Une publicité pour l’application Apple Santé ? Habituellement, les produits mis en avant par Apple sont ceux qu’il vend le plus. iPhone, iPad, Mac, Apple Watch, AirPods… Il est rare de voir une application comme Santé, qui n’est sans doute pas utilisée par la majorité des utilisateurs, bénéficier d’une aussi grande exposition. Pourtant, ce 24 mai, Apple annonce le lancement d’une gigantesque opération de communication destinée à son application Santé, qui fêtera son 9e anniversaire dans quelques jours. Son message est le suivant : l’iPhone et l’Apple Watch sont de redoutables outils pour être en bonne santé et Apple ne collecte aucune donnée, lui.
Deux jours avant le lancement de sa nouvelle campagne publicitaire, Apple a proposé à Numerama de s’entretenir avec la Dr Lauren Cheung, sa responsable des fonctions médicales (comme le suivi du cycle) et Katie Skinner, chef de l’ingénierie de la protection de la vie privée. Apple, fidèle à son habitude, ne s’est pas montré très bavard sur ses futures annonces, mais cette mise en avant soudaine de la division santé intrigue.
Santé et vie privée, le message d’Apple
Dans sa publicité, filmée par le réalisateur du film Moi, Tonya et avec la voix de l’actrice Jane Lynch dans sa version originale (on vous laisse imaginer le budget), Apple met en avant des personnes ordinaires dans ce qu’on imagine être la salle d’attente d’un médecin. Une voix off menaçante, masculine en VF, multiplie les commérages. Valérie n’a fait « que 347 pas aujourd’hui », Paul est allé « deux fois aux toilettes cette nuit », « Kevin a des gaz » (oui, dans une publicité Apple)… Les personnages semblent coincés dans un épisode de Black Mirror, sans la moindre intimité.
Heureusement, tout s’arrête pour eux lorsque l’application Apple Santé arrive, puisque tout y est chiffré. La voix off n’a alors plus accès aux données des patients. « L’app Santé vous aide à les garder privées » est le message final. « C’est ça l’iPhone », indique Apple.
« Nous pensons que les utilisateurs devraient attendre de la technologie le même niveau de confidentialité que ce qu’ils attendent de leur médecin », explique à Numerama la Dr Lauren Cheung, en charge du développement des nombreuses technologies médicales intégrées à l’Apple Watch.
L’application Santé d’Apple, si vous ne la connaissez pas, réunit aux mêmes endroits les données issues des capteurs des iPhone et Watch, mais aussi d’autres applications (nombre de pas, cycle menstruel, distance parcourue, marches montées, rythme cardiaque, électrocardiogrammes, sommeil, niveau sonore des écouteurs, rythme respiratoire, vitesse de marche, asymétrie des jambes…). « Il n’y a probablement pas de données plus sensibles que les données de santé », ajoute Lauren Cheung, à qui l’on ne risque pas de donner tort.
Grâce à des algorithmes, Apple Santé est aussi capable d’observer des évolutions dans le mode de vie de son utilisateur, pour lui donner des conseils. L’application peut aussi envoyer des rappels sur les médicaments et exporter des PDF à destination des professionnels de santé.
Si toutes ces données réunies au même endroit peuvent paraître terrifiantes, Apple insiste sur le fait que toutes les analyses ont lieu localement. Rien n’est envoyé sur les serveurs de la marque, qui n’a jamais eu le moindre accès aux données de l’application depuis son lancement en 2014. « Nous sommes convaincus que pour réussir, il faut vraiment penser à la protection de la vie privée dès le début du processus de développement des fonctionnalités », explique Katie Skinne, en charge de la confidentialité chez Apple. Les données de Santé ne sont pas accessibles avec un iPhone verrouillé et sont chiffrées lorsqu’elles sont enregistrées lors de la sauvegarde d’un iPhone. « Apple ne peut pas les lire », assure Katie Skinne, qui explique qu’Apple ne possède pas les clés de déchiffrement pour accéder aux données médicales.
Interrogées sur l’étrange timing du lancement de ces publicités, les deux représentantes d’Apple refusent de répondre à l’idée selon laquelle Apple utiliserait cette campagne publicitaire pour tacler indirectement la concurrence (on pense à Google et Meta, un peu trop curieux sur les habitudes de leurs utilisateurs). « Je pense que je peux simplement parler de ce que nous faisons et nous sommes vraiment fiers de notre histoire en matière de protection de la vie privée », répond sans vraiment répondre Katie Skinne.
Même si Apple n’accède pas lui-même aux données de l’application Santé, rappelons que les utilisateurs d’un iPhone peuvent partager certaines données avec certaines applications. Fitness Park, par exemple, permet d’importer son nombre de pas ou son nombre de calories brûlées dans l’application, pour proposer des conseils personnalisés. Apple explique cependant forcer les développeurs qui souhaiteraient demander à leurs clients les données de leur application Santé à respecter des règles strictes, comme le fait de ne pas faire de marketing et d’expliquer à chaque fois qu’ils demandent une donnée pourquoi ils la souhaitent.
Apple prépare-t-il des annonces liées à la santé ?
Le 5 juin, Apple organise la WWDC, son grand événement annuel dédié aux développeurs. À cette occasion, Apple devrait dévoiler les nouvelles versions d’iOS, iPadOS, macOS, watchOS et tvOS, ainsi que son premier casque de réalité mixte.
Selon quelques rumeurs, il pourrait y avoir du nouveau du côté de la santé. Un système de journal intime pour la santé mentale, l’arrivée de l’application Santé sur iPad, le développement d’une IA pour donner des conseils fitness… Cette mise en avant soudaine de la santé dans la campagne publicitaire d’Apple, qui risque de durer de longs mois, prépare-t-elle les utilisateurs à une mise à jour majeure de l’application Santé, alors qu’iOS 17 devrait être lancé pour le grand public en septembre ? On imagine aussi mal ne pas embarquer des fonctions liées à la santé et au sport dans son casque.
Lors de notre interview, nous avons tenté d’obtenir des indices sur les futures nouveautés santé d’Apple, en vain. Quand est-ce qu’arriveront certaines fonctions disponibles aux États-Unis, mais indisponibles en France, comme le système de gestion des médicaments ? « Les médicaments sont réglementés différemment en fonction des pays », explique la marque, qui ne s’avance pas sur une éventuelle arrivée de l’application Médicaments débridée en France. Aux États-Unis, elle peut par exemple indiquer la posologie et lire une ordonnance.
Interrogé sur un moyen d’utiliser les iPhone en carnet de santé, pour directement transmettre ses données médicales à un médecin, Apple ne répond que partiellement une nouvelle fois. La marque rappelle qu’il est déjà possible d’exporter certaines données en PDF, comme un électrocardiogramme. La suite reste un mystère, en attendant le 5 juin ?
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