Dans la série des sujets qui nous passionnent sur Numerama, les drones occupent évidemment une place de choix. Si vous faites un tour à la rédaction, vous pourrez nous trouver au hasard en train de travailler, de manger, de boire du café, ou de jouer avec un robot volant. Et pourtant la définition du drone ne va pas de soi : aujourd’hui, on n’hésite pas par exemple, à vendre et annoncer des drones qui roulent alors que, par définition, un drone est un engin volant qui n’a pas de pilote… militaire.
Mais l’objet est tellement présent aujourd’hui qu’on aurait du mal à jouer les défenseurs du langage : le grand public et les entreprises se sont approprié l’usage et c’est sûrement très bien comme cela. Il est encore plus intéressant de noter qu’aujourd’hui, on observe des exemples d’utilisation des drones dans des domaines extrêmement diversifiés, touchant des secteurs très éloignés de ce pour quoi il était fait au début. Puisqu’on nous pose souvent la question, tentons d’y répondre de manière exhaustive : à quoi sert un drone et quelles sont les utilisations des drones civils, professionnels ou militaires ?
Faire la guerre
Malheureusement, on ne peut être exhaustif sans rappeler l’usage premier des drones. Ces drones militaires qui sont employés dans la guerre contemporaine servent à éliminer des cibles stratégiques sans mettre en danger les pilotes. Un usage qui est encore contesté dans l’armée car il met une distance froide entre l’opérateur et sa cible, entre l’écran de contrôle et la cible éliminée. Comme The Kernel l’avait remarqué en février dernier en interrogeant un ancien pilote de drone, ce poste loin des combats n’est pas le plus convoité.
Les États-Unis sont les plus grands utilisateurs de drones de combat, qui sont entrés dans leurs armées dès les années 1990. C’est par exemple en 1994 que les Predator font leurs premiers vols de test et sont lancés dès l’année suivante dans les Balkans. Ces appareils qui ont un rayon d’action de 1 250 km peuvent être lancés en reconnaissance sans armes ou être équipés avec des missiles Hellfire.
De manière générale, le drone a un triple usage dans les armées contemporaines : la surveillance (à l’intérieur comme à l’extérieur), la reconnaissance du terrain pour les troupes terrestres, et aériennes et l’élimination. En France, c’est seulement depuis 2011 que l’autorisation a été donnée de construire des drones armés, qui constitueront la prochaine génération d’appareils : le Harfang fabriqué par EADS que l’armée française utilise aujourd’hui n’est qu’un drone de reconnaissance.
s’amuser dans son jardin
Loin des préoccupations militaires, le drone est devenu ce qu’on connaît aujourd’hui sous ce nom grâce au drone dit de loisir. L’aéromodélisme n’a pas attendu les années 2000 et l’apparition des smartphones pour créer des avions et autres hélicoptères téléguidés, mais c’est bien avec une nouvelle génération de drone que l’usage est passé du professionnel expérimenté au grand public.
Et c’est peut-être le Français Parrot qui a été précurseur de cette nouvelle vague pour les amateurs avec son AR Drone sorti en 2010. Si les premiers modèles n’ont pas fait grand bruit, la faute à un prix trop élevé par rapport à ce que la technologie permettait à l’époque, cela a permis à Parrot de se spécialiser dans le secteur et de devenir, quelques années après, une référence. Aujourd’hui, le Parrot Bebop est l’un des meilleurs drones sur le marché et celui dont le rapport qualité-prix est peut-être le plus avantageux pour le débutant qui veut s’équiper avec du matériel confortable pour ses premiers vols.
Dans le haut de gamme, c’est le fameux Phantom 3 de DJI qui récolte le suffrages, aussi bien des amateurs que des professionnels. Ce drone qui peut embarquer sans problème une GoPro pour faire des prises vidéos coûte entre un peu plus et un peu de moins de 1 000 euros selon la configuration choisie. Le Phantom 2, qui reste tout de même un excellent modèle démarre à 549 euros sans nacelle. Sur le site de DJI, vous trouverez également les pièces détachées qui vous permettront de réparer les parties de votre drone les plus susceptibles de se briser, notamment les hélices et les trains d’atterrissage.
