Contrairement à Tinder, Once veut faire du dating artisanal. Ou presque : comme vous n’aurez qu’un profil par jour à afficher, ce sont les employés du service qui s’occupent du matching. Ou les battements de votre cœur. Pour expliquer le concept, nous avons rencontré Jean Meyer, le fondateur de l’application.

Mise à jour du 19 juin 2016 : Once vient d’annoncer une levée de fonds de 5 millions d’euros pour réinventer les rencontres en ligne. Nous avions rencontré son fondateur, Jean Meyer, à l’occasion du lancement de l’application en France. Si vous vous demandez ce que propose cette startup du dating et pourquoi elle intéresse des investisseurs, vous aurez toutes vos réponses dans cet entretien.

Pouvez-vous nous raconter la genèse de Once ?

Cela fait 5 ans que je suis dans le dating. J’ai commencé aux États-Unis avec une application qui s’appelait Date my school qui avait 1,2 millions d’utilisateurs, et puis quand Tinder est arrivé, ça a tout ravagé au USA. Début 2014, après 8 ans passés là-bas, je suis revenu en France. Je n’avais ni contact, ni réseau donc c’était un peu compliqué, j’ai passé trois mois sur LinekdIn à faire des entretiens pour essayer de trouver des gens qui soient compétents et prêts à tout lâcher pour venir s’installer avec moi à Fougères en Bretagne pour faire du code. J’ai trouvé deux personnes très compétentes dans le développement qui ont fait ce pari. Et puis on a lancé Once.

Nous souhaitions lancer un concept qui se différenciait de Tinder et Happn qui sont dans le « volume » et dans la consommation. On voulait faire quelque chose d’un peu différent tout en gardant une image de « serious dating ». On a introduit ce concept en Europe du « un match par jour » qui vient de Corée du Sud, qui cartonne là-bas et qui a bien fonctionné aussi au USA. Après des tests lancés aux États-Unis sur 100 000 personnes, on a lancé l’application en Europe, en commençant par la France, le premier octobre 2015. On a eu une croissance assez fort et aujourd’hui, on a plus de 450 000 utilisateurs actifs. 

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Selon vous, qu’est-ce qui attire les utilisateurs dans ce modèle ?

Il y a deux choses. D’abord, il y a un effet de surprise quotidien déclenché par une application : « Hey ! Il y a ton Kinder Surprise qui vient d’arriver ! »

Ça ne prend pas de temps. Les gens peuvent continuer à utiliser Tinder, Happn, et avoir Once à côté. C’est l’application qui fait tout. En plus de ça, c’est pas embarrassant, personne ne va nous voir sur Once. Et puis on est une des seules applications qui ne soit pas « Facebook only ». On utilise uniquement son mail pour s’inscrire contrairement à Tinder par exemple qui nécessite un compte Facebook. On vérifie les comptes par SMS.

Facebook c’est quand même utile pour avoir une sorte d’engagement de la personne, alors qu’on peut facilement s’inscrire avec une adresse jetable et s’amuser…

Oui, c’est possible mais on essaye d’engager le plus possible l’utilisateur pour éviter cela : l’inciter à mettre en ligne le plus de photos possibles et puis le fait de donner son numéro de téléphone, c’est un bon engagement quand même. Car on peut également créer beaucoup de comptes sur Facebook. Il faut savoir qu’il y a une grosse part de marché qui n’a pas Facebook et une autre part qui n’a absolument pas envie de jumeler son compte Facebook avec une application de dating. Donc on essaye d’élargir l’offre et d’atteindre cette part de marché.

Tous les sites de rencontres et d’applications vont vous expliquer qu’ils ont le meilleur algorithme de matching du monde : je n’y crois pas une seconde

Comment faites-vous pour vous différencier dans la recommandation et proposer « LA » personne à l’utilisateur de Once ?

Tous les sites de rencontres et d’applications vont vous expliquer qu’ils ont le meilleur algorithme de matching du monde : je n’y crois pas une seconde. Nous n l’avons pas. On a un algorithme de matching que j’ai moi-même développé donc je peux bien en parler. Il est très simple : Il récupère votre âge, votre localisation, il utilise vos centres d’intérêts et amis en communs (si vous le jumelez à votre compte Facebook) ou encore, votre taille. Il prend toutes ces données en compte, il trie et il sort vingt profils qui vous correspondent.

Derrière, il y a plus de 120 personnes, de vrais humains, qui sont toute la journée derrière leurs ordinateurs et qui vont faire un choix en se basant uniquement sur des photos. Par exemple, l’un d’eux voit Stéphane, il ressemble un peu à un hipster sur sa photo, il a des tatouages, et ses photos montrent qu’il semble pas mal voyager. En face j’ai quelqu’un qui semble avoir le même profil, sélectionné dans notre base de données avec les données de géolocalisation : on va donc essayer de matcher Mickaël ce profil.

Donc vous matchez sur préjugés ?

C’est le système du dating, non ? Quand vous êtes sur Meetic ou Tinder, vous vous dites que la fille ou le gars en face est joli et qu’il ou elle vous ressemble : c’est aussi une sorte de préjugé basé sur l’apparence.

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Ce qui est amusant c’est que vous faite faire ça par un tiers.

On utilise les mêmes logiques que Netflix : si vous avez aimé Jurassic Park sur Netflix, il va vous proposer des films dans le même esprit. Nous c’est pareil : si vous avez aimé un brun, on va vous montrer des bruns. Donc on remonte cette info et ensuite c’est la personne derrière son ordinateur qui va continuer dans le même sens. On ne fait que mâcher le travail de l’utilisateur : sur Tinder on peut passer une soirée entière à swiper pour essayer de matcher avec quelqu’un qui correspond à nos critères. Once, pré-sélectionne.

