La direction des applications militaires du Commissariat à l’Energie Atomique a l’intention de commercialiser une pochette pour téléphones mobiles permettant d’empêcher leur écoute à distance, lorsqu’ils sont éteints. Mais les portables peuvent-ils vraiment être « activés à distance » ?


(CC Anonymous9000)

Réalité, ou légende urbaine ? Un article de l’AFP relance la polémique, et la paranoïa. Selon un responsable de la sécurité de la Direction des applications militaires du Commissariat à l’Energie Atomique, cité par l’agence de presse, « les téléphones portables actuels disposent quasiment tous d’un mode d’écoute discrète activable par un code informatique que les opérateurs de téléphonie peuvent envoyer sans que le possesseur du portable s’en rende compte« . La plupart des téléphones modernes seraient ainsi écoutables à distance, sur ordre d’un juge ou plus largement par toute personne malveillante.

L’affirmation n’est pas nouvelle. On la retrouve fréquemment. Le journaliste Philippe Madelin de Rue89 s’en était fait l’écho en décembre dernier, assurant que « téléphone ouvert ou fermé, les experts peuvent accrocher votre ligne sans le moindre problème. Donc, où que vous soyez, du moment que vous portez sur vous un téléphone cellulaire, on peut récupérer non seulement les communications transmises, mais encore tout ce qui se passe autour de vous« . Flippant. Devant l’agacement des internautes, le même journal en ligne en a remis une couche quelques jours plus tard, assurant cette fois sous la plume de David Servenay que « l’écoute d’un portable en veille est possible (…) le message ( » ouvre ton micro, c’est un ordre, mais sans déclencher la sonnerie ou allumer l’écran « ) arrive à la carte SIM qui l’exécute« . La seule solution pour se prémunir serait de retirer la batterie.

Mais sauf erreur de notre part, aucun élément tangible ne permet d’affirmer que les micros des téléphones mobiles peuvent être ainsi « activés à distance« , sans manipulation préalable spécifique du mobile. Il existe bien des logiciels espion qui peuvent être installés avec une manipulation physique sur le téléphone, ou à distance en profitant de failles de sécurité de leur système d’exploitation. Mais rien de préinstallé par les fabricants.

Les deux articles de Rue89 se basent sur des témoignages d’experts « anonymes », ce qui relativise leur sérieux. Aucun élément règlementaire ou aucune source industrielle identifiée ne corrobore ces affirmations. Cnet avait aussi livré une enquête approfondie en 2006, qui montrait que des écoutes à distance dirigées par le FBI avaient été autorisées par des juges. Le bureau de la sécurité du Département américain au Commerce a lui-même prévenu les entreprises que des écoutes pouvaient être opérées à partir des microphones des téléphones mobiles. « Les téléphones Nextel et Samsung, et le Motorola Razr sont particulièrement vulnérables aux téléchargements de logiciels qui activent leurs microphones« , expliquait l’article en citant un expert, cette fois identifié. Mais rien dans l’article de Cnet ne montrait de collaboration étroite entre les fabricants de mobiles, l’Etat et les opérateurs pour faciliter ces écoutes. Il semble s’agir plutôt de « hacks » opérés par les autorités de police, dans un cadre juridique très flou.

Quant à Alain Hurst cité par l’AFP, « de la Direction des applications militaires du CEA« , sa fonction l’auréole probablement d’un certain crédit. Mais son affirmation n’est pas pour autant dénuée d’intérêt mercantile. Le CEA a en effet déposé un brevet sur une pochette pour téléphone mobile, équipée d’un matériau d’isolation accoustique qui rend sourd le micro du téléphone mobile lorsqu’il est rangé. L’invention sera commercialisée notamment auprès des industriels qui veulent protéger leurs secrets, pour un prix d’une centaine d’euros par pochette isolante.

Alors, légende urbaine utile au commerce, ou réalité ?

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