Pour la majorité d’entre nous qui utilise un GPS – Global Positioning System — pour se guider au quotidien ou sur la route des vacances, quelle n’est pas la catastrophe quand celui-ci ne fonctionne pas ! Le GPS est aussi très utilisé dans les cadres professionnels et scientifiques, dans le secteur des transports, mais aussi en génie civil, pour les services géolocalisés, la topographie, la géodésie (qui est l’étude de la forme de la Terre)… sans oublier les applications militaires qui sont à l’origine même du système GPS.
Le GPS s’appuie physiquement sur des signaux radio à des fréquences bien particulières. Si pour une raison ou une autre, ceux-ci sont difficilement accessibles, la géolocalisation est perturbée, voire impossible. Nous allons nous intéresser ici à une raison particulière : le brouillage, qui peut-être volontaire ou involontaire et se distingue notamment du « leurre » (spoofer en anglais).
Le brouillage du GPS entraîne un « déni de service », c’est-à-dire qu’on se trouve incapable de calculer sa position. Celui-ci peut être critique car beaucoup d’applications sensibles l’utilisent : l’aviation civile, la défense, la protection civile notamment. Un brouillage volontaire peut ainsi faire partie d’une cyberattaque, notamment dans le cadre de conflits armés comme c’est le cas en Ukraine par exemple.
Pour comprendre de quoi il s’agit, commençons par expliquer le principe du GPS.
Comment fonctionne un GPS ?
On appelle communément « GPS » la fonction qui fournit des informations de « géolocalisation », qu’il faut comprendre comme la localisation physique d’un terminal au sens géographique du terme. Son but : obtenir des grandeurs mathématiques, qu’on appelle coordonnées, qui permettent de placer un objet dans un système de représentation comme une carte. En plus de la géolocalisation, le GPS permet une synchronisation précise de l’horloge du récepteur à quelques dizaines de nanosecondes du temps universel. Il est par exemple utilisé pour synchroniser les réseaux mobiles ou les transactions bancaires ou les opérations boursières. Dans ce dernier cas, on peut horodater l’instant de la vente d’un titre et donc se référer à son cours sur le marché à mieux que la seconde près.
On désigne souvent l’objet qui nous sert de GPS par l’acronyme du système, GPS. En toute rigueur, on devrait parler de « récepteur GNSS ». L’acronyme GNSS, pour Global Navigation Satellites Systems, désigne l’ensemble des systèmes permettant la géolocalisation de manière globale : le GPS américain, le Galileo européen, le GLONASS russe et le Beidou chinois. Ainsi, si vous êtes en Europe, vous devriez dire : « J’arrive dans 5 minutes, mon Galileo me dit que je suis près de chez toi ».
En pratique, les satellites envoient des signaux radio vers la Terre. Ceux-ci sont reçus grâce à une antenne intégrée au récepteur (le smartphone par exemple) puis traités de manière à permettre de calculer les coordonnées géographiques de l’antenne. Il est important de noter qu’il n’y a pas de retour du récepteur vers le satellite : la liaison est uniquement descendante. Les « GNSS » ne sont donc pas des systèmes de pistage, mais bien de calcul de la position.
Ce qui mène à une information importante pour le sujet qui nous intéresse : la perturbation du GPS concerne la réception du signal au niveau du terminal sur Terre. On peut brouiller tous les récepteurs sur Terre, le réseau de satellites continuera à envoyer ses signaux comme si de rien n’était.
Le brouillage du GPS par la perturbation des signaux GNSS
Le brouillage d’un système est une action, pas nécessairement volontaire, consistant à émettre un signal sur la bande de fréquences du système qui va s’ajouter à celui du système, et perturber son fonctionnement. De façon commune, on appelle ce signal supplémentaire un « bruit » qui s’ajoute au bruit naturel qui correspond à la somme des signaux de toutes les sources radio existantes, provenant de la Terre, du Soleil, de l’espace et même de l’activité humaine. Pour se représenter ce qu’est le bruit en question, l’analogie la plus simple est celle du langage courant.
