Tous les deux bien connus des amateurs de BitTorrent, Mininova et The Pirate Bay ne partagent pas du tout la même philosophie. Ce dernier, suédois, héberge un tracker ouvert qui permet à chacun d’utiliser ses serveurs pour partager des contenus, au nom de la liberté d’expression. The Pirate Bay a fait de son destin une question politique, au service du Parti Pirate et de la défense de la libre circulation des œuvres et des connaissances sur Internet. Ils sont prêts, s’il le faut, à devenir les martyrs de cette cause. De son côté, le site néerlandais Mininova est beaucoup plus prudent.
Fondé par cinq étudiants et riche de plus de 1,1 million de torrents référencés, Mininova est essentiellement un moteur de recherche de liens BitTorrent. Il se contente d’indexer les .torrents uploadés par ses utilisateurs, mais n’héberge aucun tracker. Ca n’est donc pas lui qui est met directement en relation les utilisateurs qui souhaitent télécharger un fichier avec ceux qui le possèdent déjà. De plus, il propose aux éditeurs partenaires des solutions de rémunération, de distribution gratuite de leurs œuvres, y compris en streaming, et s’essaye même au filtrage.
Ainsi alors que The Pirate Bay se moque ouvertement des ayants droit qui lui demandent de retirer des contenus, Mininova a même accepté de collaborer avec la MPAA pour expérimenter un système de reconnaissance des contenus, qui a abouti le mois dernier au filtrage de séries comme Lost, Heroes ou Prison Break.
Mais avec 8 millions de recherches par jour, essentiellement pour des fichiers protégés par le droit d’auteur, Mininova est au coeur des cibles visées par les ayants droit. Le BREIN, l’organisation de lutte contre le piratage aux Pays-Bas, a ainsi porté plainte contre Mininova, dans l’espoir de l’obliger à implémenter un filtre proactif, à ses propres frais. Le procès avait lieu mardi, au tribunal de Utrecht.
Si Mininova doit filtrer, qui doit trouver et fournir les mots clé à filtrer ?
Lors de l’audience, l’avocat du BREIN Dirk Visser a expliqué que malgré les quelques initiatives prises en faveur de certains ayants droit, le but de Mininova était de gagner de l’argent grâce aux millions de requêtes effectuées sur son moteur de recherche, où sont affichées des publicités. Il a assuré que 92 % des .torrents référéncés par Mininova concernaient des fichiers contrefaits.
Il a également expliqué qu’entre 2006 et 2007, le BREIN et Mininova avaient discuté pour trouver un accord de filtrage des contenus protégés par le droit d’auteur. Mais les discussions avaient achoppées sur la responsabilité de la mise en œuvre du filtrage. Mininova souhaitait que le BREIN fournisse des mots clés à filtrer, tandis que l’organisation de défense des ayants droit demandait à Mininova de prendre en charge l’intégralité des coûts, y compris dans l’identification des contenus à bloquer.
Mininova étant d’accord sur le principe du filtrage, c’est donc principalement sur ce point que le tribunal néerlandais devra trancher. Après avoir rappelé au tribunal que contrairement à la MPAA, le BREIN avait refusé de participer à l’expérimentation de filtrage proposée par le site, l’avocate de Mininova Vita Zwann a ainsi estimé que toute la question était de savoir qui doit fournir les informations utiles au filtrage.
Tout en rappelant la difficulté pratique. Par exemple, un filtrage par mot clé est impossible à mettre en œuvre. Si l’on bloque le mot « Office » dans l’espoir d’empêcher la recherche de la série « The Office », le filtre bloquerait également 92 torrents liés à la suite bureautique libre « Open Office », a ainsi expliqué l’avocate.
Elle a par ailleurs assuré que Mininova avait déjà dépensé plus de 250.000 euros en main d’œuvre pour traiter manuellement les 155.876 demandes de retrait de contenus envoyées jusqu’à présent, grâce au formulaire spécialement dédié à cet effet. Plus quelques milliers d’euros pour l’expérimentation du filtrage basé sur la reconnaissance du contenu. Une preuve suffisante de bonne foi, selon Visser. Probablement suffisant, en tout cas, au regard de la réglementation européenne.
Le tribunal, qui a mis seulement deux heures à entendre les arguments de chacune des parties (alors que le procès de The Pirate Bay avait duré deux semaines), rendra son verdict le 15 juillet prochain.
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