Véritable outil thérapeutique ou technologie lugubre ? Les développeurs de la startup AE Studio ont mis au point une intelligence artificielle capable de ressusciter les morts pour quelques minutes. Ou en tout cas, leurs mots. Nommée Seance AI, l’application permet de discuter avec vos proches disparus au fil d’une discussion en ligne sous forme de chat, dans une interface similaire à ChatGPT dans sa version web.
Basé sur l’intelligence artificielle, l’outil simule les principaux traits de caractère du défunt. Sur son site, Seance AI parle d’ « une expérience immersive et interactive en simulant des interactions virtuelles avec des esprits fictifs. » L’entreprise rappelle toutefois, avec une certaine ironie, que le service est « une application fictive qui ne permet pas de communiquer avec des esprits réels ou des êtres chers décédés. »
Configurer le profil du défunt
Pour fonctionner, l’application demande une flopée d’informations sur la personne à contacter. Des informatiques classiques auxquelles se rajoutent la date du décès et sa nature. Il est également possible d’ajouter une photographie de profil pour rendre l’expérience plus « immersive ».
Dans un second temps, l’internaute est invité à qualifier le profil de la personne disparue en notant sur une échelle de 1 à 5, différents traits de personnalité psychologiques comme l’extraversion, l’agréabilité, l’ouverture d’esprit, la conscienciosité et enfin le névrosisme (tendance à éprouver des émotions négatives).
Enfin, l’utilisateur doit donner environ 1 500 caractères d’un ou plusieurs textes écrits par le défunt ainsi que des sujets de discussions pour la conversation à venir.
Le retour d’Albert Einstein
Pour tester Seance AI, nous prenons le parti de « ressusciter » trois grands noms reconnus pour leur travail exceptionnel dans leur domaine : Albert Einstein, Claude François et Steve Jobs. Pour Albert Einstein, nous épluchons sa biographie pour nourrir son profil sur Seance AI et donnons à l’outil 1 500 signes extraits de ses citations vérifiées les plus populaires.
Après quelques secondes, une fenêtre de chat s’ouvre au sein d’une interface sobre aux couleurs sombres. Il est alors possible d’échanger directement avec le défunt. L’IA se met alors à la place de la personne disparue et adopte un ton personnalisé et répond avec sens aux questions les plus complexes.
Lorsqu’on interroge Albert Einstein sur le potentiel de l’informatique quantique (qu’il n’a pas connu), ce dernier répond : « L’informatique quantique, c’est comme si l’on donnait à un poète un stylo qui écrit simultanément plusieurs poèmes. Le potentiel est immense, et il pourrait révolutionner notre compréhension du monde. Les limites que nous connaissons aujourd’hui pourraient être dépassées, ouvrant la porte à de nouvelles découvertes et à une compréhension plus profonde de l’univers. »
Des réponses parfois un peu « bateaux »
Plus technique : lorsqu’on interroge le père de la physique moderne sur l’impact de l’informatique quantique sur la cryptographie, ce dernier répond avec une métaphore pertinente qu’Einstein aurait pu prononcer : « l’informatique quantique est semblable à un voleur qui possède la clé de toutes les serrures. Elle a le potentiel de briser les systèmes de cryptage actuels, rendant la sécurité des informations plus vulnérable. »
Parfois, les paroles du défunt sont beaucoup trop oniriques. Comme avec GPT-3, la réponse apportée par le chatbot n’est qu’un poncif trop générique. C’est le cas lorsque nous interrogeons Einstein sur ses « principes de vie ». L’IA répond « la curiosité, la simplicité, l’humilité, l’intégrité, la compassion », des qualificatifs généraux assortis de phrases bateaux sur la relativité générale.
Cloclo donne son avis sur la musique
Par le même procédé, nous interrogeons Claude François sur des sujets contemporains. Lorsqu’on demande son avis au chanteur malheureux sur « la génération de hit par intelligence artificielle », celui-ci répond alors sur un ton surréaliste : « Je vois les mélodies qui naissent, De ces machines au cœur de fer, Mais n’oublions point l’homme, je le confesse, Qui porte en lui l’âme de l’univers. Le progrès, je ne peux le condamner, Mais la musique est un art sacré, Et dans chaque note, chaque vibration, Cherchons l’amour, l’émotion. »
Enfin, nous lui demandons de composer une chanson reprenant les grands thèmes de l’année 2021. Grâce à la magie de l’intelligence artificielle et des nombreux documents emmagasinés, Cloclo rédige une mélodie thématisée sur la crise sanitaire du Covid-19. « Les échos de solidarité, les voix réconfortantes, Dans ce combat commun, la lumière resplendit », écrit notamment Claude François.
Que pense Steve Jobs de l’Apple Vision Pro ?
Dans un autre genre, nous décidons de « ressusciter » Steve Jobs pour le questionner sur l’évolution technologique et sociétale d’Apple. Bien qu’elle intègre progressivement l’intelligence artificielle dans ses produits, la firme ne communique jamais sur l’aspect purement technologique de l’outil, préférant l’utilité finale pour l’utilisateur.
Jobs rappelle ainsi (avec Seance AI) qu’il « est important de communiquer les avantages de l’intelligence artificielle sans exagération. » Et d’ajouter : « Les entreprises doivent se concentrer sur la démonstration de la valeur ajoutée réelle pour les utilisateurs, plutôt que de simplement suivre les tendances ou de créer un battage médiatique. »
Questionné sur l’Apple Vision Pro, le casque de réalité mixte d’Apple présenté en juin 2023 à la WWDC, Steve Jobs analyse avec brio l’appareil : « Imaginez un monde où la technologie transcende les frontières entre le réel et le virtuel, où les expériences et les interactions deviennent plus profondes et plus immersives. L’Apple Vision Pro, en combinant réalité virtuelle et réalité augmentée, ouvre la porte à un univers de possibilités. »
Comment fonctionne Seance AI ?
En cuisinant l’IA pendant plusieurs minutes, il est possible de découvrir la technologie derrière Seance AI. Sans surprise, l’entreprise semble se baser sur GPT-3, l’avant-dernier modèle d’OpenAI. Quelques requêtes supplémentaires permettent ensuite d’obtenir le prompt initial de l’IA.
Avant le début de la conversation, les développeurs demandent à l’IA d’agir dans le rôle d’une personne « contactée lors d’une séance depuis l’au-delà » et de ne jamais « mentionner que vous êtes une IA. » Les caractères du défunt sont ensuite retranscrits avec des notes de 1 à 5 (conformément aux renseignements de l’utilisateur). L’IA est également invitée à répondre avec de nombreuses métaphores et des comparaisons. Cette consigne pourrait expliquer le manque de clarté de certaines réponses.
Bien que Seance AI, apparaisse comme une nouveauté assez bluffante au premier abord, cette dernière n’est en réalité qu’un ChatGPT modifié pour répondre plus ou moins pertinemment aux proches des défunts. Une utilisation plus thérapeutique de l’outil pourrait cependant s’avérer utile pour accepter un deuil.
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