Opter pour la réparation d’un appareil, plutôt que son remplacement par un matériel équivalent ou plus récent, lorsque c’est possible. Voilà la direction que souhaite prendre la Commission européenne, avec la présentation ce mercredi 22 mars d’une nouvelle proposition de directive. Son but ? Fixer « des règles communes visant à promouvoir la réparation des biens ».
Plus particulièrement, Bruxelles dit vouloir lever les barrières qui dissuadent le public de réparer un appareil en panne : manque de transparence, difficultés d’accès aux services de dépannage, désagréments divers. Parallèlement, les entreprises et les réparateurs seraient soumis à de nouvelles obligations, au profit des consommateurs.
La directive est aussi présentée comme une bonne occasion de remettre de l’ordre dans les labels environnementaux — la Commission évoque le nombre ahurissant de 230 repères de ce type. Une prolifération qui est une « source avérée de confusion et de méfiance », dénonce Bruxelles. Ici, elle veut au contraire ajouter des restrictions pour éviter d’en voir d’autres fleurir.
Un droit à la réparation sur 5 ou 10 ans
L’avancée la plus marquante, parmi toutes les mesures figurant dans le texte, est toutefois la perspective d’un droit à la réparation, réclamée de longue date, dont la durée s’étalerait de cinq à dix ans selon le type de produit. Parmi les appareils éligibles figureraient les smartphones, les tablettes, les téléviseurs, les lave-linges et les autres appareils électroménagers.
« Les producteurs de biens soumis à des exigences de réparabilité […] seront tenus de réparer un produit pendant 5 à 10 ans après l’achat (en fonction du type de produit), à moins que cela ne soit impossible (par exemple, si les produits sont endommagés d’une manière telle que la réparation est techniquement impossible) », détaille Bruxelles dans sa communication.
Ce droit à la réparation de 5 à 10 ans suivrait la garantie légale de conformité, qui est de 2 ans. Ce mécanisme autorise actuellement la réparation ou le remplacement d’un bien, à la demande du client, en cas de défauts dus à la non-conformité du bien avec un contrat de vente. Le vendeur est alors tenu d’y remédier gratuitement. Cette garantie s’impose déjà à tous.
À ce titre, la garantie légale de conformité serait également remaniée. L’idée serait de prioriser la réparation de l’objet plutôt que son remplacement, sauf si la panne nécessite une intervention plus coûteuse qu’un produit neuf. La réparation devrait aussi être exécutée dans un délai raisonnable.
Une fois cette période écoulée, le droit à la réparation prendrait la suite, mais ce ne serait plus gratuit. Les clients devraient cette fois débourser une somme plus ou moins élevée (selon la nature du problème et la complexité de l’intervention) pour obtenir une remise en marche. Exactement comme si l’on se rendait dans une boutique de réparation.
Les tarifs pourraient à ce titre s’avérer compétitifs, anticipe Bruxelles, qui mise sur une concurrence entre les réparateurs pour éviter des coûts de maintenance abusifs. La Commission mentionne la possibilité, entre autres, de comparer les prix et les conditions d’intervention, afin de se tourner vers la solution de réparation qui donne le plus de satisfaction.
Une avancée insuffisante ?
Ce point est toutefois critiqué. La coalition Right to Repair, bien qu’elle salue ce « pas en avant » vers le droit à la réparation, pointe plusieurs limites. La Commission « manque d’ambition pour faire de la réparabilité une réalité abordable. Une fois de plus, l’occasion de rendre le droit à la réparation universel est manquée », critique le mouvement dans une réaction envoyée à Numerama.
L’idée d’une mise en concurrence, dans les conditions prévues par Bruxelles, est jugée insuffisante par Right to Repair. Par ailleurs, ce plan « ne s’attaque pas au coût de la réparation : exiger des fabricants qu’ils fournissent un service de réparation ne signifie pas qu’il sera abordable, et la législation proposée ne couvre pas non plus le coût des pièces détachées. »
Les contours du texte peuvent encore évoluer d’ici son entrée en vigueur. En effet, il faut maintenant que le Conseil européen, qui représente les États membres de l’UE, et le Parlement, s’en emparent et formulent leurs propositions, avant de dégager un texte final. Ce n’est pour ainsi dire que le début du processus législatif pour cette directive.
Les enjeux sont colossaux, pour le pouvoir d’achat de la population européenne. Selon la Commission, choisir le remplacement plutôt que la réparation est estimée à une perte de près de 12 milliards d’euros par an pour les particuliers. L’UE voit aussi des perspectives de création d’emploi dans le secteur de la réparation — des métiers qui ne sont pas délocalisables en outre.
Ce droit à la réparation va soutenir les objectifs climatiques et environnementaux du Vieux Continent, argumente aussi Bruxelles. Les produits qui sont bazardés, mais qui auraient pu être réparés, entraînent « 35 millions de tonnes de déchets, 30 millions de tonnes de ressources et 261 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre dans l’UE chaque année ».
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