L’informatique quantique ne manipule pas des bits, comme les ordinateurs courants. Elle se sert des qubits : des bits quantiques.

Qu’est-ce qu’un bit ?

En informatique classique, le bit constitue l’unité de base du calcul. Ce bit ne peut prendre que deux valeurs, zéro ou un. C’est sur ce système binaire qu’un ordinateur fonctionne. Ce 0 et ce 1 représentent deux états opposés, comme vrai / faux ou oui / non. On peut aussi voir le binaire comme un interrupteur allumé (1, le courant passe) ou éteint (0, le courant ne passe pas).

Aujourd’hui, les ordinateurs — au sens large : smartphones, tablettes et tout autre appareil de ce genre est fondamentalement un ordinateur — manipulent de très grandes quantités de bits. Il a donc fallu utiliser des noms additionnels pour les décrire : kilobit (1 000 bits), mégabit (1 000 000 bits), gigabit (1 000 000 000 bits), térabit, pétabit et ainsi de suite.

Bit est un mot-valise pour « binary digit », soit « chiffre binaire ».

Quelle est la particularité du qubit (ou Qbit) ?

Le qubit est pour l’informatique quantique l’équivalent du bit pour l’informatique classique. Sauf que dans le monde de la mécanique quantique, les particules ne connaissent pas que deux états, et un seul à la fois. Elles peuvent être dans ces deux états simultanément. C’est pour cela que l’on parle d’état « superposé », car il est en même temps zéro et un.

Pourrait-on utiliser un système quantique pour réaliser un calcul plus rapidement et/ou plus efficacement qu’avec un ordinateur classique ? // Source : Pixabay, Wikimedia/CC/Averater (montage Numerama)
Les ordinateurs quantiques offrent des perspectives nouvelles en matière de calcul. // Source : Pixabay, Wikimedia/CC/Averater (montage Numerama)

C’est ce que pointe le CEA — Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. Les lois de la physique quantique autorisent le qubit à être « placé dans un ensemble continu de superpositions de ses deux états de base ». Et, ces qubits peuvent aussi servir à stocker de l’information, ce qui a permis d’ouvrir la perspective des ordinateurs quantiques.

Qubit est un mot-valise pour « quantum bit », soit bit quantique.

Que signifie quantique ?

Quantique vient du latin « quantum » (pluriel « quanta »). Le terme quanta a été au départ introduit par le physicien allemand Max Planck. Il signifie « combien ». Dès lors, quantique évoque la notion de comptage. On parle d’ailleurs de quantum de matière ou d’énergie, notion qui renvoie à l’idée d’un grain élémentaire, que l’on ne peut pas diviser davantage.

Comment fonctionne un qubit ?

Le qubit ouvre la voie à un traitement informatique beaucoup plus performant et rapide, grâce à la mise en parallèle des calculs.

« Avec un vecteur de n qubits, on a en même temps 2n valeurs. Si on arrive à faire des calculs avec de tels vecteurs, on arrive en quelque sorte à faire tous les calculs en même temps. C’est comme si on réalisait 2n calculs en parallèle », expliquait en 2018 au Monde Julia Kempe, mathématicienne, physicienne et informaticienne spécialiste du quantique.

Le CEA ne dit pas autre chose : « au cours d’un algorithme, le registre de qubits [là où ils sont mémorisés, NDLR] se trouve dans une superposition quantique de tous ses états possibles (|00…0>, |10…0>, |11…1>, |10…1>), permettant un calcul massivement parallèle ». Des opérations inédites, impossibles avec des bits classiques, peuvent alors être envisagées.

Bien des domaines en informatique, mais aussi au-delà, pourraient être bouleversés par cette accélération des calculs : on pense à l’intelligence artificielle, lors de sa phase d’apprentissage, ou encore le Big Data, s’il s’agit de dénicher une information parmi des milliards d’autres. La simulation (chimie, météo, astrophysique, etc.) progresserait aussi à grands pas grâce au calcul quantique.

Quels problèmes pose le calcul quantique ?

L’émergence du qubit et du calcul quantique pose toutefois de nouveaux défis. En mathématiques, il serait possible de factoriser très rapidement de grands nombres — ce que l’on ne sait pas faire avec un ordinateur classique : cette factorisation est possible, mais prend un temps de plus en plus grand avec les algorithmes actuels.

