Moins de 45 millions d’utilisateurs mensuels, c’est le nombre d’utilisateurs d’iMessage déclarés par Apple dans l’Union européenne. Un nombre difficilement crédible, puisque le même Apple déclarait il y a quelques mois 101 millions d’utilisateurs pour l’App Store iOS et 23 millions d’utilisateurs pour l’App Store iPadOS, au moment de l’entrée en vigueur du DSA, qui régule les services numériques. À en croire la déclaration officielle d’Apple, plus de la moitié des utilisateurs de ces appareils n’auraient donc jamais ouvert l’application Messages. Difficile à croire, à moins que la méthodologie utilisée par Apple dissocie volontairement les SMS du reste, dans le but de brouiller les pistes. Il est facile d’imaginer qu’Apple considère que les gens qui utilisent iMessage malgré eux ne sont pas des utilisateurs d’iMessage, mais l’Europe va-t-elle y croire ?
En déclarant un nombre aussi faible, Apple espère sortir iMessage de la liste des « gatekeepers » européens. Il s’agit d’une liste de services à plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels, qui seront soumis à des règles strictes à partir du 6 mars 2024, dans le cadre du DMA (Digital Markets Act). La liste des gatekeepers sera publiée le 6 septembre, avec un gros point d’interrogation autour d’iMessage. L’Union européenne va-t-elle accepter de croire Apple ou ouvrir une enquête pour prouver ses vrais chiffres d’utilisation, et lui imposer le respect de sa loi en mars 2024 ?
Pourquoi Apple ne veut pas du DMA européen
Pour bien comprendre la situation, il faut bien comprendre le contexte.
- Avec le DSA d’août 2023, l’Union européenne a régulé les pratiques des grandes plateformes. Algorithmes, publicités, modération… Des règles strictes ont été mises en place, dans le but de forcer les grands services avec plus de 45 millions d’utilisateurs à plus de responsabilité.
- Avec le DMA de mars 2024, l’Union européenne veut faire pareil, mais du point de vue de la concurrence. Le DMA compte interdire les monopoles (l’App Store devra avoir des concurrents sur iPhone, par exemple), multiplier les moyens de paiement (Apple et Google devront permettre aux utilisateurs de leurs apps de régler avec PayPal, sans les taxer), faciliter les désabonnements, interdire les applications par défaut ne interdire la préinstallation de services propriétaires. La règle qui nous intéresse dans cet article concerne les applications de messagerie, qui devront devenir interopérables. Seuls les services avec plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels sont concernés.
Dans le cas d’iMessage, l’Europe a un projet assez étrange, puisqu’il ne répond pas à un problème exprimé par les utilisateurs. Le DMA compte forcer iMessage à pouvoir envoyer et recevoir des messages vers/depuis d’autres applications, comme WhatsApp, Messenger, Instagram, Telegram ou Signal. L’idée de l’UE est qu’aucun utilisateur ait à choisir une application de messagerie, puisqu’il pourra parler avec tout le monde depuis n’importe où. Pourquoi pas, mais c’est un sacré casse-tête pour les entreprises. Chaque application a son propre protocole et le changer dans l’Union européenne semble très compliqué, d’autant plus que cela pourrait nuire au chiffrement des messages.
Comment l’Europe va-t-elle mettre en place ce fonctionnement universel ? Difficile à dire. Tout iMessage doit-il fonctionner dans Messenger ? Ou la possibilité d’envoyer un SMS dans Messenger, depuis iMessage, est-elle suffisante ? Dans tous les cas, aucun de ces scénarios ne rassure les géants de la tech, qui ont tous bien compris qu’il s’agissait de la plus grande galère du DMA.
iMessage peut-il contourner le DMA ?
En déclarant moins de 45 millions d’utilisateurs mensuels en Europe, Apple devrait pouvoir retarder son application du DMA. iMessage devrait sortir de la liste des gatekeepers, ce qui le dispensera d’interopérabilité en mars 2024. En revanche, d’autres géants comme WhatsApp et Messenger devraient bien s’y conformer. Le Financial Times croit néanmoins savoir que Bruxelles pourrait décider d’inscrire iMessage sur la liste malgré la déclaration d’Apple, au risque de voir sa décision contestée par le géant californien.
En ce qui concerne l’App Store, Apple semble avoir décidé de se conformer. Une future mise à jour d’iOS devrait ouvrir les iPhone européens aux applications tierces. Un effort qu’Apple ferait à contrecœur, qu’il digèrerait sans doute mieux si iMessage n’avait pas à s’ouvrir.
Microsoft fait pareil avec Bing
Apple n’est pas le seul géant à jouer sur les chiffres pour contourner le DMA. Toujours selon le Financial Times, Microsoft affirmerait que Bing possède moins de 45 millions d’utilisateurs mensuels. Ce, alors qu’il est le moteur de recharge par défaut de Microsoft Edge, le navigateur par défaut de Windows, qui a, lui, bien plus de 45 millions d’utilisateurs. Le géant souhaiterait éviter d’être soumis aux mêmes règles que Google, pour pouvoir le concurrencer. Là encore, l’Union européenne pourrait décider d’inclure Bing dans sa liste malgré l’avis de son créateur.
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