Après avoir mis fin au « Privacy Shield » en 2020 et interdit aux entreprises américaines de transférer les données des Européens vers des serveurs américains, l’Union européenne et les États-Unis sont enfin tombés d’accord sur un nouveau partenariat. Une victoire pour Joe Biden, qui mettait une grande pression sur l’Europe depuis son élection.

Après plusieurs mois de discussion entre Bruxelles et Washington, les régulateurs sont enfin tombés d’accord sur un nouveau « Privacy Shield ». Concrètement, la décision d’adéquation du 10 juillet autorise les entreprises américaines qui ont adhéré au « cadre de protection des données » à transférer librement les données de leurs utilisateurs européens vers les États-Unis, puisque Bruxelles est arrivé à la conclusion que les États-Unis offraient désormais un niveau de confidentialité similaire à celui de l’Europe.

Pourquoi l’Europe change d’avis

En 2020, la justice européenne avait invalidé le Privacy Shield en raison de l’absence d’encadrement sur les programmes de surveillance américains. Quatre ans plus tard, le communiqué de Bruxelles met en avant le décret « Enhancing Safeguards for United States Signals Intelligence Activities » signé par Joe Biden le 7 octobre, qui encadrerait suffisamment l’accès aux données par les agences de renseignement américaines pour qu’elles puissent être compatibles avec le RGPD.

Privacy Shield // Source : DR
Privacy Shield // Source : DR

Pourquoi l’Union européenne, que l’on sait très à cran sur la question des données personnelles, a-t-elle validé ce nouvel accord avec les États-Unis ? La raison n’est pas qu’économique, mais aussi politique. Depuis son élection, Joe Biden met régulièrement la pression sur ses partenaires européens pour permettre aux mastodontes américains, comme Amazon, Google ou Meta, d’échanger librement les données des Européens. La pré-annonce de ce « Data Privacy Framework » avait eu lieu en mars 2023, le jour où l’Europe et les États-Unis avaient passé un accord sur le gaz naturel, pour réduire la dépendance européenne à la Russie. Tout laisse penser que Joe Biden se sert de cet accord pour négocier avec l’Europe, qui a donc avancé sous la contrainte.

Le Data Privacy Framework fait déjà polémique

L’accord d’aujourd’hui sera-t-il celui de demain ? Dans le passé déjà, l’Union européenne s’était déjà félicitée d’avoir trouvé des accords avec les États-Unis… avant que la Cour de justice européenne ne les invalide. Au vu de la très grande proximité entre le Data Privacy Framework et le Privacy Shield de 2016-2020, certaines associations ont déjà saisi la justice pour faire tomber l’accord. Le Data Privacy Framework pourrait offrir quelques mois de tranquillité aux géants américains, mais ne garantit pas une tranquillité éternelle aux géants de la tech.

Le communiqué envoyé par la Maison-Blanche sur l'accord entre l'UE et les US. // Source : White House
Le communiqué envoyé par la Maison-Blanche sur l’accord entre l’UE et les US. // Source : White House

Ce que change l’accord pour Meta, Google et Amazon

En mai 2023, Meta avait été condamné à payer une amende record de 1,2 milliard d’euros pour transfert illégal de données européennes vers les États-Unis.

La maison-mère de Facebook, qui avait jusqu’au 22 octobre pour trouver une solution, est une des grandes gagnantes de ce nouvel accord. En plus de maximiser ses chances de faire annuler l’amende (ou du moins de la réduire), Meta n’aura probablement rien à faire pour pouvoir continuer son ciblage publicitaire en Europe, puisque les données des Européens peuvent être envoyées sur ses serveurs dans le cadre du Data Privacy Framework.

Meta // Source : Numerama
Meta est un des grands gagnants du Data Privacy Framework, alors que sa présence en Europe était menacée par l’absence de cadre légal. // Source : Numerama

Tous les autres géants américains sortent gagnants de cet accord, alors que le RGPD et le DSA européens ont tendance à compliquer leurs existences. Le Data Privacy Framework leur permet désormais de ne plus avoir à se soucier des données qu’ils transfèrent, au risque de mettre à mal la stratégie de cloud souverain souhaité par le gouvernement français.

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