Au-dessus de nous, le bourdonnement typique d’un drone se fait entendre. Le petit engin noir s’élève au-dessus du champ, propulsé par ses quatre moteurs, et commence sa mission. Il ne s’agit pas d’un drone classique, destiné à prendre des photos. Ce drone militaire est là dans un but précis : aider les soldats à repérer les positions ennemies, leur permettre de mieux gérer la situation et éviter les mauvaises surprises.
Quelques minutes après, un deuxième drone de repérage est lancé, beaucoup plus petit et discret. Puis vient le tour d’un tout autre genre d’engin volant : énorme, et équipé d’un fusil. Une arme de guerre volante, qui sera peut-être bientôt utilisée par les forces armées françaises. Au-dessus de nous, le drone se déplace, fusil visible, et met en joue un ennemi apparu au bout du champ.
Nous ne sommes pas sur une vraie zone de guerre. Nous sommes sur une base militaire des Yvelines, et nous assistons à un exercice, organisé par l’armée de terre dans le cadre de la 2e édition du challenge CoHoMa, pour présenter ses drones et montrer leur potentiel sur le terrain. Les ennemis sont faux, et les blessés ne sont que des mannequins. Mais les drones, eux, sont bien vrais. Ils pourraient bientôt être envoyés sur le front avec les soldats.
Des drones pour équiper les forces françaises
Les drones sont une évolution majeure dans l’équipement de l’armée de terre. Selon Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de terre, présent sur la base militaire pour la démonstration avec les drones, il s’agit même d’un « tournant qu’il ne faut pas rater ». Depuis 2021 et le lancement du projet Vulcain, dont le challenge CoHoMa fait partie, et qui a pour but d’intégrer des robots et de l’intelligence artificielle dans l’armée « à l’horizon 2040 », de nombreux progrès ont été réalisés. L’objectif de la journée du 10 mai était de les montrer, avec une mise en pratique concrète.
L’exercice auquel nous assistons est simple : sur une ligne de front, des soldats ennemis essaient de prendre position à deux endroits différents. Ces positions leur offriraient un avantage, et ils ne doivent pas pouvoir s’y implanter. Une unité de soldats est envoyée pour les déloger, et pour ce faire, elle est accompagnée de plusieurs drones.
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Les deux premiers à s’envoler sont des drones de repérage, qui survolent la zone et permettent aux troupes au sol de mieux appréhender le terrain, les positions des adversaires, et de prévoir une ouverture d’itinéraire. Dans cette mission, on retrouve un drone conçu à des fins militaires par la marque française Parrot, très semblable aux drones touristiques trouvables dans le commerce, et un nano-drone Black Hornet.
Ce dernier, tout petit, est particulièrement efficace pour les missions demandant de la discrétion, nous explique-t-on. En effet : alors que le drone Parrot émet ce bruit très reconnaissable, qui le rend facilement repérable par les ennemis, le Black Hornet se fond dans le décor. Inaudible, il est aussi quasiment invisible à quelques mètres et les spectateurs qui assistent à l’exercice perdent rapidement sa trace.
Après la phase de repérage vient la phase d’attaque, et d’autres drones entrent en jeu. Après le drone volant armé, c’est au tour d’un véhicule terrestre téléopéré d’arriver sur le terrain. Imposant, le drone est monté sur d’énormes chenilles, et il est équipé d’un canon impressionnant, faisant penser à une sorte de mini tank. On le voit arriver sur le terrain, et sur ordre du chef de l’unité, tirer. Le bruit est assourdissant : on voit de loin les cartouches vides tomber près du robot. Peu après, un autre véhicule arrive. Sorte de brancard télécommandé, la plateforme est équipée d’un lit et permet d’évacuer les blessés.
Mais le clou du spectacle reste sans doute les derniers engins volants à faire leur apparition. Alors que le véhicule tire déjà depuis plusieurs minutes, un drone bombardier arrive. Massif, mais silencieux, on peut le voir se déplacer au-dessus de nos têtes. Il emporte avec lui une douzaine de charges actives de grenade, et peut le faire sur plusieurs kilomètres. Lorsque le drone largue sa première charge sur une position adverse, la détonation est suivie par un large nuage de fumée blanche.
Dernière démonstration, celle de la charge téléopérée — ou drone suicide, selon le terme plus populaire — une nouveauté en France. Petit, et léger, l’engin a pour but d’être le plus discret possible. Il s’agit pourtant d’un drone au potentiel destructeur, dont la charge équivaut à la puissance de deux grenades. L’engin est à usage unique : une fois que la cible a été repérée grâce à la caméra embarquée, le drone s’écrase contre elle, et active la charge. L’exemple auquel on assiste pendant la simulation n’est pas tout à fait semblable à ce qu’il se passe sur le terrain : c’est une fausse charge qui a détoné, et le drone est récupéré, bien qu’un peu amoché. Une épaisse fumée noire se dégage quand même de l’endroit où l’impact a eu lieu, plus loin dans le champ.
Après une ultime vérification effectuée sur le terrain par un drone roulant équipé de caméras, la simulation s’arrête. L’unité assistée par les drones a pu mener à bien sa mission, et a empêché les ennemis de prendre la position.
Quel futur, pour ces drones ?
Depuis 2021 et le début du projet Vulcain, de nombreux progrès ont été réalisés, notamment en termes de diversification des tailles et des usages des robots. Ils permettent dorénavant de neutraliser des explosifs, d’explorer des bâtiments, et d’assister sur des opérations de déminage.
Mais le travail n’est pas fini : de nombreuses améliorations doivent encore être intégrées. L’armée cite comme objectifs une « montée à l’échelle progressive vers un robot équipier du combat, doté d’une intelligence artificielle de confiance, coopérant et pleinement intégré au combat collaboratif. » Il faudrait également augmenter la taille des robots pour aider l’infanterie, et rajouter de l’autonomie décisionnelle.
Pour Pierre Schill, le chef d’état-major de l’armée de terre, « il est clair que l’autonomisation des robots est indispensable. Un robot qui serait simplement télécommandé aurait un intérêt très limité ». L’enjeu maintenant est d’intégrer de l’intelligence artificielle, explique-t-il, qui permettrait aux engins de gagner de l’autonomie sur certaines décisions et dans certains modes d’action. Avec cependant une limite claire : « Est-ce que ce mode d’action et cette autonomie [doivent] aller jusqu’à la capacité à tuer, à détruire ? En France, la position, c’est : non. Dès lors qu’on est dans une action qui serait létale, il faut qu’il y ait un homme dans la boucle. »
Une limite qui n’est pas partagée. « Il est clair qu’un certain nombre d’autres acteurs, notamment étatiques, seront probablement prêts à avoir des automatismes qui vont jusqu’à déclencher des actions létales, sans forcément qu’il y ait un autre humain dans la boucle », a-t-il reconnu. Comme une référence à peine voilée à la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
Pour l’instant cependant, ces drones ne sont pas sur le terrain, et il n’y a pas encore de date précise pour leur arrivée. Mais cela pourrait bientôt changer, et des drones pourraient être sur le champ de bataille « à très courte échéance », selon le chef d’état-major de l’armée de terre. La loi de programmation militaire 2024 – 2030, qui doit être examinée au Parlement, prévoit d’avoir « les premières capacités opérationnelles, c’est-à-dire des systèmes capables d’accompagner les troupes au combat, et là, je parle d’unités de robots terrestres, avant 2030 », indique Pierre Schill. Les robots seront bientôt sur le terrain.
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