sites web en développement informatique, et ainsi de suite, pourraient ainsi en pâtir directement (tout comme les sites de shopping lorsque Google s’est lancé dans ce business, en somme). La pratique de l’optimisation pour les moteurs de recherche (SEO) pourrait aussi être remise en cause.
Certes, il apparaît que ChatGPT dans Bing et Edge affichera les sources en bas, mais qui prendra le temps de cliquer si l’information a été donnée par l’agent conversationnel ? En outre, des questionnements pourraient se poser, en matière de propriété intellectuelle. ChatGPT mouline en effet des données en se fondant sur des ressources tierces, mais peut-il vraiment les reprendre à son compte sans rémunérer ses sources ? On imagine que ce débat va faire beaucoup de bruit.
L’avènement du nouveau Bing boosté à ChatGPT rappelle le « Knowledge Graph » de Google, des cartes extraites de sites pour afficher des informations directement sur le moteur de recherche. Cependant, ce qui change ici est que ChatGPT paraphrase et mélange des sources. Le défi semble immense pour les auteurs, d’autant plus que de nombreux métiers liés au référencement en ligne pourraient aussi être menacés. Si Microsoft réussit son pari, l’écosystème Internet entier pourrait être chamboulé.
Évidemment, la survenue ce scénario très noir dépend en partie de la manière dont Google va réagir. Une partie de la riposte a été éventée en février, avec le projet Bard. La suite arrivera le lendemain, le 8 février, lors d’une conférence de presse exceptionnelle (Numerama y assistera, en espérant pouvoir essayer le chatbot de Google en avant-première). Il y a aussi une autre réalité à laquelle Microsoft doit se frotter : aujourd’hui, la part de marché de Bing n’est que de quelques pourcents dans le monde. Mais peut-être ce moment pivot dans l’histoire du web pourrait être un moment pivot dans l’histoire de Bing.
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