Si vous souhaitez un petit drone pas trop cher pour commencer le pilotage, tournez-vous de nouveau vers Parrot et les nouveaux drones de la série Airborne. Évitez en revanche les Rolling Spider qui ont un léger problème : pour une raison inconnue liée très probablement à un complot extra-terrestre, cette espèce a tendance à s’envoler loin de vous pour ne plus jamais revenir. Qu’importe, cela donne des témoignages de clients plutôt amusants.
tourner des films et des documentaires
Si vous l’avez manqué dans la précédente catégorie, oui, les drones sont aujourd’hui presque tous équipés de caméra. Les modèles professionnels les plus coriaces peuvent même soulever un reflex et tourner des films ou des documentaires. Si en 1998, le célèbre David Attenborough avait pu tourner un documentaire passionnant sur les oiseaux, le remake de 2015 nommé Conquest of the Skies est d’autant plus impressionnant. Les drones construits pour l’occasion par les compagnies Colossus et Digital Cinema Films sont des appareils de 9,2 kilos capables de soulever deux caméras 5K stabilisées.
Le journalisme par drone permet également d’atteindre des zones sinistrées ou des zones de conflit pour faire des reportages sans mettre en danger les reporters. Il permet aussi d’avoir de nouveaux plans généraux (par exemple d’une manifestation) sans utiliser de coûteux hélicoptères. Une pratique qui tend à se diffuser : on trouve déjà aux États-Unis un cours de drone journalism à l’University of Missouri ou une association professionnelle de drones journalists. En pratique, les journalistes du Daily Dot ont par exemple utilisé un Phantom pour documenter l’explosion à Harlem en mars 2014.
Beaucoup d’expériences sont réalisées depuis mais ont tendance à rester discrètes dans la mesure où la pratique est de plus en plus règlementée. Début 2015, CNN prenait des précautions et annonçait par exemple un programme de reportages par drone en partenariat avec l’administration de l’aviation civile américaine.
Construire des armes volantes
Parce que l’innovation n’a pas de limite, plusieurs Américains se sont amusés à coller des pistolets sur leurs drones pour en faire des armes à hélices. Si les plus simples n’utilisent que de vulgaires pétoires, les plus sophistiqués vont jusqu’à porter des lance-flammes.
http://www.numerama.com/tech/134316-le-barbecue-jamais-sans-mon-drone-equipe-dun-lance-flammes.html
surveiller des champs et améliorer l’agriculture
Ce n’est pas au Mondial des Fournisseurs de l’Agriculture et de l’Élevage qu’on se serait attendus à trouver des produits comme des drones, mais pourtant, au début de l’année 2015, le drone agricole avait une place de choix dans les allées du pôle innovation. Eh oui, ces petits engins volants vont devenir des alliés précieux pour les agriculteurs qui souhaitent surveiller leurs champs. Et pour l’agriculture traditionnelle ou l’agriculture de précision, le drone sait faire des tas de choses :
- repérer et reconnaître les hétérogénéités du sol
- permettre de créer des zones sur une parcelle pour varier la densité des semis
- utiliser le zonage pour homogénéiser une parcelle afin d’augmenter son potentiel
- établir avec précision les besoins des plantations en examinant la densité végétale
- connaître rapidement les dommages sur une parcelle et leur cause (gibier, dégât des eaux, sècheresse…)
La plupart des entreprises qui se lancent dans le drone agricole se positionnent sur le marché comme prestataires de service : elles ne construisent pas elles-mêmes leurs drones mais utilisent des modèles disponibles sur le marché sur lesquels elles installent les capteurs pour réaliser les commandes des clients. Ce sont elles qui opèrent les drones et qui traitent les données, les agriculteurs n’ayant accès qu’au produit final : une synthèse commentée des résultats.
Ces survols rapides, efficaces, moins chers et moins polluants qu’un avion vont permettre d’améliorer les rendements des parcelles et de les protéger contre les aléas environnementaux. À termes, l’idée est de pouvoir semer et traiter avec une précision qui permettra d’éviter le gaspillage et réduire l’impact environnemental des pesticides.
livrer des colis
C’est l’usage à la mode que personne n’a pu manquer. Le drone est une aubaine pour toutes les entreprises qui ont une activité de livraison : économique, mobile, rapide et autonome, le drone livreur n’a qu’un désavantage de taille par rapport à équivalent motorisé — le poids qu’il peut transporter.
