Le Copyright Madness revient cette semaine sur la chanson Happy Birthday, la poursuite de l’État hollandais par des ayants droits et par le CIO qui empêche encore et toujours l’usage de certains termes liés aux jeux olympiques. Très bonne lecture et à la semaine prochaine !
Copyright Madness
Gouda. Plusieurs organisations de producteurs et de studios de cinéma ont dû abuser des coffee shops à Amsterdam. En effet, une douzaine d’entre eux menacent l’État hollandais de poursuites et lui réclame 1,2 milliard d’euros s’il ne s’exécute pas. Les sociétés de l’industrie cinématographique accusent l’État de complicité de téléchargement illégal ! Elles dénoncent une loi, qui n’est plus en vigueur, qui permettait aux internautes de réaliser des copies privées à partir d’œuvres piratées. Les Pays-Bas ont quinze jours pour satisfaire les exigences des pleurnicheuses à la bouche pleine. Si cette affaire va jusqu’au bout, ce sera la première fois qu’un État sera du côté des accusés. Il va falloir s’attendre à d’autres cas similaires avec l’adoption du traité TAFTA qui pourrait permettre à d’autres trolls d’attaquer des États devant des tribunaux arbitraux montés de toutes pièces à cette occasion.
Typo. Une simple faute de frappe peut parfois avoir de lourdes conséquences. C’est ce que l’on constate avec ce qui vient de se passer au Portugal. Le pays a décidé en effet de frapper fort contre la piraterie en ligne. Le ministère de la culture a dressé, avec les ayants droit, une liste de plusieurs centaines de sites que les FAI devront bloquer, sans contrôle préalable du juge. Parmi cette liste, se trouvait l’adresse forummaximus.net. Or ce nom de domaine… n’existe pas ! Par contre, un autre site existe bien dont l’adresse est forum-maximus.net. Un petit tiret oublié qui fait toute la différence… Le Portugal pourra donc s’enorgueillir de bloquer un site… qui n’existe même pas ! C’est peut-être pour éviter ce genre de boulettes énormes qu’il est important de toujours garder la justice dans la boucle, non ?
Déchéance de connexion. Il existe en Floride un espace pour les sans-abris qui leur permet de survivre en bénéficiant de quelques services et de lutter contre l’isolement. Il proposait également une connexion en Wi-Fi ouvert pour les résidents. Or, suite à des plaintes de titulaires de droits pour téléchargement illégal d’œuvres, le Dignity Village a été contraint d’arrêter ce service après quelques avertissements par peur de devoir payer des dédommagements. Une fois de plus, les titulaires de droits font preuve d’ignominie et d’avarice en menaçant des SDF de poursuites. Ils auraient pu faire preuve d’humanisme, car il y a peu de chances que ces sans-abris se tournent vers l’offre légale !
Trademark Madness
Sport. Le Trademark Madness de cette semaine vous est présenté par le Comité International Olympique (CIO), toujours soucieux de protéger sa marque. Sa nouvelle cible est l’ensemble « Concert de La Loge Olympique ». Il s’agit d’un ensemble de musique de chambre qui s’est nommé ainsi en référence à un orchestre de la période révolutionnaire. Mais les malheureux musiciens ont été repérés par le radar du CIO qui leur a envoyé une lettre leur intimant de renoncer à l’enregistrement de leur nom à l’INPI, à leur nom de domaine et au nom de leur orchestre. L’avocat du CIO avance un argument fallacieux en expliquant que le « partenariat noué entre l’ensemble et la fondation orange et Swiss Life est par ailleurs de nature à créer une confusion préjudiciable avec les partenaires du mouvement olympique, dont l’assureur Allianz ». Une fois de plus, le troll invoque l’argument de la confusion et nous prend volontairement pour des benêts. Si cela continue, le mot olympique sera retiré du dictionnaire et deviendra une propriété exclusive du CIO.
Pinaillage. Paris a dévoilé cette semaine le logo que la Ville propose pour sa candidature aux Jeux Olympiques de 2024. Les candidats ne perdent pas de temps et les trolls non plus. A chaque événement olympique on assiste à une déferlante de dérives. À croire que c’est devenu une discipline officielle ! À peine rendu public, le logo est déjà suspecté de plagiat. On l’accuse de ressembler au logo d’une agence de consultants anglaise 4 global. En effet, si on change la couleur des éléments, si on change le degré d’inclinaison du logo et qu’on est un peu troll sur les bords, on peut y voir une ressemblance ! D’ailleurs, on nous a signalé que la société qui gère la Tour Eiffel est aussi sur le coup. Elle estime que le logo constitue une contrefaçon de la tour Eiffel éclairée la nuit. A ce jeu-là, on peut décrocher la médaille d’or !
