Pour rappel, le réseau Tor permet de faire transiter les communications par de multiples adresses IP, et de chiffrer les communications entre chacune d’entre elles.
Son architecture fait qu’il est impossible de savoir qui demande à accéder à quels contenus, aucune métadonnée utile n’étant visible en clair.
Le Dark Web, ça fait peut-être peur à L’Express et à votre papa, mais au fond, ce n’est pas si méchant. Pour preuve, ProPublica, l’équivalent américain de Mediapart, vient de mettre à disposition de ses lecteurs une version en .onion de son site, accessible grâce au réseau Tor. Pour la découvrir, il faut bien sûr se connecter à Tor (vous trouvez tout ce qu’il faut ici) et se rendre à l’adresse www.propub3r6espa33w.onion.
N’essayez pas de cliquer si vous n’êtes pas sur Tor, cela ne vous mènera à rien.
Méconnu en France, ProPublica est une institution aux États-Unis qui a reçu le prestigieux prix Pulitzer en 2011. Dirigé par Stephen Engelberg, il s’agit du média web d’enquête de référence qui n’hésite pas à passer de longs mois sur un sujet de société pour en démêler les rouages. Proposant uniquement du journalisme d’intérêt public, respectant à la lettre l’idée qui fait de l’information un pouvoir à part entière, ProPublica n’a jamais hésité à se démarquer de la concurrence pour fonctionner.
Par exemple, l’intégralité de ses publications est en Creative Commons sans droits de modification et les grandes enquêtes sont toujours co-publiées avec d’autres médias, dans le but de multiplier leur audience — et leur impact. Entièrement gratuit, il se finance uniquement par les dons faits par des mécènes qui souhaitent garantir son indépendance et sa liberté : leur implication dans le conseil d’administration et la ligne éditoriale est nulle par contrat. Enfin, ProPublica est une organisation à but non lucratif.
L’annonce d’une version en .onion du site est une première dans le secteur des médias. Mais pourquoi l’avoir fait ? On imagine mal, en effet, qu’un lecteur de ce média de référence puisse craindre d’être espionné. Ce n’est pas aussi évident pour Mike Tigas, le développeur de ProPublica qui a travaillé le portage : « Tout le monde devrait pouvoir décider quel type de métadonnées il laisse derrière lui. Nous ne voulons pas que quiconque puisse savoir que vous nous avons contactés ou que vous nous lisez », affirme-t-il à Wired.
Tout repose donc sur une question de choix et de contexte : bien sûr qu’il ne faut pas tomber dans la paranoïa, mais si vous avez une bonne raison de vouloir être discret dans votre lecture de ProPublica, vous avez maintenant la possibilité de l’être. Et cela peut changer beaucoup de choses, par exemple si vous habitez dans un pays où la simple consultation d’une page web peut entraîner des poursuites (rappel : ça trotte dans la tête de nos présidentiables).
Un premier pas vers la démythification du Dark Web ?
Quant au Dark Web, rappelons qu’il est Dark surtout que parce que Google n’indexe pas les sites hébergés à travers Tor (techniquement rien n’interdirait qu’il le fasse en mettant des robots d’indexation derrière un nœud Tor), et parce que les utilisateurs lambdas qui confondent le Web avec Google ou Facebook ne sont donc pas encouragés à installer Tor sur leur ordinateur pour y découvrir les trésors « cachés ».
N’empêche qu’un tel mouvement de ProPublica pourrait initier une tendance et amener d’autres acteurs majeurs de la presse à ouvrir une version en .onion de leur site, ce qui serait un premier pas vers la démythification du « Dark Web ».
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