Ainsi, on voit des Walmart, Amazon et autres services postaux se positionner sur la recherche et le développement de la livraison par drone. Des entreprises plus petites comme PopChef estiment qu’il s’agira de la prochaine révolution en termes de livraison de proximité pour répondre à la problématique du « dernier kilomètre » à parcourir par les livreurs.
On imagine bien voir des drones voler à basse altitude dans la ville de demain, livrant colis et lettres, mais vu que leur autonomie est indexée sur leur charge, il est assez difficile de penser à des drones transportant plus que de petits livres et objets ou des aliments. Les véhicules autonomes roulants, qui ne sont pas des drones, pourraient les aider de ce côté-là.
Les drones peuvent être également utilisé pour effectuer des livraisons sur des territoires peu accessibles ; ils seront par exemple utilisés au Rwanda pour livrer des médicaments dans les zones reculées du pays.
diffuser du wi-fi à l’échelle planétaire
C’est une lubie qui échappera au particulier comme à ceux qui disposent d’une connexion internet stable et à bon débit mais c’est un objectif des grandes entreprises tech : offrir un accès internet à toute la planète. Et pour cela, les drones ont leur mot à dire. Si Google a plutôt misé sur des ballons et Elon Musk sur des satellites, Facebook a imaginé un drone de l’envergure, ailes déployées, d’un Boeing pour accomplir cette tâche.
Cet engin nommé Aquila peut se maintenir plusieurs mois à très haute altitude grâce à ses panneaux solaires et peut communiquer en direct avec d’autres drones pour couvrir une zone en permanence. Côté diffusion d’Internet, il est équipé d’un laser optique capable de transférer des données à 10 Go par seconde.
Quand on sait qu’à peu près 57 % de l’humanité n’a, aujourd’hui, pas d’accès à Internet, on comprend la volonté de ces géants de réduire la fracture numérique au plus vite. Il s’agit à la fois d’amener cette technologie que nous utilisons au quotidien partout dans le monde sans discrimination et de trouver de nouveaux utilisateurs.
Modéliser des bâtiments en 3D
Fermez les yeux un instant et essayez de vous figurer le Christ Rédempteur au-dessus de Rio de Janeiro. Oui, celui qui a été éclairé du drapeau allemand lors de la dernière Coupe du Monde de football. Maintenant que vous l’avez, vous vous êtes sûrement rappelé qu’il était installé sur une montagne et qu’il était plutôt difficile d’accès. Mais là où les échafaudages ne peuvent s’installer, les drones débarquent.
L’Université de Rio et Aeryon Labs ont utilisé des drones pour prendre des photographies en très haute définition de la célèbre statue et les ont compilées pour arriver à une reproduction en 3D de l’édifice, essentielle pour les conservateurs qui s’occupent de l’entretien des monuments nationaux. Alors certes, le produit final n’est pas directement issu du drone, mais sans le drone, il aurait été très délicat — sinon impossible — de photographier aussi précisément la statue du Christ.
https://www.youtube.com/watch?v=-ucLIckILT4
sauver des vies
Non, les drones ne nous veulent pas que du mal. Pas plus que les robots, quoi qu’en disent les apôtre de Skynet. Et ils peuvent parfois nous sauver la vie. Comment ? Eh bien c’est assez simple : imaginez par exemple un drone qui transporterait un gilet de sauvetage et qui pourrait être envoyé en quelques secondes à un nageur en détresse, grâce à des pâles bien plus rapides qu’un maître-nageur. Ce n’est pas de la science-fiction, mais bien le projet Ryptide. L’engin est équipé d’une GoPro pour permettre au sauveteur, bien humain cette fois, de le contrôler.
