Vous souvenez-vous du tôlé mondial qu’avait créé la loi sur le droit d’auteur dans l’environnement numérique (le fameux DMCA) en 1998 ? Et bien imaginez vous maintenant que INDUCE, le nouveau produit du lobbying hollywoodien, fait bien mieux en terme d’impopularité.
Le projet de loi a été déposé par le Sénateur Hatch, représentant bien connu de l’Utah, défenseur sans pareille des intérêts et rêves les plus fous d’Hollywood. Hatch, appelé « Termi(sé)nator » par notre confrère et collaborateur Jon Newton, est celui qui voulait déjà entre autres détruire les PC des pirates, ou qui en proposant le PIRATE Act, a donné la possibilité aux avocats généraux d’engager des actions contre les internautes présumés pirates.
Mais le INDUCE Act tiendra sans doute longtemps la tête du classement des lois de droit d’auteur les plus liberticides. Il prévoit en effet de façon très floue que « quiconque induit intentionnellement quelque violation que ce soit » au droit d’auteur est passible de poursuites. Dans une lettre adressée le 6 juillet au sénateur, 42 organisations dont eBay, CNET, Google, Intel, Sun, Verizon ou Yahoo ont exprimé leurs très vives inquiétudes face au projet.
Les signataires préviennent le sénateur que dans sa rédaction actuelle, la loi S. 2560 (INDUCE Act) remettrait en cause l’affaire Betamax, un jugement sur lequel une grande partie de l’industrie se fie depuis 20 ans pour fournir des produits et services permettant notamment au public de se communiquer librement les œuvres qu’ils souhaitent et d’en faire une copie. La Cour Suprême des Etats-Unis avait en effet décidé en 1984 qu’un magnetoscope n’était pas illégal en soi puisqu’il pouvait très bien servir à copier des œuvres libres de droit, même s’ils savaient (statistiques à l’appui) que l’appareil Betamax de Sony servait en grande majorité à reproduire illégalement des films diffusés à la télévision. Après de vives critiques, l’industrie du divertissement s’est parfaitement accomodée de cette décision, et aujourd’hui les cassettes vidéo et DVD représentent la première source de revenus des producteurs. Cependant le danger ressenti en 1984 est revenu en mémoire lorsque des tribunaux se sont appuyés sur l’affaire Betamax pour justifier que des services comme Kazaa ou iMesh n’étaient pas responsables de l’utilisation illégale des réseaux P2P, et que de ce fait, ils ne devaient pas être condamnés.
Plus de P2P, mais plus d’Internet ou d’ordinateurs non plus
Le projet INDUCE condamnerait sans doute l’ensemble des éditeurs de logiciels de P2P américains (parmi lesquels MetaMachine qui produit eDonkey, Bearshare, ou Limewire), mais pas seulement. Les industriels rappellent à Orin Hatch que l’affaire Betamax qu’il veut remettre en cause a permis à toute une industrie de vendre « des ordinateurs personnels, des scanners, des graveurs CD, des modems, des produits de messagerie instantannée et les logiciels qui leur permettent d’opérer« . Tous sont menacés par la définition très vague du projet. « La législation fournirait aux titulaires de droit d’auteur une nouvelle avenue juridique pour attaquer toute nouvelle technologie » qui toucherait l’un d’eux, directement ou indirectement, indiquent-ils, avant de préciser (afin d’amener la presse avec elle dans le combat) que « même un article sur un produit qui explique la façon dont le produit fonctionne pourrait être impliqué par le projet de loi« .
Inquiétant, n’est-ce pas ? Et bien pas assez visiblement puisque lors des auditions qui avaient lieu aujourd’hui à propos de la loi, Marybeth Peters (du Copyright Office) a demandé une loi encore plus sévère, et a demandé fermement que la décision Betamax soit rayée du paysage juridique ! Les industriels étaient eux écoutés aujourd’hui par la commission judiciaire pour les droits d’auteur présidée par… Orrin Hatch.
En voulant monter trop haut dans le ciel pour rejoindre le soleil, Icare s’est fondu les ailes et s’est écrasé. Qu’en sera t-il pour les majors qui en demandent encore et toujours plus pour contrôler les consommateurs ?
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