Pendant quelques heures, le monde de la cryptomonnaie a retenu son souffle le 11 mars dernier : l’USDC (ou USD Coin), un stablecoin émis par l’entreprise Circle, a perdu son indexation. D’ordinaire, le prix d’un jeton et lié à celui du dollar : 1 USDC est égal à 1 dollar, quelle que soit la valeur du billet vert. Que le stablecoin se désaligne en perdant son indexation est donc improbable, mais également de très mauvais augure.
C’est bien ce scénario catastrophe qui s’est joué le 11 mars, tout ça, à cause de la faillite d’une banque traditionnelle, Silicon Valley Bank (ou SVB), qui paraît de prime abord éloignée du secteur des cryptomonnaies. Pour l’heure, l’USDC de Circle semble être tiré d’affaire. Cependant, l’histoire a réveillé le traumatisme du krach du stablecoin Terra en 2022, et surtout, fait planer le spectre d’une crise financière globale.
SVB, la banque des startups
Pour mieux comprendre ce qu’il est arrivé à l’USDC, il faut parler de SVB. Silicon Valley Bank est une banque classique, fondée en 1983. À la base, elle n’est pas spécialement tournée vers les entreprises du secteur des cryptomonnaies, contrairement à Silvergate qui se spécialise très vite dans le domaine. SVB se dirige plutôt vers les startups de la tech, celles qui font la gloire et la réputation de la Silicon Valley à travers le monde.
Pour le secteur de la tech, l’importance de cette banque, qui était devenue la 16e plus grosse est États-Unis, est colossale. En 2020, elle détenait plus de 102 milliards de dollars d’actifs, puis le double, fin 2022. Elle e a accueilli un grand nombre de startups devenues aujourd’hui des références de leur secteur, telles que Roblox, Roku, Trustpilot, BlockFi, et plus de 2 500 entreprises de capital-risque, spécialisées dans les investissements. Parmi ces entreprises, on comptait notamment Circle, qui émet le stablecoin USDC.
Une faillite éclair
Numerama a consacré un article entier à l’histoire de la faillite de SVB, qui aborde en détail tous les aspects techniques et financiers. Mais pour avoir une version plus raccourcie des faits, voilà ce qu’il s’est passé en résumé.
À la suite de la crise sanitaire, la banque centrale américaine a décidé de relever ses taux directeurs, ce qui a eu pour conséquence de rendre plus difficile l’emprunt d’argent. Or pour des startups, c’est un problème lorsque le business dans lequel elles évoluent n’arrive pas encore à tourner tout seul. Tant qu’elles ne sont pas rentables, elles doivent chercher de l’argent.
La clientèle de SVB a donc continué à solliciter la banque, mais ces demandes sont devenues difficiles à honorer. Pour dégager des marges de manœuvre, il lui faut alors vendre, dans des conditions défavorables, certains de ses placements, et par ailleurs faire des emprunts et céder certaines de ses actions. Les demandes de sortie d’argent montent à 42 milliards de dollars.
Ce mouvement a été amplifié par des rumeurs d’une incapacité de la banque à restituer les sommes en temps et en heure. Inévitablement, les doutes autour de l’avenir de SVB se propagent dans la Silicon Valley et des appels commencent à plaider pour un retrait des dépôts. C’est le début de la panique bancaire, ou bank run : tout le monde désire retirer simultanément leur argent.
SVB s’effondre alors et l’avenir des fonds de tous les clients devient très incertain — c’était vrai du moins jusqu’à l’intervention des autorités américaines, qui ont déclaré garantir les dépôts, afin d’éviter de re-déclencher une crise financière semblable à celle apparue à la fin des années 2010 et dont le symbole est la chute de la banque Lehman Brothers.
Comment la faillite a-t-elle affecté l’USDC ?
La faillite n’est donc pas arrivée à cause du secteur des cryptos et de la faillite récente du géant FTX, comme cela a été le cas pour Silvergate, une autre banque américaine. Cependant, la chute de SVB a bien eu des conséquences directes sur le secteur, et notamment sur une entreprise très importante dans le milieu : Circle.
Circle s’occupe d’émettre le stablecoin USDC. C’est le deuxième plus gros acteur en termes de capitalisation, derrière Tether, avec 40 milliards de dollars. Au global, il s’agit aussi de la quatrième cryptomonnaie, juste derrière le BNB de Binance. C’est une énorme crypto. Dès lord, la perte de l’indexation avec le dollar a déclenché une panique dans tout le secteur.
Cette indexation vient d’un mécanisme très simple : pour chaque nouveau jeton, 1 dollar équivalent est stocké dans les réserves de Circle, sous forme de cash ou avec des bons du Trésor américain à courte durée. Ces réserves sont conservées dans « des institutions financières majeures, comme BlackRock et BNY Mellon », se vante Circle sur son site. Sauf qu’une partie des réserves de Circle était également stockée chez SVB. Malchance.
De quels montants parle-t-on ? Selon les annonces de l’entreprise le 11 mars, 3,3 milliards de dollars étaient déposés chez SVB, sur les 40 milliards de réserves de Circle. Alertés par ce message, certains des clients de Circle ont revendu en panique leur USDC, suivant à nouveau le même mécanisme de bank run qui avait déjà mis à terre SVB.
La conséquence directe de cette vente massive de stablecoin est que le jeton perd son indexation au dollar, et le prix décroche. Un USDC s’échangeait à 0,8837 dollar le 11 mars à 8h45 du matin, selon les données de Coinmarketcap — la veille, à 22h, il valait toujours 1 dollar.
Est-ce la fin de l’USDC ?
Une désindexation est d’autant plus grave pour une stablecoin qu’il y a un an, à la suite d’une autre panique similaire, le jeton Terra s’effondrait et emportait avec lui une capitalisation boursière de 50 milliards de dollars. Le traumatisme encore récent de cette faillite a certainement accéléré les retraits d’USDC au début de la désindexation. Cependant, contrairement au Terra, la chute s’est arrêtée pour le stablecoin de Circle.
Le pire semble pour l’instant évité grâce à plusieurs facteurs. Tout d’abord, plusieurs annonces de la part de la banque centrale américaine sont venues rassurer les clients de SVB, notamment la décision du Trésor américain d’autoriser l’accès aux dépôts. « Les déposants auront accès à la totalité de leur argent à partir du lundi 13 mars. Aucune perte liée à la résolution de la SVB ne sera supportée par le contribuable » a déclaré Janet Yellen, la secrétaire au Trésor.
Enfin, la déclaration du CEO de Circle, Jeremy Allaire, le 12 mars, a fini d’apaiser les inquiétudes. « 100 % des dépôts de SVB ont été récupérés et seront disponibles dès l’ouverture des banques demain », a-t-il tweeté.
Progressivement, la valeur de l’USDC est remontée : au moment de l’écriture de cet article, elle est à 0,9989 dollar. Les déboires de l’USDC sont-elles pour autant finies ? Comme toujours avec les cryptos, cela reste difficile à dire. Circle a en tout cas réussi à ne pas reproduire le krach de Terra, et à ne pas déstabiliser encore plus le secteur des crypto-monnaies — pour le moment.
+ rapide, + pratique, + exclusif
Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.
Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !