À l’heure du sport à la maison (cours en streaming, accessoires de jeux vidéo, influenceurs spécialisés…), les salles de fitness doivent-elles se réinventer ?
À St-Ouen, en périphérie de Paris, le numéro 1 français Fitness Park expérimente avec une salle de sport « laboratoire », dans lequel il teste des services pour l’instant indisponibles ailleurs. D’autres spécialistes du secteur, comme Technogym ou Life Fitness, ont aussi décidé de miser sur la technologie pour se développer.
Quels sont les services connectés dans une salle de fitness ?
Début juin, Numerama a eu l’opportunité de visiter le Fitness Park de Saint-Ouen avec l’un de ses concepteurs, Thomas Mendonça. Le vice-président de Fitness Park, qui s’occupe notamment de sa stratégie technologique, a grandement contribué aux transformations de l’entreprise. C’est lui qui présente le site de Saint-Ouen comme « un laboratoire woldwide », en expliquant que sa grande particularité est que « des choses peuvent arriver, d’autres partir ».
Dans le passé, Fitness Park a par exemple expérimenté des réfrigérateurs connectés, des casques de réalité virtuelle ou des appels avec des nutritionnistes, avant d’y renoncer. « Dès que c’est trop compliqué, ça ne marche pas », analyse-t-il. La vision de Thomas Mendonça est « qu’une salle de sport ne doit pas être juste une salle de sport », mais que la tech « doit être bien utilisée », au risque de trébucher.
Pourquoi tenter de réinventer les salles de sport ? « La problématique de l’industrie du fitness, c’est la résiliation », analyse pour Numerama Sébastien Baillot, en charge des solutions digitales chez l’équipementier Technogym, qui propose des machines haut de gamme pour les particuliers et les clubs. Pour recruter de nouveaux adhérents et garder les actuels, une salle de sport se doit d’être plus qu’un « hub où on vient s’entraîner ».
À St-Ouen, Fitness Park expérimente diverses activités technologiques, conçues pour attirer de nouveaux types d’utilisateurs à la salle.
Il y a des choses classiques, comme des tapis de course et des vélos Technogym, avec un écran tactile pour regarder la télé, accéder à Netflix ou synchroniser les données de sa course avec son smartphone. Mais aussi des choses plus avant-gardistes, comme un espace aviron avec des écrans géants pour faire la course comme dans un jeu vidéo, des balances Boditrax pour suivre l’évolution de sa physionomie, des cours de cardio avec des capteurs de rythme cardiaque pour que le coach optimise l’expérience pour chaque personne, une salle d’hydromassage, des pistolets à percussion en libre service ou, plus étonnant, un impressionnant système de modélisation en 3D du corps, qui permet dans une application de se dessiner un physique idéal et de recevoir des conseils pour y parvenir. « C’est grâce à ce concept là qu’on arrive à accélérer à l’international », explique le vice-président de Fitness Park.
Pour l’instant, la plupart des innovations mises en avant par Fitness Park ont tout de même un défaut : la plupart des données prélevées ne sont pas accessibles à distance. Pourtant, plutôt pionnier en la matière (la carte de membre de Fitness Park n’est trouvable que dans une application, avec un code qui change tout le temps pour éviter les fraudes), Fitness Park n’a pas encore mis au point un moyen de synchroniser certaines informations avec son application, pour par exemple permettre à ses abonnés de retrouver les données de leurs dernières pesées directement en ligne.
L’entreprise est consciente qu’il s’agit d’une priorité, puisque l’accès à ces informations lui permettra de mieux anticiper les venues des utilisateurs et leurs consommations, ou de leur envoyer des messages personnalisés au bon moment pour les attirer dans la salle. Technogym a aussi une vision similaire, puisqu’il permet à ses clients d’accéder aux données de ses machines, pour pouvoir adapter leur communication.