Indiens. Respirez bien avant de lire cette phrase : la tribu des Indiens Navajo a déposé une marque sur son propre nom et attaque en justice un fabricant de caleçons. Kamoulox ! Derrière cet enchaînement de mots en apparence complètement random se cache pourtant une réalité. L’entreprise Urban Outfitters a voulu utiliser le terme « Navajo » pour une ligne de vêtements. Mais la nation indienne a protégé son nom par une marque et elle accuse maintenant la société de contrefaçon, avec à la clé plusieurs millions de dollars à empocher, si elle l’emporte. Le fabricant se défend en affirmant que le terme « Navajo » est générique et qu’il n’entend pas prétendre que ses caleçons ont été produits par des artisans de cette tribu. Il est de plus en plus fréquent que des peuples indigènes utilisent agressivement la propriété pour défendre leur culture, ce qui peut conduire à ce genre de situations ubuesques.
Patience. Certaines dérives de la propriété intellectuelle mettent longtemps à arriver à maturité. Coca Cola cherche ainsi désespérément depuis treize ans (!) à s’approprier… le zéro ! En fait, Coca Cola souhaite déposer la marque « Zéro » pour ses produits allégés et sans caféine. Jusqu’à présent, le bureau américain des marques et des brevets a hésité à faire droit à cette demande et celui du Royaume-Uni lui a refusé, au motif que contrôler le terme « Zéro » aurait des effets trop négatifs sur la concurrence. Doctor Pepper, notamment, conteste à Coca Cola la possibilité de s’octroyer un monopole sur la tête à toto. Mais la patience du géant Coca va visiblement finir par payer, car la marque « Zéro » risque bien de lui être octroyée. L’histoire ne dit pas si l’on pourra toujours continuer à faire des divisions par zéro #HoWait ;-)
Patent Madness
À la pointe. Aux États-Unis, la communauté des LARPers (Live Action Role Play) reconstitue des batailles médiévales, où les participants en costume s’écharpent à coup de fausses armes émoussées. Comme la sécurité est importante, certaines sociétés se sont spécialisées dans la vente de ces objets, notamment des flèches avec des pointes en mousse qui garantissent de ne pas perdre un œil par accident. Or Upshot Arrows, un revendeur aux USA de flèches fabriquées en Allemagne, est menacé par la société Global Archer qui prétend détenir un brevet sur ce dispositif de protection. Pourtant il semblerait en réalité que des flèches à pointe de mousse se vendaient déjà sur Internet dans les années 90 et c’est bien ce brevet qui pourrait bien être en mousse ! Upshot Arrows a lancé un appel à la communauté des LARPers pour essayer de se défendre en justice. Espérons que de nombreux Robin des Bois amateurs lui viendront en secours !
Copyright Wisdom
Près du but. Dans quelques semaines, Happy Birthday fera peut-être son entrée définitive dans le domaine public. Le copyright que la Warner prétendait détenir sur cette chanson a déjà été invalidé en fin d’année dernière par un juge américain. Cette semaine, l’accord conclu par la Warner avec ses opposants en justice a été révélé. Le copyfraud va lui coûter cher : la société devra verser 14 millions de dollars à répartir entre les personnes à qui elle avait demandé de payer des licences pendant des années. Mais plus encore, Warner accepte de ne pas s’opposer à ce qu’il soit demandé au juge de dire une bonne fois pour toute qu’Happy Birthday est dans le domaine public. Le tribunal devrait rendre sa réponse le 14 mars prochain. L’avocat qui a gagné cette affaire annonce déjà qu’il a en tête quelques autres chansons célèbres abusivement maintenues sous copyright qu’il pourrait pareillement « libérer ». On brûle de savoir lesquelles !
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Merci à tous ceux qui nous aident à réaliser cette chronique, publiée sous licence Creative Commons Zéro, notamment en nous signalant des cas de dérives sur Twitter avec le hashtag #CopyrightMadness !
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