Une intelligence artificielle (IA) générant du texte ou des images peut-elle jouir ensuite d’un copyright sur ses créations ? La question s’est posée à quelques reprises, notamment aux États-Unis. C’est une interrogation qui est même revenue sur le devant de la scène dernièrement, avec l’arrivée d’IA génératives comme DALL-E ou Midjourney.
Ainsi, le bureau américain du copyright (US Copyright Office) a été amené ces derniers temps à rappeler qu’une intelligence artificielle ne bénéficie d’aucun droit sur ce terrain. Elles ne peuvent pas être titulaires du copyright d’une œuvre, même si elle semble originale et même si aucun humain ne paraît intervenir pendant le processus de « création ».
Seuls des humains peuvent prétendre au copyright, souligne l’instance dans sa documentation. Il lui faut à ce titre vérifier si l’œuvre a-t-elle été créée par un auteur humain, si elle est assez originale ou encore si elle possède un degré minimal de créativité. Pour que le copyright soit accordé, la réponse doit être « oui » à ces questions, et à d’autres.
Qu’est-ce qui pourrait être inéligible, par exemple ? Le Copyright Office livre quelques cas réels : une revendication fondée sur du bois flotté façonné et lissé par l’océan ; une demande d’enregistrement d’une chanson désignant le Saint-Esprit comme l’auteur de l’œuvre ; une peinture murale réalisée par un éléphant ; ou bien une photographie prise par un singe.
Un selfie d’un singe a posé une question clé sur le droit d’auteur
Et c’est justement cette dernière histoire qui a contribué à exclure l’intelligence artificielle du champ du copyright — aux États-Unis, du moins. Au tout début des années 2010, il a été rapporté une situation qui a posé une drôle de question sur le droit d’auteur : un singe se saisissant d’un appareil photo et prenant en selfie est-il le propriétaire du cliché ?
L’affaire a duré des années. Il semblait évident que c’était le hasard qui a conduit le singe à orienter l’objectif vers lui et à appuyer sur le bon bouton. Mais même à penser le contraire, était-ce vraiment une œuvre originale ? Après tout, le singe n’avait fait qu’un selfie, qui plus est sans toucher aux réglages de l’appareil photo, qui étaient ceux du photographe. Était-ce si original ? Était-ce si créatif ?
Une bataille juridique s’est alors engagée. Sur le plan judiciaire, un verdict rendu en première instance en 2016 a noté qu’il n’y a aucune indication dans le droit laissant entendre que la protection de la loi sur le copyright est effectivement étendue aux animaux. L’affaire est allée en appel l’année suivante, mais sans décision à l’époque, en raison d’un accord amiable.
En 2018, un point final a été apporté à cette affaire quand une cour d’appel a statué que les animaux ne peuvent pas légalement détenir des droits d’auteur. Elle a aussi écarté les prétentions du photographe, qui voulait récupérer les droits du cliché — Wikipédia avait été poursuivie par l’intéressé, car elle estimait, finalement à juste titre, que le cliché relevait du domaine public.
Mise au clair des règles sur le copyright
Sur le plan du copyright, cette affaire a aussi incité le Copyright Office a précisé les règles. Trois ans après le déclenchement de l’affaire, en 2014, The Guardian notait la publication de nouvelles orientations de la part de l’instance. Dans celles-ci, elle stipule que seules les œuvres créées par un être humain peuvent être protégées par le droit d’auteur en vertu de la législation américaine.
Depuis lors, sont explicitement exclues les créations venant des animaux ou des machines lorsqu’il n’y a pas d’intervention humaine. Idem si la création est prétendument issue de la nature, de plantes ou de forces surnaturelles. Les règles du Copyright Office ne citent pas l’IA directement, cependant les ordinateurs et les machines sont évoqués.
Ainsi, le bureau « n’enregistrera pas les œuvres produites par une machine ou un simple processus mécanique qui fonctionne de manière aléatoire ou automatique sans aucune contribution créative ou intervention d’un auteur humain ». Une orientation qui de toute évidence écarte les IA génératives, qui travaillent seules au moment de la conception.
La question clé, poursuit le bureau, est de déterminer « si l’œuvre est fondamentalement une œuvre d’auteur humain, l’ordinateur [ou autre dispositif] n’étant qu’un instrument d’assistance, ou si les éléments traditionnels de la paternité de l’œuvre ont en fait été conçus et exécutés non pas par l’homme, mais par une machine. »
Vers une personnalité électronique ?
Si une IA générant des contenus ne peut pas s’attribuer le copyright de ce qu’elle produit, cela pourrait un jour changer. Des réflexions existent sur l’idée de mettre en place une personnalité juridique ad hoc pour les systèmes d’intelligence artificielle, si ceux-ci deviennent à ce point évolués, au point d’approcher l’intellect humain.
Il a ainsi été évoqué la perspective d’en faire des « personnes électroniques », un statut qui rappellerait celui octroyé pour les personnes morales (État, entreprises, collectivités, etc.) et pour les personnes physiques (les humains). Des droits pourraient être attachés à ce statut juridique, dont celui de détenir des droits d’auteur.
On n’en est évidemment pas là. D’autant que l’on peut arguer que les IA ont été conçues par des humains et qu’elles sont aussi entraînées par des contenus (textes, images, etc.) provenant aussi d’humains. C’est un débat néanmoins fascinant, qu’une bête photo prise par hasard par un singe dans la jungle a servi à relancer… et dont les effets se ressentent encore aujourd’hui.
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