Quel est le lien entre le footballeur star de l’équipe de France Paul Pogba et des travailleurs ruinés ? La réponse n’est malheureusement pas réjouissante : un projet de NFT qui a tourné à l’arnaque. C’est la conclusion d’une enquête parue le 1er mars 2023 dans le média sportif The Athletic. Le journaliste Joey D’Urso, qui a mené l’enquête, a interviewé des victimes de CryptoDragon, un projet qui a payé le milieu de terrain pour faire sa publicité — et qui a mené à la ruine de certains de ses fans.
Il est important de préciser que Paul Pogba n’est pas directement lié au projet. Il a cependant été payé pour en faire la publicité sur son compte Twitter, comme on peut le voir avec la présence du hashtag #Ad (publicité, en anglais) dans l’un de ses tweets.
Comme l’écrit le journaliste, « ce n’est pas juste de se focaliser sur Paul Pogba. Beaucoup d’autres joueurs ont fait la promotion d’arnaques qui ont ruiné des fans de football. » Joey D’Urso blâme aussi « les sites comme Forbes, Yahoo Finance et Bloomberg, qui ont partagé leur communiqué de presse sans vérifier ce que les projets sont ». « J’ai vu de nombreux exemples comme celui-là, avec des arnaques complètes, qui mettent des liens vers ces articles pour les faire apparaitre comme crédibles. »
Un projet de « dragons NFT » soutenu par Paul Pogba
Le début de l’histoire remonte au 15 novembre 2021, lorsque Paul Pogba partage sur son compte Twitter une courte vidéo de lui. « Je suis ravi de vous annoncer mon partenariat avec le phénoménal projet Cryptodragon », peut-on l’entendre dire dans la vidéo, dans laquelle il parle également d’un record de vente qui aurait été établi par les porteurs du projet. « C’est la première fois que j’achète un NFT, c’est énorme. Je vais avoir des œufs de dragons, et je vais être le père des dragons », explique-t-il en souriant.
La vidéo, qui compte aujourd’hui près de 200 000 vues, a motivé un grand nombre de personnes à investir dans le projet. Berat Kurnza, une des victimes qui a parlé au journaliste, raconte qu’il a décidé d’investir, avec son cousin, « principalement » à cause de Paul Pogba. « Nous pensions qu’il connaissait les personnes derrière le projet, que c’était quelque chose de légitime. »
Peu après la publication du tweet, en fin d’année 2021, le projet décolle. D’après The Athletic et les données d’OpenSea, le populaire site de vente de NFT, les CryptoDragons se vendent au prix fort : des millions de dollars ont été investis dans la collection.
Les CryptoDragons devaient faire partie d’un vaste projet : les utilisateurs achetaient des NFT d’œufs de dragons, qui finissaient par éclore. Ils pouvaient alors affronter d’autres dragons en combat, ou bien choisir de faire « s’accoupler » leurs dragons afin de donner naissance à d’autres.
Malgré les promesses des créateurs, les NFT perdent rapidement en valeur. Tandis que, dans sa vidéo, Paul Pogba parle d’un NFT vendu plus d’une trentaine d’ETH (la crypto-monnaie associée à la blockchain Ethereum), en avril 2022, quelques mois plus tard, le prix moyen d’une vente est de 0,6 ETH. Une baisse désastreuse pour les investisseurs, comme Berat Kurnaz. Il raconte avoir investi et perdu près de 2 000 dollars, l’équivalent de trois mois de salaire pour lui. Il n’est pas le seul : le journaliste a parlé à d’autres victimes, qui n’ont pas souhaité être nommées, et ont perdu entre 6 000 et 24 000 dollars.
Les fondateurs du projet CryptoDragons ont disparu
Aujourd’hui, le compte Twitter du projet n’est plus actif depuis des mois. Le dernier message date d’août 2022 : les créateurs du projet y annoncent une collaboration avec la blockchain Polygon. Depuis, silence radio sur le site. Même chose sur le groupe Discord du projet, où le dernier message d’un modérateur date du mois de septembre, et dans lequel il est juste question de « problèmes techniques » que rencontrerait le site.
Depuis, sur le Discord, de nombreuses personnes font part de leur déception. Elles estiment qu’il s’agit d’un « rug pull », un type d’arnaque où les créateurs d’un projet partent avec la caisse, en laissant derrière eux toute une communauté prise au dépourvu.
Selon une personne interviewée dans l’enquête, vers le mois de février, les créateurs du projet auraient « retiré 800 ETH », équivalent à ce moment-là à 2 millions de dollars. Nari, une Canadienne souvent présentée comme l’une des co-fondatrices du projet sur Twitter, n’est depuis plus joignable. Des interviews d’elle auraient été effacées de YouTube, rapporte The Athletic.
Les arnaques aux NFT sont devenues monnaie courante. Avec l’explosion de leur popularité en 2021, ces tokens ont attiré toute une foule de curieux cherchant à se faire de l’argent rapidement. Mais, le milieu des NFT a également constitué une opportunité en or pour les escrocs, qui ont monté de nombreux projets frauduleux pour attirer les investissements d’utilisateurs, parfois peu informés sur les risques et en recherche de profit.
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