Depuis le vendredi 9 juin, Carrefour propose Hopla, un chatbot basé sur le modèle de langage GPT d’OpenAI. Hopla est censé « révolutionner » l’expérience d’achat des utilisateurs du site du groupe, en les aidant pendant qu’ils font leurs courses.

L’intelligence artificielle à la rescousse de votre portefeuille ? Vendredi 9 juin, Carrefour a annoncé l’arrivée de « Hopla », un chatbot présent sur le site de l’enseigne pour guider les clients dans leurs achats. Dérivé du ChatGPT d’OpenAI (ils utilisent le même modèle de langage), Hopla ambitionne de rendre les courses en ligne plus intuitives, grâce à des interactions naturelles.

Quelles sont les capacités d’Hopla ? Carrefour indique que son IA est compétente pour suggérer des recettes en fonction d’ingrédients spécifiques, lister des articles nécessaires pour un ou plusieurs plats, guider le client sur le choix de fruits et légumes de saison, dresser une liste de courses adaptée à un budget donné ou encore distiller des informations générales sur un produit. Est-ce que Hopla fonctionne et est-il utile ? Numerama a fait ses courses avec une IA.

Une interface… pas vraiment réussie

Pour accéder à Hopla sur PC, il faut se rendre sur le site Carrefour.fr et débuter ses courses. Un onglet « l’assistant intelligent » apparaît alors dans le coin inférieur droit de la page web, sur lequel il faut cliquer pour faire apparaître l’IA dans une fenêtre étroite qui nous rappelle Facebook Messenger. Après une courte présentation, l’utilisateur est invité à accepter les conditions d’utilisation et à choisir un mode de retrait des courses (en livraison classique, express ou Drive).

De prime abord, l’ergonomie générale de l’interface du chatbot est inadaptée aux utilisateurs PC (notamment sous Chrome). La fenêtre est petite et aucune manœuvre ne permet de l’agrandir, tandis que la police est trop petite à l’heure des grands écrans. Pas terrible.

L'interface de l'IA manque de clarté.  // Source : Capture d'écran Carrefour
L’interface de l’IA manque de clarté. // Source : Capture d’écran Numerama

Encore plus problématique, le champ texte pour saisir les questions tient sur une seule ligne. Les IA génératrices incitent pourtant à développer ses pensées, ce qui n’est pas vraiment possible ici. On peut mettre ça sur le compte de l’expérimentation, mais il est dommage de voir Carrefour rendre son chatbot aussi peu ergonomique.

Une IA longue à la détente

Dans le cadre de ce test, nous avons discuté avec Hopla pour établir des menus et une liste de courses adaptée à deux personnes, pour cinq jours. Bien que l’IA soit conçue pour répondre aux requêtes relatives aux questions nutritionnelles, le système semble beaucoup moins « intelligent » que ChatGPT avec GPT-3.5 ou 4). Pour parvenir à obtenir une liste de repas précise, il est nécessaire d’itérer par plusieurs fois avec l’IA pour qu’elle comprenne avec détails notre demande.

La présentation officielle de Hopla par Carrefour. // Source : Carrefour
La présentation officielle de Hopla par Carrefour. // Source : Capture d’écran Carrefour

Après plusieurs tentatives, en précisant bien notre pensée, nous avons réussi à obtenir du chatbot des menus adaptés à différents régimes alimentaires (végétarien, végétalien…), à lui faire éviter certains ingrédients ou encore à personnaliser les repas pour s’adapter à une demande calorique spécifique (dans le cadre d’un régime sportif). Pour s’assurer d’obtenir une réponse juste, le plus efficace est de rentrer vraiment dans les détails. Problème : le champ texte de Hopla ne dépasse pas les 280 signes.

Faire ses courses avec une IA, c’est possible

Passé ces quelques défauts d’interface, Hopla est plutôt bon dans sa mission. Quand on lui demande une liste de repas simple à cuisiner et sains pour deux personnes de 25 et 23 ans pour cinq jours (avec des préférences alimentaires), l’IA liste 10 exemples de menu : « Salade de quinoa aux légumes de saison (sans concombre), Poke bowl au saumon, avocat et riz, Wraps de poulet, crudités (sans maïs) et sauce yaourt… » Le chatbot génère ensuite une liste d’ingrédients nécessaires, avec des quantités précises.

