Qui aurait imaginé il y a un an que des milliers de drones de touristes seraient envoyés en Ukraine pour lâcher des grenades ? Piloter un petit appareil pour filmer ses vacances est rapidement devenu une compétence recherchée dans les armées ukrainiennes et russes.
Comme beaucoup de ses compatriotes, Anton Frolov, habitant de Kiev, s’est rapidement engagé pour la défense de son pays. Avant de voir des missiles russes voler au-dessus de sa ville, il organisait des voyages en Amérique latine et filmait les excursions avec des drones. « J’adore le Guatemala, le côté sauvage de ce pays. Les images que l’on ramenait de nos voyages étaient sublimes », raconte le quadragénaire à Numerama.
L’Ukraine, qui avait déjà pu expérimenter l’utilisation de modèles DJI dans le Donbass, a lancé un grand plan de « dronisation ». Anton Frolov veut y participer avec son ami Viktor Taran et ils ouvrent à deux un centre d’entrainement dans la capitale, baptisé Kryk – la corneille, en ukrainien – avec deux modèles DJI en main. Dès avril 2022, les premiers soldats débarquent, pour apprendre à piloter de mini appareils de tourisme depuis un terrain vague en banlieue.
De nouveaux cours avec des drones suicides en Ukraine
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Neuf mois plus tard, c’est un centre dans lequel défilent les treillis issus de toutes les brigades. « Certains sont issus des forces spéciales » nous confie Anton. Kryk est devenu une petite entreprise de dix personnes et son équipe a déjà formé plus d’un millier de militaires, réunis chaque semaine en classe de quarantaine d’élèves.
« La formation ne se limite pas au contrôle du drone. Le but est évidemment de réussir la mission de reconnaissance ou d’attaque, mais il faut aussi revenir avec le drone. » L’altitude du drone, sa distance avec l’ennemi, son temps d’action sont des facteurs déterminants sur le terrain. « Le plus important est de rester vivant », ajoute Anton. La multiplication des engins volants dans le ciel a aussi fait des pilotes une cible à abattre rapidement, avant qu’ils n’envoient des grenades sur les camps militaires.
Les cours s’adaptent aussi à l’évolution des combats et aux demandes des forces armées. Le pilotage de modèles FPV avec vue du vol en première personne depuis un casque est une priorité aujourd’hui pour le gouvernement ukrainien, qui les transforme en modèles suicide.
Or, le seul moyen de les obtenir, c’est de les recevoir depuis l’étranger. DJI, leader du marché, refuse d’être mêlé à la guerre et a interdit la vente de ses modèles dans les deux pays depuis la fin avril. Depuis, l’Ukraine mise massivement sur les dons de bénévoles et les campagnes médiatiques du gouvernement fonctionnement : en mai, l’armée avait déjà reçu de 6 000 modèles commerciaux. Près de 2300 autres ont été achetés durant l’été.
Des donateurs du monde entier
Arnaud Castaignet, chef d’entreprise basé en Estonie, a lancé une initiative nommée « Adopt a drone » pour réunir les fonds afin d’acheter les modèles demandés, notamment pour Kryk, la formation d’Anton. En un an, son association a récolté 280 000 euros. « Les donateurs peuvent donner un nom aux drones achetés. Nous avons des modèles baptisés ‘Hong Kong contre la tyrannie’, par exemple, offerts par des anonymes », précise le jeune trentenaire. Les autres dons proviennent essentiellement d’Irlande, du Canada ou des États-Unis. Arnaud a déjà fait cinq voyages jusqu’à Kiev pour livrer les produits offerts à Kryk puis aux brigades.
Ces centres de formations, véritable hub de drones, agacent l’armée russe qui en fait une cible désormais. « Un groupe Telegram russe a posté une liste de douze centres de formations basés à Kiev. Nous étions le premier cité », indique Anton. « On ne va pas s’arrêter là ! », lance-t-il. « Les cours pour les militaires sont évidemment gratuits, mais nous développons maintenant des formations payantes pour les civils à l’étranger, à distance. Tout le monde est invité. » On peut déjà imaginer les futurs métiers en Ukraine, une fois la guerre finie.
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