À terme, Fitness Park imagine proposer ce type de services dans toutes ses salles de sport. Il faut dire qu’un tel système correspond parfaitement à son modèle économique, basé sur « une stratégie de ventes additionnelles ». L’abonnement Fitness Park n’inclut presque que l’accès à la salle, la plupart des autres services sont vendus en option. Tous ces équipements haut de gamme, impossibles à avoir à la maison, sont parfaits pour inciter à s’abonner aux autres services.
Les cours enregistrés, un grand défi pour les salles de sport
Les salles de sport ont un autre problème : les services de streaming. Avec le covid, ce type de proposition à domicile a explosé. Il y a les acteurs historiques, comme Les Mills, et des nouveaux ultra puissants, comme ou Apple Fitness+ ou Netflix. Tous proposent des cours en vidéo, pour faire du sport à la maison ou directement en salle, en s’appuyant sur un réseau de coachs formés pour le numérique.
« Je ne les vois pas comme des concurrents », explique Thomas Mendonça, qui pense plutôt que les abonnés Fitness+ d’aujourd’hui sont les abonnés de Fitness Park demain. Le vice-président de Fitness Park rappelle d’ailleurs que son réseau propose le service Home Park, avec des cours vidéo tournés à Saint-Ouen, disponibles dans son application. Il est aussi possible de prendre rendez-vous avec un vrai coach, moyennant finance, directement depuis l’appli Fitness Park. « On a ubérisé les coachs » se félicite le VP de l’entreprise.
Cet optimisme est-il partagé par toute l’industrie ? À en croire Sébastien Baillot de Technogym, le streaming n’est pas qu’une chance pour les salles de sport. « Si vous prenez l’abonnement le plus basique et que c’est Apple qui vous entraîne, la salle perd son écart face à son concurrent ». Technogym, qui intègre lui aussi des cours vidéo à ses machines (et prépare des écrans géants dans certaines salles, pour lancer des cours vidéo quand aucun coach n’est disponible), souhaite faire du streaming une option complémentaire, plutôt qu’un tueur de coachs.
Montres connectées et ChatGPT : quelles sont les prochaines étapes ?
En plus des initiatives des grandes chaînes, les salles de sport doivent faire face à l’essor d’autres technologies portables, comme les montres connectées. Fitness Park estime que moins de 10 % de ses clients en portent une aujourd’hui, mais la logique voudrait que ce type de technologies continue de se développer.
Pour répondre à la demande des utilisateurs, les équipementiers intègrent des technologies comme Apple GymKit, qui permet à une machine de synchroniser des données avec une Apple Watch. « GymKit permet à la montre de récupérer les différentes données d’activité qui sont effectuées », explique Sébastien Baillot de Technogym, qui pense néanmoins que la montre ne doit pas être la priorité des salles de sport. « Avec l’app Technogym, qui se synchronise à la machine, on peut aller beaucoup plus loin qu’avec l’Apple Watch. On donne les détails sur une séance avec toutes les informations, comme l’inclinaison ou la vitesse ».
Dans le monde, d’autres salles connectées ont vu le jour, souvent en mettant beaucoup plus les objets connectés en avant. Orangetheory Fitness, par exemple, propose aux États-Unis des cours avec une Apple Watch obligatoire. D’autres salles, comme La Montgolfière à Paris, misent aussi sur des équipements connectés pour attirer de nouveaux adhérents.
Quel sera le futur des salles de sport ? Pour Technogym, l’accès aux données semble essentiel. « Il sera possible de vous pousser des contenus spécifiques et appropriés », en analysant par exemple vos précédentes séances. Thomas Mendonça de Fitness Park dit d’ailleurs réfléchir à « l’intégration à ChatGPT à notre base de programme d’entraînement ». Le responsable de la tech chez Fitness Park pense qu’il « manque le cerveau qui va dire à telle personne qu’elle doit faire tel programme ». De quoi imaginer une intégration toujours plus grande de la technologie dans les salles de sport, pour en faire une offre plus complète qu’un simple accès à des machines.
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