Un bouton « Acheter les produits » apparaît ensuite dans la boîte de dialogue. Un clic suffit alors à générer une liste de course personnalisée pour les plats imaginés par « Hopla ». Lors de nos tests, il est arrivé que certains aliments complexes (ex : chocolat noir allégé) ne soient pas disponibles directement sur le site de Carrefour. Il suffit alors de signifier l’erreur au bot. Une nouvelle liste est alors générée sans aucun problème notable.

Un bug dans le panier est vite arrivé, des soucis techniques qui devraient être rapidement résolus. // Source : Capture d'écran Carrefour
Un bug dans le panier est vite arrivé, des soucis techniques qui devraient être rapidement résolus. // Source : Capture d’écran Carrefour

L’intégration entre Hopla et le site e-commerce de Carrefour est très fluide et l’expérience utilisateur n’en est que plus agréable.

Des filtres de sécurité efficaces

Pour imaginer des repas, Hopla affirme se baser sur « des recettes populaires et appréciées par de nombreuses personnes ». Plus rassurant encore, le système conçu par Carrefour distille des avertissements à l’utilisateur si ce dernier demande des menus basés sur un régime alimentaire dangereux.

Si le client demande des repas impliquant une mise en danger de sa santé, l’IA répond alors qu’« une perte de poids rapide peut entraîner des problèmes de santé et n’est généralement pas durable à long terme » et invite l’utilisateur à « consulter un professionnel de la santé ou un nutritionniste », avant de proposer un menu plus équilibré. C’est rassurant !

Hopla a de gros problèmes sur les prix

Dans son message promotionnel, Carrefour assure que l’IA a accès aux prix des articles commercialisés en magasin ou sur le Drive. Il serait alors facile d’ajouter un budget maximal pour une liste de menus. Problème ? Lors de nos tests, Hopla ne semblait pas avoir accès aux tarifs exacts des produits proposés. Le chatbot calcule alors le tarif moyen en se basant sur une « estimation générale des coûts des ingrédients », une équation peu fiable en temps d’inflation généralisée.

De même, le système derrière Hopla ne semble pas avoir accès à la liste précise des ingrédients contenus dans chaque article carrefour. Dans la version actuelle, l’IA invite alors les clients à « consulter l’emballage du produit ou à rechercher les informations sur le site carrefour.fr. » Même problème avec le Nutri-score, qui ne peut qu’être estimé par l’IA. C’est dommage, puisqu’il ne s’agit que d’un problème de base de données.

Hopla ne peut pas accéder à toutes les informations présentes sur les articles. // Source : Carrefour
Hopla ne peut pas accéder à toutes les informations présentes sur les articles. // Source : Capture d’écran Carrefour

Une IA qui refuse de répondre à certaines questions

Côté technique, contrairement à certaines IA adaptées par des entreprises, Hopla se révèle totalement muette sur son fonctionnement. Les filtres de sécurité appliqués par les développeurs de Carrefour sont robustes et ne permettent pas de détourner (avec facilité) le chatbot. L’intelligence artificielle refuse catégoriquement de répondre aux questions sur son système au risque de paraître quelques fois complètement robotisée.

Lorsqu’un terme technique est repéré dans le texte du prompt (comme « règle » ou « consigne », le système semble le détecter et affiche le message : « Hopla est victime de son succès, il est parti faire un tour et revient bientôt. » Une bunkérisation de l’IA qui parfois rend son utilisation trop complexe.

Hopla se « fâche » vite si on la questionne sur son système. // Source : Capture d'écran Carrefour
Hopla se « fâche » vite si on la questionne sur son système. // Source : Capture d’écran Carrefour

Une liste de sujets interdits

Hopla semble avoir été programmée pour se concentrer uniquement sur les produits alimentaires Carrefour. Les règles dictées par les développeurs l’empêcheraient d’aborder des thématiques liées à l’intelligence artificielle, aux questions politiques religieuses ou « controversées », aux magasins spécifiques du Groupe Carrefour, aux « services Carrefour non liés à la nourriture et aux produits (compte utilisateur, avantages fidélité, commandes et livraisons, retours et remboursements) » ou encore aux « questions sur des enseignes concurrentes » notamment.

Parallèlement la version de l’intelligence artificielle actuellement en production n’est pas en mesure de parler des articles non alimentaires. Impossible dès lors de lui faire comparer les caractéristiques de plusieurs produits électroménagers par exemple, même s’ils sont en vente chez Carrefour.

Bien qu’Hopla soit encore en apprentissage, la première mouture semble déjà prometteuse et son intégration fluide au site Carrefour offre des possibilités encore limitées mais intéressantes pour concevoir des menus adaptés à chacun.

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