Chaque samedi, c’est la compilation de l’actualité de la propriété intellectuelle et de ses dérives, concoctée par Lionel Maurel et Thomas Fourmeux.

Le Copyright Madness revient cette semaine sur le durcissement de la loi anti-piratage en Grande-Bretagne, l’affaire des liens hypertextes dans la loi sur le numérique, l’obstination de Nestlé pour breveter la forme de ses barres chocolatées et le revers subi par Monsanto. Bonne lecture et à la semaine prochaine !

Copyright Madness

Répression. Le gouvernement du Royaume-Uni en assez de voir les Britanniques piller sans scrupule les ayants droit en s’adonnant au téléchargement illégal. Après avoir mis en place une police de la propriété intellectuelle chargée d’endiguer le piratage, les responsables politiques commencent à réfléchir à une aggravation des sanctions contre les pirates. Actuellement, la loi prévoit jusqu’à 2 ans de prison pour avoir commis un acte de contrefaçon. Cette peine risque de passer à 10 ans de prison ! Autrement dit, il s’agit d’une condamnation aussi sévère que si vous aviez commis un meurtre. D’ailleurs, les Britanniques ont tenté de faire entendre raison à leur gouvernement en lui expliquant qu’un meurtre et un piratage ne sont absolument pas comparables. Cela dit, quand vous piratez, c’est le petit cœur des gestionnaires de sociétés de gestion de droits qui meurt à petit feu. Pensez-y ! ;-)

Fou à lier. La loi numérique d’Axelle Lemaire a été examinée cette semaine à l’Assemblée. Parmi les centaines d’amendements, celui déposé par la députée PS Valérie Rabault a suscité l’hilarité générale, vu qu’il semblait vouloir interdire les liens hypertextes pour protéger le droit d’auteur ! Mais la députée s’est fendue d’un billet sur son site pour expliquer que ses détracteurs n’avaient rien compris. Dans sa proposition, les liens restent libres pour les pages non-protégées par le droit d’auteur et soumis à autorisation préalable seulement pour les autres. Le problème, c’est que 99,99 % des pages sont des œuvres protégées par le droit d’auteur ! Son amendement aurait donc signé la mort du web. Heureusement, l’Assemblée a repoussé cet amendement, mais nous songeons à décerner un Copyright Madness d’Or à Valérie Rabault pour sa créativité.

Schizophrénie. Ce n’est pas toujours évident de vouloir protéger ses droits et c’est encore plus difficile quand on confie cette tâche à des robocopyrights. Cette semaine TF1 a fait les frais des dérives de la propriété intellectuelle en s’autocensurant. En effet, la chaîne a publié une vidéo d’une de ses émissions sur YouTube. Par conséquent, une vidéo dont la chaîne a les droits. Or, en arrivant sur YouTube pour consulter ladite vidéo, l’internaute était accueilli par ce message : « cette vidéo inclut du contenu de TF1 DA qui l’a bloqué dans votre pays pour des raisons de droits d’auteur ». Au moment où nous écrivons ces lignes, la vidéo est de nouveau accessible. Mais cela ne retire rien à la folie qui consiste à confier des pouvoirs à un algorithme pour protéger le droit d’auteur.

Trademark Madness

3D. Après plusieurs années de tentatives de dépôt de marque, Nestlé s’est fait retoquer sur ses barres chocolatées KitKat. Dès 2010, Nestlé a tenté de faire enregistrer la forme tridimensionnelle de ses barres comme une marque. Nestlé considère que la forme en 3D est suffisamment distinctive pour justifier le dépôt de marque. Après avoir essuyé un camouflet face à la Cour de justice de l’Union européenne, c’est au tour de la Haute Cour de justice britannique de désavouer Nestlé en rejetant sa demande. Bien que son concurrent Cadbury se félicite de cette décision, la bataille n’est toujours pas terminée. En effet, Nestlé a d’ores et déjà annoncé que l’entreprise ferait appel de la décision.

Gueule de bois. Il y a des batailles autour de certaines marques qui sont vraiment surprenantes. C’est le cas notamment de l’appellation « Vodka ». Un député d’un parti nationaliste russe a interpellé le gouvernement à propos de la vodka. Il souhaiterait que cette boisson soit déposée comme marque et que seules les distilleries russes puissent avoir le droit de l’utiliser. Le député revendique les origines traditionnelles et historiques russes du breuvage. A travers ce Trademark Madness, on peut sentir aisément les relents alcoolisés de conservatisme et de volonté hégémonique contre la Pologne, qui est très clairement visée à travers le discours du député.

Vodka

CC Seth

Patent Madness

Gardien de la paix. Le métier de policier n’est pas toujours évident et parfois risqué. Mais sachez que celui des fabricants d’équipement pour les forces de l’ordre n’est pas aisé non plus. C’est ce que nous indique la société Digital Ally spécialisée dans l’embarquement de caméra pour les policiers. Depuis les événements tragiques comme ceux de Ferguson, les policiers sont invités à porter des caméras sur eux afin de limiter les risques de bavure. Mais Digital Ally n’est pas content et a décidé de poursuivre la société Taser pour violation de brevet. Elle reproche à Taser de recourir à sa technologie pour ses caméras pour policiers. Exceptés quelques détails esthétiques, une caméra sert surtout à filmer. Si on pousse le raisonnement de Digital Ally, elle considère détenir un brevet sur le principe de filmer quelque chose à partir d’un appareil. C’est tellement plus simple de sortir la carte du brevet pour affaiblir ses concurrents.

Rectangulaire. Un des brevets les plus absurdes de tous les temps arrive devant la Cour Suprême des États-Unis : celui déposé par Apple sur la forme rectangulaire à coins arrondis des iPhones. Pour être exact, il s’agit d’un « patent design », équivalent chez nous à un « dessin et modèle » protégeant l’apparence d’un produit. Samsung est accusé d’avoir copié Apple pour ses smartphones et cela lui a valu une condamnation de 399 millions de dollars. Les plus grosses sociétés de la Silicon Valley (Google, Amazon, Facebook, Microsoft, Netflix) interviennent dans la procédure pour faire comprendre aux juges qu’accorder à une firme un monopole sur les rectangles serait désastreux pour l’innovation. Espérons que la Cour suprême entende ces arguments, sans quoi le monde des brevets ne tournerait vraiment plus rond !

Copyright Wisdom

Bio-piraterie. Le géant Monsanto est à nouveau pris la main dans le sac pour un acte de biopiraterie. L’Office européen des brevets a en effet annulé un dépôt effectué par la firme sur une variété de melons résistantes à certaines maladies. Il s’avère que cette caractéristique avait été obtenue par croisement naturel et qu’elle existe aussi chez certaines variétés anciennes en Inde. L’État indien est d’ailleurs directement intervenu dans la procédure pour s’opposer à cette privatisation de son patrimoine. Une victoire aujourd’hui, mais le plus sage ne serait-il pas d’interdire complètement le brevetage du vivant ?

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Lionel Maurel

Thomas Fourmeux

Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !

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