Connaissez-vous Daisy, le robot d’Apple capable de démonter 23 modèles d’iPhone en seulement quelques secondes ? Fièrement mis en avant par Apple depuis plusieurs années (le premier robot recycleur d’Apple, Liam, a été annoncé en 2016), Daisy existe aujourd’hui en deux versions : une à Austin (États-Unis), l’autre à Breda (Pays-Bas). Daisy est capable d’extraire de très nombreuses pièces en moins de 50 secondes (18 secondes d’activité, mais une des étapes prend un peu plus de temps). Apple envoie ensuite les pièces récupérées à des entreprises spécialisées, qui en extraient les matériaux réutilisables, afin de les réintroduire dans la chaîne de production.
Le 17 janvier, Numerama a eu l’opportunité rare de voir le Daisy hollandais en action. C’est lui qui s’occupe de tous les iPhone récupérés par Apple en Europe. Nous avons aussi pu rencontrer les responsables d’Apple à l’origine du projet, afin de parler de stratégie environnementale, sur le long terme. Notre constat est le suivant : Daisy est une vraie révolution dans le processus industriel du recyclage, mais son potentiel est encore loin d’être atteint.
Le recyclage n’est pas adapté aux smartphones
Pourquoi avoir fabriqué un robot dédié au démontage des iPhone ? Plusieurs raisons sont mises en avant par Apple, qui utilise son robot Daisy pour illustrer ses efforts environnementaux (Apple a récemment annoncé qu’il utilisera du cobalt recyclé dans ses batteries en 2025, en utilisant Daisy pour prouver son sérieux).
S’il est juste de souligner les intentions communicationnelles de la marque, force est de constater qu’Apple est un des rares constructeurs qui tienne vraiment ses promesses depuis plusieurs années. Ses activités institutionnelles ont déjà atteint la neutralité carbone, tandis que l’entreprise pense pouvoir l’atteindre pour toute son activité (production, vente…) dès 2030, notamment en forçant ses fournisseurs à utiliser des méthodes de production vertes. Peu d’entreprises revendiquent un calendrier aussi court.
Dans son rapport environnemental annuel, Apple cite aussi d’autres mesures pour renforcer ses actions environnementales. Ferries plutôt qu’avions, véhicules à hydrogène et vélos électriques pour transporter ses produits, fin du plastique dans les emballages… Tout n’est pas encore parfait, mais des actions concrètes existent. Le recyclage s’inscrit logiquement dans cette liste, puisqu’il permet théoriquement de ne plus avoir à miner de nouveaux matériaux pour fabriquer des produits (même si cette équation ne tient pas la route si toute l’industrie fait pareil, puisque la société de consommation incite à produire plus que ce que l’on a déjà).
Les produits récents d’Apple utilisent déjà des matériaux recyclés. Demain, Apple espère étendre cette pratique à un plus grand nombre de composants, ainsi qu’à l’ensemble de ses gammes. Sa responsabilité est aussi de s’assurer que le produit ne devienne pas un déchet à sa fin de vie, ce qui implique, pour le coup, une participation des consommateurs.
Aujourd’hui, selon Apple, le recyclage d’un appareil électronique est assez brouillon. Apple explique que tous les objets, peu importe leurs tailles, sont mis dans des sortes de broyeurs géants pour être découpés en plusieurs morceaux. Différents procédés permettent ensuite de séparer les différents matériaux, mais certains éléments sont perdus (particulièrement dans le cas d’un smartphone, qui est plus petit qu’un lave-linge ou un téléviseur). Avec Daisy, Apple règle ce problème à sa manière. Daisy est adapté aux iPhone du 5 au 12 — l’iPhone 13 viendra plus tard —, ce qui lui permet de réaliser des actions spécifiquement conçues pour ces produits. L’idée est de n’avoir aucun déchet, en récupérant toutes les pièces présentes dans les téléphones.
Les 4 étapes du recyclage d’un iPhone
Techniquement, un robot Daisy peut recycler 1,2 million d’iPhone par an (2,4 millions au total, en additionnant les capacités du robot européen et du robot américain). Malheureusement, tout ça est très théorihque. La faute à un nombre de produits à recycler beaucoup trop bas, qui empêche Apple de faire tourner ses robots Daisy constamment.
Des millions de téléphones dorment dans des tiroirs, mais les consommateurs ont pris l’habitude de les garder « au cas où », ou en souvenir. Ajoutons à ça que les iPhone ramenés à des tiers, comme les opérateurs ou les revendeurs, n’atterrissent pas forcément dans la machine d’Apple. Chaque groupe a sa propre politique de recyclage — ce qui est dommage, puisque Daisy est en capacité de récupérer beaucoup plus de matériaux que les autres machines.
