Que se passe-t-il avec SVB ?
La banque SVB
Fondée en 1983, SVB se focalisait sur les services pour les entrepreneurs, les startups et le capital-risque. Elle était très prisée dans la tech. La preuve : les actifs qu’elle gérait sont passés de 49 milliards de dollars en 2018, à 102 milliards fin 2020.
Le 10 mars 2023, une importante banque américaine, la Silicon Valley Bank (SVB), a fait faillite. Sa chute est grave dans le secteur bancaire, car il s’agissait du seizième plus gros établissement outre-Atlantique, selon les statistiques de la Réserve fédérale, la banque centrale des États-Unis. Elle comptait plus de 209 milliards de dollars d’actifs au 31 décembre 2022.
L’effondrement soudain d’un tel poids lourd a fait vaciller plus largement le secteur financier américain et, par contagion, le reste du monde. Depuis le 8 mars, divers indicateurs ont marqué une dégringolade plus ou moins forte. De la bourse de Paris à Wall Street et son indice boursier S&P 500, tous les voyants sont passés au rouge.
Comme le note Le Monde, le cours des quatre plus grandes banques aux USA (J.P. Morgan, Bank of America, Wells Fargo, Citi) a effacé 52 milliards de dollars de capitalisation. Les banques européennes ont suivi : Société générale, BNP Paribas, Crédit agricole, Deutsche Bank, UBS, Barclays, Intesa Sanpaolo ont vu leur cours descendre de -3,24 à -6,95 %.
L’ampleur de cette onde de choc — c’est une panique bancaire — a pu donner l’impression d’un début de crise financière, comme en 2008 avec la disparition de la banque Lehman Brothers. Il s’agit sans aucun doute de la plus grande débâcle du secteur depuis cette époque, relève le New York Times. Et c’est la deuxième plus grande faillite de l’histoire US.
La similarité avec la crise mondiale de 2008 est toutefois discutable, en raison des mesures prises en général dans le secteur bancaire depuis cette époque, mais également des actions lancées immédiatement après le crash de Silicon Valley Bank.
Les autorités américaines n’ont pas laissé la « plaie » s’infecter davantage après la panique bancaire des épargnants. Depuis le 10 mars, des actions ont été prises pour limiter la casse et s’assurer que tous les dépôts en banque chez SVB puissent être garantis dans leur totalité — et éviter que les entreprises concernées ne puissent plus payer leurs salariés. Pour la crypto-monnaie, déjà malmenée ces derniers temps, on craint un autre plongeon. Y compris des stablecoins, pourtant censées être stables.
Pourquoi la banque SVB s’effondre-t-elle ?
La disparition de Silicon Valley Bank est la conjugaison de plusieurs phénomènes : il s’agit d’un établissement spécialisé dans le financement des startups ; c’est une banque incontournable dans le secteur de la tech, d’ailleurs. Elle a reçu des fonds importants de ses clients, placés à une époque où les taux aux États-Unis étaient très attractifs.
L’échec de SVB tient aussi à une stratégie discutable et une mauvaise gestion des risques et de son exposition au secteur de la tech. D’autres facteurs ont joué en sa défaveur, comme les commentaires d’acteurs clés du business, qui ont accru la panique bancaire en conseillant aux startups d’aller retirer leur dépôt.
Du temps où l’époque était au soutien de l’économie, avec la crise du covid, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais en 2022, cette période a pris fin, avec la décision de Washington de remonter fortement les taux dans le pays, à plus de 4,5 %. Sauf que durant cette période, la banque avait placé les capitaux de ses clients, pour générer du rendement.
SVB avait reçu d’importants capitaux de sa clientèle, car à l’époque, il était simple de lever des fonds. Les robinets étaient largement ouverts pour soutenir l’économie. Pour limiter les risques, ce n’est pas le secteur de la crypto qui est regardé pour placer cet argent, mais des bons du Trésor américain, qui sont des actifs peu risqués.
Le placement de cet argent dans des bons du Trésor n’est pas, en soi, une mauvaise politique. Le problème, c’est que leur valeur de ces obligations a chuté lorsque la Réserve fédérale a augmenté les taux d’intérêt pour contrer l’inflation de ces dernières années. Or, ces taux beaucoup plus haut ont aussi rendu l’accent à l’argent facile… bien moins simple.
Les startups se sont retrouvées dans une situation où la levée des fonds ne se faisait plus comme avant — les coûts d’emprunt ont progressé. Pour continuer à tenir leur niveau de dépenses, faute de réussir à dégager des revenus par leurs activités, une seule solution : se tourner vers la SVB pour « brûler » leur cash… et ainsi continuer en attendant des jours meilleurs.
C’est là que les choses se sont corsées : préoccupée par sa capacité à avoir assez de liquidités pour satisfaire toutes les demandes de sa clientèle, SVB a vendu une bonne partie de son portefeuille de titres de 21 milliards de dollars. Un portefeuille dans lequel « elle avait des pertes latentes », précise Morning Star. C’est l’annonce du 8 mars qui a tout précipité.
Or, cette manœuvre lui a coûté 1,8 milliard de dollars, parce que cette vente a eu lieu avant l’heure. Peter Thiel, l’un des grands investisseurs de la Silicon Valley, a aussi conseillé aux clients de sortir de la banque et de retirer leurs fonds par la même occasion.
