La guerre, ils l’ont déjà vécu. De nombreux anciens militaires américains, britanniques, canadiens ou français sont partis prendre les armes pour la cause ukrainienne, face à l’invasion russe. Difficile d’estimer aujourd’hui la taille de la légion internationale ukrainienne, elle serait composée de 20 000 combattants, selon le gouvernement.
Parmi eux, d’anciens membres des corps d’élites américains. En juillet 2023, nous avions rencontré « Summer », passé par l’Afghanistan et spécialiste dans les communications sur le terrain. Il a rejoint ses compagnons au printemps 2022 dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie. « Summer » nous avait raconté comment son unité fait usage des nouvelles technologies pour piéger « l’ennemi ».
Numerama — Après avoir expérimenté l’Afghanistan et d’autres terrains hostiles, quelles différences majeures avez-vous constaté avec vos précédents engagements ?
Summer — D’abord, nous n’avons jamais fait face à un adversaire capable de déployer autant d’hommes, d’armement et de technologies frontalement. C’est une guerre comme il n’y en a pas eu depuis longtemps. Nous sommes bien entendu entrainés, mais nous n’avions pas encore une expérience de combat avec des avions, des hélicoptères, différents modèles de blindés, des communications bien établies entre les adversaires.
Il faut redoubler de prudence à chaque mission, anticiper les échanges russes, vérifiez que des drones ne vous surveillent pas. On ne peut jamais être complètement serein, il faut toujours se dire que l’ennemi est peut-être en train de vous observer.
Comment contrez-vous ces drones, une fois que vous les avez repérés ?
Il y a quelques équipements, comme des fusils anti-drone pour brouiller le signal, mais le plus simple, c’est de tirer dessus. Les drones de commerce sont très fragiles, un tir bien placé suffit pour l’abattre. Beaucoup d’appareils sont détruits de cette manière.
Les mêmes techniques sont utilisées en face ?
Les deux armées font le même usage du drone, et lorsque les Ukrainiens trouvent une nouvelle tactique, les Russes la copient rapidement. Dans mon unité, les drones sont d’abord utilisés pour jeter un coup d’œil avant d’agir.
En tant que spécialiste des communications, utilisez-vous régulièrement des kits Starlink (de la société SpaceX) sur le front ?
Ça arrive. Nous avons tout un tas de matériel militaire pour communiquer. Starlink est utile, mais n’est pas l’élément le plus important. À vrai dire, lorsque les soldats ukrainiens me voient débarquer avec un kit Starlink entre les mains, ils ont tous le sourire, car cela signifie d’abord qu’ils pourront échanger avec leur famille. Les kits servent le plus souvent pour des communications avec l’arrière du front.
Concernant les connexions avec un drone, cela nous a déjà servi, mais ce n’est pas une solution optimale. Il y a eu quelques perturbations et nous avons trouvé d’autres alternatives depuis.
Beaucoup de communications sensibles russes ont été interceptées et diffusées. Est-ce l’une de vos missions sur le front ?
C’est une tâche essentielle. Nous employons de nombreuses techniques pour intercepter des échanges, parfois grâce à des outils cyber sur les ordinateurs et smartphones. Nous cherchons des cibles et nous parvenons à les piéger, pour s’infiltrer dans leur réseau. Nous piégeons des téléphones russes. Certaines personnes sont surveillées depuis des mois, nous analysons ensuite leur déplacement pour repérer des points stratégiques.
On utilise également des StingRay (un IMSI-catcher), une sorte de boite de surveillance qui imite une tour cellulaire pour forcer les téléphones à s’y connecter. Il arrive que l’on intercepte des communications radios militaires en captant la fréquence, tout simplement. Enfin, il y a toujours le renseignement humain, grâce à des personnes situées au plus proche de l’armée russe.
Vous avez pu inspecter le matériel russe ?
Oui, les Russes laissent beaucoup d’équipement derrière eux. On a décortiqué une radio, par exemple et c’est incroyable le nombre de composants étrangers que vous trouvez à l’intérieur. Il n’y a quasiment rien de russe dans certains équipements. Une immense partie est constituée en Chine, à Shenzhen, Hong Kong, mais nous trouvons aussi des composants occidentaux, notamment américains. Je ne pense pas que les entreprises concernées soient au courant, il y a tellement de routes pour le marché noir.
Vous avez constaté une différence depuis l’arrivée d’équipements américains et européens ?
Il y a encore une grande phase d’apprentissage et beaucoup de matériaux ne sont pas pleinement utilisés ou restent en attente. Cet équipement est précieux pour les Ukrainiens, il est donc préservé à l’arrière.
J’ai vu une différence dans la formation à travers cette dernière année. On a commencé par tout leur apprendre dans les communications, par exemple avec des PowerPoint devant des dizaines de soldats chaque jour. Ils sont motivés, ils ont appris très rapidement et la différence de niveau technologique avec le début de l’invasion est désormais incomparable. Cela va jouer à l’avenir.
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