Comme la résolution de ces opérations est hors de portée des machines, dans un temps raisonnable, la sécurité informatique d’aujourd’hui s’est bâtie dessus. Ainsi, la cryptographie qui permet de protéger toutes les activités en ligne profite de la limite des ordinateurs et des obstacles mathématiques en matière de factorisation pour fonctionner.

Les ordinateurs quantiques actuels, comme celui de Rigetti, sont encore loin de pouvoir lever le chiffrement.  // Source : Rigetti
Les ordinateurs quantiques actuels, comme celui de Rigetti, sont encore loin de pouvoir lever le chiffrement. // Source : Rigetti

L’arrivée des ordinateurs quantiques changera cette donne, à condition qu’ils soient capables de manipuler de grands nombres de qubits. C’est loin d’être le cas aujourd’hui (les prototypes existants sont très expérimentaux et fonctionnent sur des qubits relativement limités). C’est pour cela qu’émerge la cryptographie post-quantique, pour résister à ces calculs massivement parallèles.

Et, l’ordinateur quantique ne sait pas non plus tout résoudre.

Quel est le point faible du qubit ?

Le qubit a pour caractéristique d’être très fragile. Pour espérer créer un ordinateur quantique, il va falloir triompher de la défaillance des qubits, en corrigeant et en atténuant les erreurs résultant de leur manipulation. Or, la moindre interaction avec l’extérieur a pour effet de casser cette superposition quantique, pourtant si utile. Ce phénomène est appelé décohérence.

Le problème, c’est que plus il y a de qubits en jeu, plus la cohérence est vulnérable. « Le temps de cohérence d’un état intriqué de N qubits est en effet environ N fois plus court que celui d’un seul qubit », relève le Commissariat à l’énergie atomique. Or, pour qu’un ordinateur quantique soit intéressant, il lui faut pourtant fonctionner sur un grand volume de bits quantiques.

Autre difficulté : il est impossible de supprimer toute interaction avec l’extérieur, justement parce qu’il faut bien manipuler les qubits quand même, pour appliquer des opérations logiques, dans le cadre de l’exécution d’un algorithme, mais aussi pour ne serait-ce que « lire » le résultat. C’est donc un combat permanent face à ces erreurs qui détruisent la superposition quantique.

Est-ce que l’ordinateur quantique existe ?

Il n’existe pas encore d’ordinateur quantique fonctionnel et universel. Ce qui est en train d’émerger aujourd’hui, ce sont des prototypes modestes, nommés simulateurs quantiques, qui peuvent traiter des problèmes précis en physique, en ingénierie, en chimie ou encore en pharmaceutique, rappelait en octobre 2022 Aymeric Delteil, chercheur au CNRS.

Pour que l’ordinateur quantique se déploie pleinement, il lui faudra mettre en œuvre des algorithmes taillés pour l’informatique quantique, comme l’algorithme de Shor pour ce qui est de la factorisation des grands nombres. C’est aussi un ordinateur qui sera capable de contenir la décohérence induite par la manipulation des qubits, qui sont appelés à être de plus en plus nombreux.

Un ordinateur quantique. // Source : Wikimedia/CC/National Institute of Standards and Technology (photo recadrée)
Un ordinateur quantique. // Source : Wikimedia/CC/National Institute of Standards and Technology (photo recadrée)

Le plus gros ordinateur quantique annoncé ne contient « que » 127 bits quantiques, dans le cadre d’une démonstration, une preuve de concept. Ce n’est toutefois pas rien : comme le notait Julia Kempe, à partir de 50 qubits, on arrive « à des phénomènes qu’on ne peut plus simuler avec des ordinateurs classiques ». C’est déjà en quelque sorte un autre monde.

Reste toutefois une interrogation : pourra-t-on vraiment construire un ordinateur quantique universel et fonctionnel ?

Cela fait au moins trente ans que l’on prédit l’émergence régulière de ces machines, à intervalle de dix ou vingt ans, mais elles n’ont jusqu’à présent jamais vu le jour. Rien ne dit que cela aura bien lieu un jour. Certes, Google ou IBM communiquent souvent (Google vise 2029 pour son ordinateur quantique), mais il y a parfois de la démesure dans les annonces faites.

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