Le 28 juillet 2004, fournisseurs d’accès à Internet et majors de l’industrie du disque parvenaient à un accord général de bonne conduite. C’était la signature de la fameuse Charte, que nous décortiquions alors dans nos colonnes. Trois mois plus tard, c’est autour du monde du cinéma de vouloir sa Charte avec les FAI.

Sans entremise du gouvernement, fournisseurs d’accès à Internet et représentants de l’industrie du cinéma se sont rencontrés hier 20 octobre afin de discuter de la très probable Charte qui verra le jour pour établir une stratégie de substitution du piratage par la diffusion légale de films sur Internet.

Autour de la table étaient entre autres présents l’Association des Fournisseurs d’Accès (AFA), et l’Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle (ALPA), tous deux d’accord pour éradiquer le piratage des films par les réseaux P2P. En tout cas officiellement. Officieusement, les intentions des FAI sont plus subtiles. « Lancer des offres à 15 Mbit/s sans service derrière, c’est donner des outils pour télécharger des films« , résume Frédéric Delacroix, délégué général de l’Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle. Mais est-ce la faute aux fournisseurs d’accès ?

Comme le souligne notre confrère Christophe Lagane sur vnunet, « en France, Moviesystem est la seule plate-forme légale capable de distribuer des films en ligne« . Plus encore qu’en musique, l’offre légale en matière de vidéo à la demande (VoD) sur Internet est quasiment absente et manque cruellement de concurrence pour dynamiser la demande. Sur le site Netcine.com de Moviesystem (aujourd’hui propriété de Canal+), il faut compter 4,90 euros pour visionner un film.

Grand responsable de cette situation, la « chronologie des média »

En France, sauf dérogation, il faut en attendre 6 mois après la sortie en salle avant de pouvoir proposer un film en vente ou en location. Puis six mois plus tard, les chaînes cryptées comme Canal+ peuvent diffuser le film, quand les chaînes en clair devront attendre au moins 2 ans. Le « pay-per-view » peut être proposé 9 mois après la sortie en salle (en réalité après l’obtention du visa d’exploitation), alors que la vidéo à la demande n’est pas reglementée. C’est en fait une décision du Conseil d’Etat de 1998 qui a apporté des éclaircissements en plaçant la VoD sur le même calendrier que la vente ou location en vidéo. Contrairement aux Etats-Unis où le calendrier est négocié librement entre les profesionnels, impossible en France de proposer un service de téléchargement vidéo sur Internet qui concurrencerait le piratage sur la disponibilité des films.

Actuellement, il est quasi systématique de trouver une copie d’un film sur les réseaux Peer-to-Peer le jour même de sa sortie. Le succès des screeners démontre l’attrait du public pour cette disponibilité immédiate, alors que la bonne santé générale des entrées cinéma tend à prouver que la diffusion d’un film sur une télévision de salon ne concurrence pas l’écran géant de la salle obscure à l’odeur de pop-corn. « Ce sera toujours plus sympa d’aller au cinéma pour voir un film que de le voir chez soi« , concèdait cet été Michel Gomez, délégué général de la société civile des auteurs réalisateurs producteurs (ARP). « Il faut revoir toute la chronologie des médias et intégrer la VoD dedans. Déjà, cela n’a aucun sens que les grandes chaînes gratuites comme TF1 ne puissent pas diffuser de films de moins de deux ans. Et le problème de la VoD renforce l’idée qu’il faut tout revoir. C’est un gros chantier et nous en discutons« , précisait t-il.

Sans aucun doute, la chronologie des média sera au centre des débats pour la Charte FAI/Cinéma.

Les FAI deviendront en effet demain un véritable média, diffuseur de contenus sur Internet, y compris de films. Ce sont les premiers intéressés par la montée de la VoD. Néanmoins, l’ARP ne veut rien précépiter. Le casse-tête est compliqué, et ceci notamment à cause de l’importance de Canal+ dans l’équilibre économique du marché : « Nous ne pouvons pas déséquilibrer l’économie de la production cinématographique. Prenons un exemple tout simple, Canal+ finance à 25 % la production cinéma en France. Si les films diffusés par Canal+ ont déjà été diffusés en VoD sur les réseaux de Wanadoo, qui voudra encore payer les 30 euros d’abonnement à Canal+ ?« .

En clair, les fournisseurs d’accès à Internet devront peut-être accepter de ne plus être que fournisseur de tuyaux pour avoir demain le droit de diffuser légalement des films attractifs. Ils devront être de véritables vecteurs culturels, ce qui impliquera, peut-être, de financer eux-même une partie de la création…

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