Lorsque Daisy est en état de marche, voici son fonctionnement en quatre étapes :
- Étape 1 : Les iPhone sont insérés dans un bac, avec une étiquette au dos qui sert à les identifier. Ils arrivent sur un tapis roulant dans Daisy, qui utilise un bras pour les attraper. Daisy mesure ensuite leur épaisseur et leur poids, ce qui lui permet de déterminer quel est le modèle à recycler. Les vis en bas du téléphone sont extraites, puis l’écran est arraché. L’iPhone est ensuite déposé dans la deuxième machine.
- Étape 2 : Dans la deuxième machine, il fait -80°C. C’est ici que se déroule l’étape la plus longue, puisque l’iPhone est « congelé » pour annuler les effets de la colle. Après 30 secondes d’attente, le bras de Daisy donne deux coups forts pour faire tomber la batterie, qui peut ensuite être recyclée. L’iPhone passe dans la troisième machine.
- Étape 3 : Ici, Daisy est violent. Sa mission est de retirer tous les composants de chaque iPhone en dévissant tout ce qu’il est possible de retirer. Pour aller plus vite, Daisy perce les iPhone. C’est pour cette raison que les coques des produits recyclés sont perforées.
- Étape 4 : La dernière étape est à la fois automatisée et manuelle, puisque Daisy fait glisser l’iPhone pour que toutes les pièces dévissées soient extraites. Ensuite, c’est aux humains d’agir. À eux de terminer le travail, là où Daisy a échoué, puis de mettre chaque composant retiré dans le bon bac (le haut-parleur, la caméra, etc.) Toutes les pièces sont normalement retirées de l’iPhone, il suffit donc de les mettre dans le bon panier.
À la fin, Apple entrepose tous les composants retirés dans des bacs géants. Ils sont ensuite envoyés à des entreprises spécialisées dans le recyclage qui s’occupent d’extraire les matériaux. Puisque Daisy se contente de désosser les iPhone, les pièces ne sont pas mélangées entre elles. Cela permet d’affiner le processus de recyclage.
Les limites du recyclage des iPhone
Sur le papier, il est difficile de dire du mal de Daisy. Créer un robot spécifiquement conçu pour un produit aussi populaire que l’iPhone a du sens au vu du nombre d’exemplaires qu’il existe dans le monde. L’impact de Daisy sur le recyclage est concret, puisqu’il permet de récupérer des pièces proprement et rapidement.
Cependant, on ne peut s’empêcher de se dire que ce n’est pas assez. Non pas à cause d’Apple, mais parce que le recyclage des produits n’est pas encore ancré dans la conscience populaire aujourd’hui. Qui a vraiment le réflexe de rapporter ses anciens iPhone à Apple quand il n’en a plus besoin ? On pense plus facilement à recycler des bouteilles d’eau qu’un téléphone payé plusieurs centaines d’euros.
Pour inciter ses clients à recycler, Apple échange les anciens iPhone contre de l’argent. Mais il y a un hic. Le programme Trade In de la marque californienne reprend les modèles les plus anciens pour 0 euro et propose des prix jugés inférieurs à ceux de l’occasion trop souvent (jusqu’à 140 euros pour un iPhone X par exemple). En comparaison à certains programmes de reprises concurrents, comme ceux des opérateurs, les prix d’Apple ne sont parfois pas assez compétitifs. C’est dommage, puisqu’Apple est le seul acteur qui utilise vraiment Daisy dans son recyclage. Difficile de reprocher à un consommateur de ne pas avoir envie de se débarrasser d’un produit auquel il est attaché pour une petite somme. Peut-être que si Apple boostait un peu ses offres de reprise, Daisy aurait un peu plus de produits à démonter ?
Autre problème lié au trop petit nombre de produits à recycler : il n’y a sans doute pas assez de Daisy dans le monde. En Asie par exemple, Apple ne procède pas au démontage des iPhone qu’il récupère. C’est dommage, mais compréhensible en l’état. Si les deux Daisy actuels sont sous-exploités, pourquoi en fabriquer d’autres ?
Pour que le recyclage des iPhone devienne la norme, les consommateurs doivent prendre conscience de leur responsabilité vis-à-vis de leurs anciens produits, tandis que les marques et les revendeurs doivent apprendre à mieux mettre en avant leurs efforts en la matière (Apple dit d’ailleurs proposer les plans de Daisy à ses concurrents, sur un modèle « open source »). Les efforts d’Apple pour améliorer la fin de vie de ses produits sont les bons, mais ne pourront pas aller plus loin s’il n’y a pas plus d’iPhone à recycler. À vos tiroirs !
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