Six ans de travail, c’est le temps qu’il a fallu à Fortiche Production pour réaliser la série Arcane sur Netflix. Le jeu en valait la chandelle : récompensée par quatre Emmy Awards et 9 Annie Awards, la saison 1 rencontre un large succès depuis sa sortie en 2021.
Pour arriver à un tel résultat, Fortiche Production s’est assurée que les artistes travaillaient dans les meilleures conditions, notamment du côté technique. Philippe Llerena, Chief Technology Officer, nous explique quels sont les enjeux d’un tel projet, et comment les technologies Nvidia ont épaulé six ans de travail acharné.
Six ans d’innovations à intégrer
En 2021, lors de son arrivée officielle dans les équipes de Fortiche, Philippe Llerena a eu la lourde tâche d’épauler les équipes de création sur toute la partie informatique et développement. Les équipes bouclaient alors la première saison de la série Arcane, et engageaient la production de la saison 2. « Heureusement, j’arrivais en terrain connu », précise le CTO.
Car, si son arrivée chez Fortiche Production a officiellement lieu en 2021, Philippe Llerena avait déjà collaboré brièvement au projet en 2016. « À l’époque, j’étais freelance et j’avais d’autres projets sur le feu, je ne pouvais pas m’investir à 100% », explique-t-il.
Si, après six ans, les méthodes de travail sont bien rodées, les outils sur lesquels elles reposent ne cessent d’évoluer. Sur l’aspect technologique, il faut se mettre à jour. « J’ai l’habitude de comparer un projet comme Arcane au lancement d’une fusée Ariane », explique Philippe. « Au moment du lancement, l’astronef part avec le meilleur des technologies de son époque », illustre-t-il. « Six ans plus tard, quand la mission arrive à son terme, la technologie a eu le temps d’évoluer. Il faut alors penser à équiper le prochain vaisseau des nouvelles technologies disponibles », conclut-il.
Les technologies actuelles permettent de produire vite et bien
Le choix des logiciels et des machines façonnent la méthode de travail. Cette sélection doit aussi se faire en cohérence avec les évènements qui agitent le studio. Philippe raconte : « Entre la saison 1 et 2, nous sommes passés d’environ 300 personnes à plus de 400. Nous avons également, en sortie de covid, dû apprendre à nous adapter au travail en distanciel. »
Deux conditions qui imposent leurs contraintes : « Notre principal enjeu a été de choisir du matériel qui nous permette non seulement de travailler vite, mais aussi de travailler de façon interactive, et ce, même à l’autre bout de l’Europe », précise Philippe.
L’interactivité au cœur du processus de création
Pour ce faire, deux décisions majeures ont été prises : « Nous avons tiré notre propre fibre entre Montpellier et Paris (deux des bureaux de Fortiche, ndlr), mais nous avons de plus choisi de nous reposer sur les technos RTX de Nvidia pour le télétravail » explique Philippe. « Nous avons notamment investi dans des RTX 3090, qui nous permettent de bosser sans aucune latence, ou presque », précise-t-il.
C’est la force des cartes graphiques Nvidia. Grâce à leur puissance et aux technologies maison du constructeur, elles accélèrent grandement le processus créatif.
Une rapidité indispensable pour les artistes qui travaillent majoritairement sur des tablettes graphiques Wacom Cintiq. Il ne doit pas y avoir de latence entre les coups de crayon sur l’appareil et ce qui est affiché à l’écran. « La cohérence de l’animation, et la synchronisation du mouvement et des voix en dépend », souligne Philippe.
« Il y a quelques décennies, quand on réfléchissait aux configurations des machines, les enjeux étaient un peu différents, et parfois, on bricolait nos propres GPU », se souvient le CTO de Fortiche Production. « Aujourd’hui, on ne peut pas envisager notre travail sans des modèles professionnels comme les RTX de Nvidia. Le processeur est vraiment au centre de l’efficacité de notre travail », précise-t-il.
L’arrivée de l’IA bouleverse le milieu
Ces évolutions, indispensables, permettent également d’envisager les nouveaux projets de manière un peu plus sereine. « Notre but est de livrer une saison 2 d’Arcane qui envoie du lourd, mais pas que. Nous réfléchissons évidemment d’autres projets qui nécessitent que nos technos évoluent pour offrir aux spectateurs la meilleure expérience possible », détaille Philippe Llerena.
L’arrivée de l’IA représente donc une évolution majeure dans le monde de l’animation. « Ce serait honteux si nous ne nous intéressions pas au sujet », glisse-t-il en riant. Au-delà des utilisations génératives comme ce que l’on retrouve via Midjourney, Philippe Llerena entrevoit des applications bien plus importantes.
« L’IA pourrait nous permettre d’automatiser certains process laborieux, ou de créer des connexions entre des logiciels d’animation, là où il n’y en a actuellement pas », dévoile-t-il. Le problème se pose notamment entre deux logiciels d’animation que sont Maya et 3DS Max. « Les rigs (le squelette d’un personnage, ndlr) ne sont pas exportables d’un logiciel à l’autre, précise Philippe. L’IA pourrait nous permettre de faire tomber cette barrière et de passer d’un logiciel à l’autre sans avoir à refaire le rig à l’identique », conclut-il.
Plus de performances pour une empreinte carbone plus faible
À l’heure du dérèglement climatique, les enjeux écologiques sont un autre aspect du futur de l’animation auquel le CTO de Fortiche Production est particulièrement sensible. « Réduire notre impact carbone s’est imposé dans nos réflexions comme étant un sujet essentiel. Nous allons devoir rapidement nous adapter pour conserver nos capacités tout en réduisant notre empreinte, nous n’avons pas le choix.»
Fortiche Production travaille déjà main dans la main avec Qarnot, une entreprise qui met à disposition des serveurs dont la chaleur générée alimente chauffages et chaudières d’habitations.
Enfin, quand on demande à Philippe Llerena s’il y a une technologie qui lui donne matière à rêver, il avoue en souriant « Nvidia Omniverse, que nous avons eu l’occasion de tester, nous a particulièrement plu », explique-t-il. « On s’est amusés à refaire en off une séquence d’Arcane en utilisant cette techno Nvidia, et woah, il y a un vrai potentiel, on était hyper excités”, explique-t-il.
« On a bien conscience que la techno n’est pas totalement mûre et que nous n’y avons pas consacré assez de temps, mais c’est très prometteur », spécifie Philippe. « Il y a quelque chose dans l’architecture de l’outil, et son côté collaboratif, qui me plait. Je trouve que c’est une magnifique boîte à outils », spécifie le CTO de Fortiche Production. Il semblerait donc que l’avenir de l’animation française soit plutôt radieux. « On attend beaucoup de choses de la suite », conclut Philippe Llerena dans un sourire.
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