L’affichage des articles partagés sur X (ex-Twitter) vient de changer. Comme l’ont constaté des internautes sur le réseau social, les contenus se présentent désormais sous une nouvelle forme : on ne voit plus nécessairement les liens menant vers les articles, ni même le titre de l’actualité. De fait, certains tweets n’ont qu’une image, associée parfois avec du texte qui n’éclaire pas toujours sur le sujet.
Ci-dessous, deux exemples montrant le rendu d’un article sur X. Dans le premier cas, le titre a été repris grâce à l’utilisation du bouton de partage qui existe sur les sites web. Dans le second, c’est un lien qui a été copié/collé dans le champ de saisie et un commentaire a été ajouté. Or, si la remarque n’est pas claire, un lecteur peut ne pas comprendre du tout de quoi on parle.
Problème : même dans la première capture, rien ne dit clairement que la phrase est en fait le titre d’article, puisqu’il n’est pas repris dans la capture. De plus, il n’y a aucun lien visible, raccourci ou complet. Il y en a pourtant bien un, mais il est caché dans l’image. Il faut cliquer sur le visuel pour être renvoyé sur la page du papier. Idem en cas de consultation sur mobile
En termes d’ergonomie et d’expérience, ce n’est vraiment pas le plus commode. L’affichage sur la version web inclut certes un petit indicateur en surimpression, en bas à gauche, mais en se limitant au nom de domaine « numerama.com ». Il n’affiche pas l’URL en entier. Il faut non seulement avoir l’œil, mais aussi saisir le rôle de ce petit marqueur. Côté application, nous ne l’avons pas vu.
On s’attendait à ce changement depuis un petit moment. Fin septembre, Elon Musk, le propriétaire de X, confirmait la disparition du titre lors du partage d’un lien, ou de tout résumé automatique. Seule l’image principale du sujet sera conservée. « Cela vient directement de moi. L’esthétique s’en trouvera grandement améliorée », disait alors le patron du réseau social.
L’esthétique, peut-être, la clarté, non. Bien entendu, il est possible d’ajuster cela manuellement, en forçant l’ajout de l’URL et en retapant le titre, et, si besoin, en ajoutant des précisions dans le champ de saisie. Ci-dessous, on a insisté en ajoutant une deuxième URL avec une précision (« Lien : »), mais cela demande une gymnastique que tout le monde ne fera pas.
Les motivations qui ont conduit Elon Musk à modifier l’apparence des articles qui sont partagés sur son réseau ne semblent toutefois pas uniquement liées à des considérations visuelles.
Des tensions avec les médias, et une directive sur les droits voisins qui plane
Deux autres pistes sont à considérer. La première est dans la relation conflictuelle qu’a Elon Musk avec les médias, dont les tensions ont éclaté au grand jour fin 2022.
Deux exemples : en décembre, Elon Musk avait banni de Twitter des journalistes qui le critiquent, avant de se rétracter devant la controverse. Les victimes de cette très brève exclusion travaillent pour le New York Times, le Washington Post, CNN, The Intercept ou encore Mashable. D’autres sont indépendants. Et en avril dernier, il s’en était pris plus directement au New York Times, en lui retirant son badge certifié (qu’il n’a toujours plus à date). La solution d’Elon Musk pour relayer des articles ? Simple : les écrire directement sur X, en profitant de la fonction proposée aux abonnés. La capture d’écran ci-dessous en atteste.
L’autre clé d’explication pourrait être pour des raisons économiques. Au début du mois d’août, on apprenait l’assignation en justice de X par l’AFP. L’agence de presse réclame au réseau social le versement de droits voisins, demande que rejette Elon Musk. Pour justifier cette demande de paiement, l’AFP se fonde sur une directive européenne de 2019 concernant le droit d’auteur. Et dans ce texte, il a été question des droits voisins pour les médias.
Dans les grandes lignes, la création de ce droit voisin pour les éditeurs de presse a pour but de flécher vers les médias une partie des gains des plateformes en ligne, au motif qu’elles réutilisent leur production éditoriale — et qu’elles font au passage de l’audience de cette manière. Cela concerne par exemple des sites comme Google Actualités, Facebook et Twitter, qui sont les principaux outils sur lesquels l’actualité se propage hors des médias.
Dans le cadre de cette directive, des exceptions au principe des droits voisins ont été prévues pour permettre toujours le partage d’hyperliens, sans rémunération, mais également pour les titres ou des extraits très brefs. Cependant, ce qui constitue un « court » extrait peut être discuté. Chez des éditeurs de presse, la tentation est d’avoir une vision radicale pour augmenter les gains reçus des plateformes. Et du côté de la tech, c’est l’opinion inverse.
Nonobstant des accords qui ont pu être conclus ultérieurement entre des médias et des plateformes pour régler le problème, on a pu observer une réaction de défense de certains agrégateurs pour ne pas avoir à payer. Après tout, rien ne leur interdit de plus afficher des liens « enrichis » dans leur écosystème, pour éviter de tomber sous le coup de la directive. On a vu par exemple un affichage chez Google dépourvu d’éléments potentiellement éligibles aux droits voisins, déclenchant la colère du gouvernement, alors qu’il n’y avait rien d’illicite.
Elon Musk pourrait donc aussi avoir des raisons de modifier l’affichage des liens sur X à cause de cette directive très controversée — et accusée d’avoir été influencée par le lobby de la presse, avec un traitement orienté du sujet dans les médias. On sait d’ailleurs que Google a menacé de fermer Google Actualités si l’Europe taxe les clics sur les liens hypertextes. Finalement, il n’en a rien été, à la différence du Canada, qui a voté un texte jugé plus dur encore, et qui a poussé les plateformes à bannir les liens des médias canadiens purement et simplement.
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