Si vous habitez en France, vous n’êtes probablement pas passé à côté de l’annonce d’une manifestation d’ampleur des taxis, prévue pour le 26 janvier, soit demain. Le mot d’ordre ? Lutter, d’après Le Parisien, contre « les dérives » des services de VTC. Dans leur ligne de mire, on retrouve toujours la même rengaine sur les prix de la licence, la concurrence déloyale des professions, l’illégalité de certains services etc. Toutes ces affirmations sont portées notamment par G7, le groupe qui gère les taxis parisiens : difficile de revenir sur toutes ces déclarations pour en faire un fact-checking honnête, nous vous renvoyons plutôt à l’article de Dominique Nora qui a enquêté longuement pour L’Obs à ce sujet et montré à quel point les taxis étaient pris au piège d’un système qui les dépasse.
Team VTC vs Team Taxi
Ce qui est intéressant aujourd’hui, c’est que dans le paysage du transport de voyageurs, des équipes se forment. Si vous êtes utilisateur de Uber, vous avez probablement reçu un appel aujourd’hui pour signer une pétition pour débloquer immédiatement la situation des VTC (le site pour devenir VTC étant en maintenance, les inscriptions sont impossibles), clarifier les conditions pour devenir VTC et stopper la fronde des organisations de taxis contre les startups nées du numérique.
En allant jusqu’en bas du communiqué, vous verrez qu’il n’est pas exclusif au service américain mais qu’il a été signé par 6 entreprises : Allocab, Chauffeur-Privé, Cinq-S, Marcel, Snapcar et Uber. C’est la seconde fois qu’un front commun des entreprises de VTC se dessine et ce qui n’est qu’un embryon ponctuel aujourd’hui pourrait former à terme une opposition de poids au lobby des taxis.
La première fois que ces entreprises avaient communiqué ensemble, c’était dans un message adressé à la maire de Paris, Anne Hidalgo, à propos de la journée sans voiture. En effet, cette journée sans voiture, offrait aux taxis le droit de circuler… mais pas aux VTC. Une situation de concurrence déloyale qui avait été mise en avant sur les réseaux sociaux. Avant cette première action commune, toutes ces entreprises étaient en froid contre Uber, notamment à cause d’UberPop qu’elles estimaient illégal et en concurrence avec la profession des VTC, avant que la justice française leur donne raison.
Les relations entre les protagonistes se sont détendues petit à petit, à mesure que Uber est entré dans les clous en France et a continué de jouer avec son app’ sur le terrain légal. Dans le même temps, la grogne des taxis et en particulier de G7, n’a pas cessé et leurs revendications se sont étendues contre toutes les entreprises qui proposent des services modernes pour le transport individuel de voyageur — dont Uber n’est aujourd’hui plus qu’une partie. Même s’il ne s’agit pas d’une association ou d’un syndicat au sens strict, les 6 entreprises déjà citées pourraient faire front commun.
Même s’il ne s’agit pas d’une association ou d’un syndicat au sens strict, les 6 entreprises de VTC pourraient faire front commun.
Uber France nous confirme à cet égard que l’entreprise est prête à multiplier les actions communes avec ses concurrents. Elle nous rappelle au passage qu’elle avait tenté d’amorcer le dialogue avec les entreprises de VTC déjà présentes quand elle est arrivée à Paris en 2011. De même, c’est la clarté du gouvernement qui est attendue sur plusieurs enjeux liés au transport de voyageurs. Consulté avec AirBnb par le gouvernement à l’été dernier, l’entreprise avait proposé de déclarer elle-même au fisc les sommes perçues par ses chauffeurs au-delà des 5 000 euros. Cela aurait permis d’éviter la situation de Heetch qui interdit à ses utilisateurs de dépasser cette somme annuelle, considérant ce plafond comme la limite pour son concept.
Heetch, le loup solitaire
Dans ce panorama, Heetch fait d’ailleurs figure de loup solitaire avec son service disponible uniquement le soir et dont le prix de la course n’est donné qu’à titre indicatif et laissé à la discrétion des utilisateurs. Si, strictement parlant, son activité est proche de celle d’UberPop (n’est pas considéré comme du covoiturage une course dont la destination est définie par le client), la startup française tente de s’en éloigner et de se présenter comme un service hors secteur qui ne fait concurrence à personne.
Le ride sharing, comme Heetch nomme son activité, est pensé comme un service d’intérêt public : il vise surtout les jeunes de banlieues en leur permettant de rentrer chez eux à moindre frais et sans le risque de prendre la voiture après une soirée arrosée. L’intérêt financier est secondaire et on met, chez Heetch, plus en avant l’entraide que le beurre dans les épinards.
Dans une situation difficile après la mise en examen de leurs dirigeants, Heetch tente de montrer patte blanche en proposant au gouvernement, aux VTC et aux taxis des idées pour un terrain d’entente qui pourrait résoudre cette crise. Ces quatre pistes ont été formulées par l’entreprise ce matin lors d’une conférence de presse et reprises sur le site de Heetch :
- Permettre aux taxis d’accéder à la nouvelle clientèle numérique que les VTC ont su séduire.
- Garantir deux avantages aux taxis : l’exclusivité de la maraude physique et l’utilisation des voies de bus et taxis.
- Créer une taxe de transition numérique applicable à toutes les plateformes de réservation pour compenser le changement numérique que subissent les taxis.
- Permettre l’innovation sans déséquilibrer le secteur.
En d’autres termes, il s’agirait d’accompagner légalement et par un effort de tous les partis la transition d’un secteur vers le numérique. Une belle idée qui pourrait tout de même effrayer le gouvernement : devra-t-il, après l’avoir fait une fois, jouer systématiquement les baby-sitters pour les secteurs qui prospèrent depuis longtemps et qui se sentent menacés dans leur inertie par de jeunes pousses qui apportent un changement radical ?
La rupture est annoncée : aux entreprises, anciennes ou récentes, de s’y préparer
Car si les taxis sont un exemple dont on parle aujourd’hui beaucoup, rien ne dit qu’une telle situation de crise entre les deux extrêmes que sont l’innovation dérégulée et le conservatisme prospère ne touchera pas un autre secteur demain.
Et, s’il faut encore le rappeler, tous les débats actuels sur cette question ne sont que les derniers souffles d’une industrie qui changera radicalement lors de la véritable révolution à venir dont on voit déjà les premiers fruits ; dans quelques années, les voitures n’auront plus besoin de chauffeur, qu’elles soient opérées par Uber, Lyft, Tesla ou Google. La rupture est annoncée : au gouvernement et aux entreprises, anciennes ou récentes, de s’y préparer.
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