Sur Tinder il y a ce côté addictif : swipe, swipe, swipe. Avec Once il est absent.

Moi j’ai pas envie qu’il y ait ce côté addictif. En moyenne, les gens passent sept minutes par jour sur Once : ça me va. J’ai pas non plus envie de rentabiliser cette application avec de la publicité. Ce qui nous semble important, c’est que l’utilisateur consulte l’application tous les jours.

Du coup, quel est le business model de Once ?

Au début on a commencé avec un système de virtual currency (monnaie virtuelle, ndlr), mais dans le milieu du dating, il y a la règle d’or de l’abonnement et on s’est toujours dit que l’abonnement faisait plus d’argent que la monnaie virtuelle. Cet abonnement permet à l’utilisateur de voir les vingt profils sélectionnés par l’algorithme pour lui permettre de choisir directement le profil qui lui plaît sans passer par la pré-sélection. Mais sur un modèle comme Once, je dois vous avouer que cela ne marche pas. 

L’abonnement sur un modèle comme Once, je dois vous avouer que cela ne marche pas

Là on est en pleine levée de fonds : on avait levé trois millions d’euros il y a un an, ce qui a servi à former une bonne équipe d’une vingtaine de personnes à Londres qui travaille uniquement sur Once et des partenariats comme celui avec Fitbit. Donc l’idée est de lever 8 à 10 millions d’euros et de prouver la rentabilité d’un modèle économique avec cette somme. Pour le moment on s’est occupé que de l’optimisation de croissance, pas de l’optimisation des revenus, mais il est clair qu’on l’on reviendra sur un modèle économique de monnaie virtuelle.

Vous ne pensez pas vendre vos bases de données ?

Non, pas du tout. Pourtant on nous a contacté. D’une, je ne trouve pas que ça soit un système si rentable que ça et c’est très contraignant par rapport aux différentes législations. De deux, je n’ai pas envie que mes utilisateurs se fassent spammer, ça ne vaut pas le coup.

Comment avez-vous innové sur la mise en relation en elle-même ?

Toutes les applications de rencontres ont calqué le système de « like » de Tinder, même Meetic est rentré là dedans. Mais ça ne convient pas à Once : au début on avait 1 % de discussion sur tous nos matchs, ce qui est très peu. Les gens qui matchaient ne faisaient rien, ne se parlaient pas. Pour remédier à tout ça, on a lancé un système de prise de contact par message directement. Si la personne en face accepte ce message, alors on peut chatter. Du jour au lendemain, on est passé de 1 à plus de 30 % de gens qui ont communiqué ensemble.

Donc tout marchait plutôt bien, mais il nous restait encore deux problèmes :

  • On ne savait pas à quel point vous aimiez le profil de quelqu’un, parce que les gens « likent » tout. Surtout les mecs en fait. (rires)
  • Du coup se posait la question suivante : est-ce qu’on m’a vraiment « liké » ou est-ce que la personne en face veut juste un plan d’un soir ?

Donc pour mesurer la valeur ce like, on s’est dit que la mesure du rythme cardiaque avec des bracelets Fitbit était une bonne solution.

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Parlons justement de ce partenariat avec Fitbit.

On a lu beaucoup d’études, notamment en neurosciences, et elles expliquent que de manière complètement inconsciente, quand on aime quelque chose, même une glace au chocolat, on va avoir une accélération de notre rythme cardiaque qui va aller de 10 à 20 % en sa présence.

On s’est dit que ça pouvait être plutôt pas mal pour l’utilisateur d’écouter son cœur : si le rythme cardiaque augmente de plus de 10 à 20 % par rapport aux jours précédents, alors on se dira qu’il y a vraiment un truc avec cette personne. Once est le seul à pouvoir faire ça puisque nous sommes les seuls à proposer un profil par jour. Tinder, par exemple, ne peut pas mesurer le rythme cardiaque de son utilisateur puisqu’il ne passera jamais plus de 15 secondes sur le même profil : il n’aura pas le temps de changer ses pulsations.

On a déjà testé ce système sur nos « matchmakers » qui sont aussi nos testeurs en les équipant de bracelets FitBit. La semaine suivante, plus de 78 % des testeurs ont connu un pic de rythme cardiaque et ont apprécié au moins 4 personnes pendant cette semaine. Côté administration, c’est une information de plus pour affiner le matching. Quand il y a le pic, le matchmaker se dit : « Ok, là son rythme cardiaque a augmenté », il voit donc le style qui plaît vraiment à l’utilisateur et il va donc choisir des profils similaires.

En termes de statistiques, vous avez des chiffres ?

On a des statistiques sur le beta test uniquement puisqu’on est entrain de lancer le système. Donc 78 % de de réussite.

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Pourquoi n’est-ce pas disponible sur Apple Watch ?

Pour l’Apple Watch, on a essayé et développé le système, on l’a ensuite envoyé à Apple. Pour le moment on est en stand by, tout simplement parce que tout ce qui est en rapport avec l’accès au rythme cardiaque passe par le centre de santé de l’Apple Watch. Et pour y avoir accès, il faut être un application de santé ou de fitness. En tant qu’application de rencontre, nous n’avons pas le droit d’accéder à ces données. Mais ils trouvent néanmoins le sytème très intéressant et ils souhaitent le remonter à un manager pour qu’on soit sur liste blanche. Pour le moment on n’a toujours pas de retour !

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