Le cocktail était complet pour un bank run : une banque très liée au secteur de la tech, sans autre diversification ; une remontée des taux aux USA ; des fonds placés sur des titres dont la valeur s’est émoussée ; des startups qui n’arrivent plus à emprunter facilement et désirent consommer leurs réserves ; des doutes sur les liquidités de la banque ; des appels d’investisseurs à quitter la banque.
La panique bancaire a été considérable : 40 milliards de dollars. Il a fallu pour cela les 21 milliards de dollars vendus par SVB, un emprunt de la banque de 15 milliards, la vente d’une partie de ses propres actions pour lever 2,25 milliards de dollars… La panique bancaire a terrassé l’établissement.
Quelle réaction des autorités américaines ?
« Sous ma direction, [la secrétaire au Trésor Janet Yellen] et le directeur de mon Conseil économique national ont travaillé avec les régulateurs bancaires pour résoudre les problèmes de la Silicon Valley Bank [..]. Je suis heureux qu’ils soient parvenus à une solution qui protège les travailleurs, les petites entreprises, les contribuables et notre système financier. » Ce message, publié le 13 mars par le président des États-Unis Joe Biden, résume l’état d’esprit qui prévaut outre-Atlantique : pas question de laisser la situation se dégrader sans intervenir. Ainsi, deux jours après l’annonce de la Silicon Valley Bank, les autorités de régulation interviennent pour prendre le contrôle de la SVB et gérer l’accès aux dépôts.
Ainsi, la California Department of Financial Protection and Innovation (DFPI) a pris la main le 10 mars, en invoquant un manque de liquidités et une insolvabilité. Elle a désigné la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) comme administrateur judiciaire. Son rôle, en tant qu’agence indépendante du gouvernement, est de garantir les dépôts bancaires aux États-Unis.
Cette mise sous tutelle par la FDIC a entraîné la création, par cette dernière, d’une nouvelle structure, une banque nationale d’assurance des dépôts (Deposit Insurance National Bank of Santa Clara) pour pour protéger les déposants assurés de la Silicon Valley Bank. La référence à la ville de Santa Clara vient du fait que le QG de la SVB se trouve dans cette commune.
Diverses autres mesures ont été prises dans la foulée, pour assurer le coup. La plus significative reste celle du plafond pour protéger les clients. En principe, les dépôts dans les banques américaines sont garantis à hauteur de 250 000 dollars. Il a été observé que 89 % des 175 milliards de dollars de dépôts n’étaient pas assurés à la fin 2022, selon la FDIC, parce que les propriétaires de ces comptes ont des fonds dépassant largement ce cap des 250 000 dollars.
Néanmoins, Janet Yellen, après consultation du président américain, de la Réserve fédérale et de la FDIC, a décidé de ne pas tenir compte de cette limite : « Les déposants auront accès à la totalité de leur argent à partir du lundi 13 mars. Aucune perte liée à la résolution de la SVB ne sera supportée par le contribuable ». Tout cela, deux jours après la faillite de la banque.
« Les Américains et les entreprises américaines peuvent être sûrs que leurs dépôts bancaires seront là quand ils en auront besoin », a ainsi rappelé Joe Biden. C’est une décision exceptionnelle de la part des autorités américaines, qui gardent en tête la crise de 2008 et l’effondrement de Lehman Brothers, qui a eu un effet boule de neige dans le monde entier.
Les évènements autour de SVB étant très récents, toutes les conséquences ne sont pas encore perceptibles. Mais il devrait y avoir des suites judiciaires, législatives et réglementaires très bientôt. Le président américain dit vouloir « demander des comptes aux responsables de ce gâchis » et des efforts accrus pour « renforcer la surveillance et la réglementation des grandes banques. »
Quels risques en France avec la faillite SVB ?
Les conséquences, pour la France, de la faillite de SVB restent à déterminer avec précision, la chute ayant eu lieu très récemment.
Au niveau du gouvernement, c’est la confiance qui prédomine officiellement : « Je ne vois pas de risque de contagion. Il n’y a pas d’alerte spécifique », a réagi le 13 mars Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances. « Ce qu’il s’est passé aux États-Unis est très singulier », a insisté le patron de Bercy, même s’il surveille « la situation de très près. »
Le discours de l’exécutif est évidemment bousculé par le chahut qu’ont vécu les bourses européennes, avec des cours qui ont dévalé la pente plus ou moins fortement. Ces signaux doivent toutefois être nuancés, selon Mounir Laggoune, le patron de l’application de gestion financière Finary : « Les marchés ont toujours tendance à sur-réagir. »
« Même si les cours baissent fortement, cela ne reflète pas forcément la santé des entreprises. Par ailleurs, les systèmes bancaires français et européen ne sont pas touchés », a-t-il ajouté. Pour les startups françaises actives aux USA et ayant un compte dans la SVB, ça sera difficile : la tempête les touchera… et, indirectement, les entreprises et les particuliers qui font appel à leurs services.
Les banques françaises ont dû se plier à des règles plus exigeantes — comme les accords de Bâle III — pour réduire leur exposition et avoir assez de liquidités pour faire face à d’éventuels mouvements de panique. Bruno Le Maire a d’ailleurs noté le ratio de liquidités « élevé » dans les banques françaises, qui est surveillé chaque mois, et des activités bancaires diversifiées.
Même au cas où une contagion surviendrait, il serait improbable de penser que l’État n’interviendrait pas pour sauver une banque en péril (le bilan de BNP Paribas est à lui seul équivalent au PIB de la France, rappelle le gouvernement). En outre, des mécanismes existent pour intervenir sur les dépôts des épargnants et les garantir, jusqu’à 100 000 euros.
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