Imaginez que vous êtes à la table d’un restaurant en pleine conversation avec une personne en face de vous. Vous comprenez et entendez ce que dit votre interlocuteur. Vous entendez les autres conversations mais vous ne les comprenez pas : c’est du bruit naturel, qui s’ajoute aux bruits ambiants comme ceux de la circulation par exemple… Une personne à une table voisine se met à parler très fort, au point que vous ne comprenez plus ce que dit la personne en face de vous. Vous avez été brouillé !
Pour le GPS, la nature des ondes change mais le principe est le même : tout ce qui est émis sur la bande de fréquences et qui ne vient pas des satellites du système agit comme un brouillage.
De plus, les signaux qui proviennent des satellites ont la particularité d’être très faibles en puissance (quelques dixièmes de femtowatt en réception). Ils sont donc très sensibles au brouillage. Un brouilleur situé à plusieurs kilomètres émettant quelques milliwatts, soit l’ordre de grandeur de la puissance d’un émetteur wifi, suffit. Pour filer la comparaison précédente, imaginez que votre interlocuteur de tout à l’heure ait une petite voix à peine audible, le moindre bruit alentour vous empêchera de le comprendre.
Des brouillages volontaires et involontaires
Un brouillage involontaire est souvent lié à un dispositif défectueux. Il peut s’agir d’un appareil de télécommunication, comme un routeur wifi ou une antenne relais, qui émet hors de sa fréquence de fonctionnement dans une bande GNSS. Cela peut concerner également des appareils électriques dont la compatibilité électromagnétique (CEM) est mauvaise parce qu’ils ont été endommagés ou qu’ils ne respectent pas les normes de fabrication ou d’utilisation prescrites, par exemple les téléphones mobiles et les fours à micro-ondes. Pour tous ces cas, on dirait dans le langage courant qu’ils sont « mal isolés ».
Le brouillage volontaire peut s’assimiler à une cyberattaque. Il peut être rencontré dans le cadre de la guerre électronique, dans le cadre d’un conflit comme en Ukraine où les brouillages mutuels sont avérés. L’objectif est alors de perturber l’organisation tactique de l’ennemi en le privant d’information sur les positions de son déploiement ou contrer ses armes guidées.
Mais on le rencontre aussi dans les applications civiles. La plus commune est un petit appareil qu’on peut brancher sur un allume-cigare de voiture qui perturbe la réception de tous les récepteurs environnants, par exemple ceux des avions. On trouve cet usage chez les employés des sociétés de transports qui désirent mettre en échec le système de traçage dont est équipé leur véhicule pour que leur employeur ne puisse pas suivre leurs déplacements.
Comment protéger son GPS du brouillage ?
Il y a peu de méthodes simples pour se protéger d’un brouillage. Les récepteurs militaires sont dotés de certaines techniques qui permettent d’augmenter la puissance nécessaire pour les brouiller.
Pour certaines applications ayant des configurations (antennes, source d’énergie disponible) le permettant, comme les véhicules ou les avions, outre des traitements spécifiques appliqués aux signaux, il existe des antennes « intelligentes » qui atténuent le signal dans la direction de réception du brouilleur, réduisant son efficacité.
Cela dit, toutes les applications, qu’elles soient militaires ou civiles, ne sont pas forcément équipées de récepteurs résistants. Les radios des soldats par exemple ont des puces GNSS classiques. Les soldats russes eux-mêmes utilisent le GPS malgré son brouillage régulier en Ukraine. On a même retrouvé des récepteurs basiques dans des cockpits d’avions de combat. Mais cela ne doit pas laisser croire que cette situation est réservée à ce pays.
Pour les récepteurs grand public ou industriels, lorsque l’on perd le signal dans des conditions de réception a priori sans problème, il n’y a souvent pas d’autres choix que de s’éloigner de la zone et de le signaler à l’ANFR, l’Agence Nationale des Fréquences.
Alexandre Vervisch Picois, Maître de Conférences, spécialiste GNSS et géolocalisation, Télécom SudParis – Institut Mines-Télécom
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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