Et si vous habitez trop loin des côtes pour que ce drone vous touche, que diriez-vous d’un drone ambulancier dont le prototype a été mis au point par un étudiant belge ? Les municipalités s’attachent de plus en plus à équiper nos trottoirs et les lieux de forts rassemblement de défibrillateurs pour venir en aide aux victimes d’un arrêt cardiaque. Avec un drone, plus besoin d’un défibrillateur fixe à chaque coin de rue : c’est l’appareil volant qui se déplace sur le lieu du drame. Une méthode d’autant plus efficace qu’elle permet de couvrir des zones non prioritaires pour les services publiques : ce n’est effectivement pas dit que les arrêts cardiaques surviennent pile sous le défibrillateur des mairies.
À 15 000 dollars l’engin, il faudra nécessairement faire baisser son prix avant qu’il devienne rentable, mais il permettra très certainement d’économiser de l’argent sur le long terme. Et de sauver des vies qui n’auraient pas pu l’être.
http://www.numerama.com/tech/149405-les-drones-traqueront-bien-les-requins-sur-les-cotes-australiennes.html
aider la police
Si South Park a vu juste dans la saison précédente, les drones policiers chasseront les drones bandits dans un futur proche. Mais avant que la réalité rejoigne la fiction, il y a ces drones que la police française souhaite utiliser pour de la reconnaissance ou de la surveillance de zones difficilement accessibles.
À Paris, la police préfère l’usage du drone que celui de l’hélicoptère, plus coûteux et plus difficile à manier pour de la reconnaissance en milieu urbain. « Plus simple?et?plus?réactif,?le?mini-drone?peut?assurer?des?missions discrètes?de surveillance et d’observation mais sur de courtes distances et durées. Le problème toujours en suspens pour ce vecteur est le cadre juridique de mise en œuvre car les réglementations aériennes sont particulièrement strictes, et ce d’autant plus que le drone évolue au-dessus de l’espace urbain », disait le livre blanc de la préfecture.
L’usage des drones est aussi à l’étude du côté de la surveillance des réseaux routiers. Eh oui, le radar mobile pourrait devenir un radar mobile aérien dans les prochaines années : il va falloir surveiller les compteurs.
inspecter le réseau ferré
Vous ne trouverez peut-être pas de prise dans votre TGV, mais ce n’est pas pour autant que la SNCF s’empêche d’innover. L’entreprise qui s’occupe de nos beaux chemins de fer a annoncé qu’elle allait moderniser la surveillance de son réseau ferré grâce aux drones. C’est avec le centre français de recherche aérospatiale que la SNCF souhaite déployer des engins volants pour avoir un œil permanent sur les voies, les caténaires ou repérer si des gens se baladeraient sur les rails.
En novembre 2013, la SNCF a expérimenté son premier drone sur les parois rocheuses de Le Trayas, dans le Var, pour modéliser les courbes de la roche et maîtriser ainsi les risques de chute sur les voies. Un usage qui se rapproche donc de la sauvegarde du Christ de Rio, mais appliqué à l’industrie. Peut-être viendront-ils un jour vous servir le café à bord.
Valoriser le patrimoine
Vous avez un engin volant de petite taille, mobile et peu onéreux, que vous pouvez piloter sans permis et qui embarque en plus des caméras et appareils photos d’excellente qualité. Pourquoi ne pas en profiter pour prendre en photo les splendeurs de notre beau patrimoine national ? C’est ce qu’a fait Versailles dans ses jardins pour avoir de nouvelles vues du château. Bonus : ces clichés ont été réalisés avec Wikimédia France qui a eu l’accord pour les diffuser sous licence libre et les utiliser pour illustrer le monument.
Faire voyager de la drogue
AirCocaïne, c’est le passé. Comme souvent, les cartels redoublent d’intelligence pour acheminer leur marchandise et les drones n’ont pas échappé à leur attention. Petits, mobiles, rapides et n’impliquant pas d’humains, ils peuvent être de magnifiques mules pour transporter de petites cargaisons de drogue par-dessus les frontières.
Même si la pratique risque de s’intensifier avec la perfection des engins (on comptait 150 tentatives repérées depuis 2012 en début d’année 2015), elle reste marginale et les expériences ne finissent pas toujours comme prévu. Pour preuve, ce drone qui s’est écrasé au Mexique en janvier dernier, abandonnant sa cargaison illicite aux forces de l’ordre. Try again.
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