Nintendo n’a jamais été une entreprise réputée pour son indulgence à l’égard du piratage de sa propriété intellectuelle. Au contraire : le géant du jeu vidéo se montre toujours d’une grande rigueur dans la défense de ses intérêts. Il utilise tous les leviers du droit pour neutraliser les outils développés pour contourner les mesures de protection de ses consoles, et jouer à des jeux piratés.
Plus que jamais, le groupe nippon est aujourd’hui sur le sentier de la guerre, prêt à traquer tout ce qui sort des clous de la légalité. Pour la compagnie sise à Kyoto, la situation est exceptionnellement grave : son prochain blockbuster, The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom, fait l’objet d’une fuite critique : la suite de Breath of the Wild a été piratée et peut être téléchargée entièrement, alors qu’elle n’est même pas encore sortie.
L’incident remonte au moins à la fin du mois d’avril 2023, soit pratiquement deux semaines avant la disponibilité commerciale de Tears of the Kingdom. Depuis, les fans sont invités à la plus extrême des prudences : des internautes ont largement fait fuiter des éléments critiques de l’intrigue sur le net. Il est conseillé de prendre dès à présent des dispositions pour filtrer les leaks et les spoilers, le temps de finir le jeu en toute sérénité.
Nintendo ne veut pas qu’on touche aux clés cryptographiques de la Switch
Dans l’intervalle, Nintendo a mobilisé ses ressources juridiques pour mettre à terre les outils qui permettent de déverrouiller et d’émuler la Switch — c’est, en effet, sur cette console que va sortir Tears of the Kingdom. Compte tenu du best-seller qu’a été Breath of the Wild, avec plus de 30 millions de copies vendues dans le monde, l’enjeu financier pour l’entreprise japonaise est colossal. Les premières impressions sur cette suite sont dithyrambiques.
Comme le rapportent des médias spécialisés tels Kotaku et Ars Technica, la maison mère de Mario a pris pour cible un outil appelé Lockpick. Celui-ci sert à récupérer les clés de chiffrement de sa propre console Switch. Le gérant d’un des projets, Simon Aarons, a expliqué le 5 mai avoir été la cible d’une procédure de retrait, grâce à une loi américaine, le DMCA (Digital Millennium Copyright Act). Cette procédure a visé GitHub, le site qui hébergeait le projet.
« Nintendo vient d’envoyer plusieurs demandes de retrait de DMCA à GitHub, y compris pour Lockpick, l’outil permettant d’extraire les clés de VOTRE PROPRE Switch, ce qui est absolument ridicule. Les pirates ne vont pas s’approvisionner en clés à partir de leurs propres consoles », a écrit l’intéressé sur Twitter. Il a aussi fourni un lien donnant quelques indications sur l’ampleur des représailles menées par Nintendo.
Outre Lockpick, le document partagé par Simon Aarons montre que plus de 80 logiciels dérivés de cet outil ont aussi été ciblés par des demandes de retrait au nom du DMCA. C’est aussi le cas de Lockpick_RCM, un autre projet maintenu par l’intéressé. GitHub, dont la responsabilité pourrait être engagée s’il ne se conformait pas rapidement aux demandes de Nintendo, s’est exécutée : la plateforme a coupé tous les liens cités.
Le document, émis par Nintendo, note que la Switch et les jeux vidéo « contiennent de multiples mesures de protection technologiques », de sorte que la console ne soit capable d’interagir qu’avec « des fichiers de jeux vidéo Nintendo légitimes ». Cela vise à protéger les jeux, explique l’entreprise, « en empêchant les utilisateurs » de jouer à des copies piratées de jeux sur la Switch ou d’y jouer sur des appareils non autorisés.
Nintendo considère que Lockpick constitue un outil de contournement « qui enfreint [ses] droits de propriété intellectuelle ». « Plus précisément, Lockpick contourne les mesures techniques de protection de la console pour permettre l’accès non autorisé, l’extraction et le décryptage de toutes les clés cryptographiques, y compris les clés de produit, contenues dans la Nintendo Switch ». Pour Nintendo, c’est une infraction manifeste du DMCA.
« Les clés facilitent la violation du droit d’auteur en permettant aux utilisateurs de jouer à des versions piratées [de jeux vidéo] sur des systèmes dépourvus [de ces mesures] ou sur des systèmes sur lesquels [ces mesures] ont été désactivées », lit-on encore. Lockpick est un projet ancien, apparu fin 2018, un peu plus d’un an et demi après la sortie de la Switch. Lockpick, développé par un certain shchmue, est le successeur d’un autre projet, kezplez-nx.
L’émulation de la Switch sous pression
L’assaut juridique lancé par Nintendo contre des dizaines de projets GitHub ayant un lien avec Lockpick va peut-être refaçonner durablement le milieu du hack et de l’émulation de la Switch. Comme le relève le site XDA-Developers, des projets tels Skyline se retirent. Il s’agissait d’un « émulateur expérimental fonctionnant sur les appareils Android avec une puce ARMv8 ». Il pouvait émuler « les fonctionnalités d’une console Nintendo Switch. »
Sur la page GitHub, un message indique que « le développement de Skyline a été interrompu en raison des risques juridiques potentiels qu’il comporte ». S’il n’est pas fait mention directement de l’affaire Lockpick, la proximité des dates ne laisse aucun doute. Les développeurs de Skyline craignent d’être pris tôt ou tard dans le filet répressif de Nintendo. Et cela, même si Lockpick ne sert en somme qu’à récupérer les clés cryptographiques de sa propre Switch.
D’autres projets semblent au contraire vouloir résister, signale le site WCCF TECH. Les responsables du projet Ryujinx, pour de l’émulation sur PC, ont annoncé ne pas vouloir cesser leurs activités. Pour d’autres, le mystère plane. C’est le cas du projet Yuzu. Nintendo n’ignore probablement pas leur existence. D’autant que l’actualité récente a montré que ces logiciels permettent de faire tourner des copies piratées de Tears of the Kingdom.
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