Restée extrêmement discrète sur ce sujet, la SACEM n’avait jusqu’à présent jamais commenté ouvertement son avis sur les poursuites judiciaires lancées contre les internautes français. Aujourd’hui c’est chose faite, et il faut s’attendre à des actions similaires de la part des auteurs, compositeurs et éditeurs, contre leur public.

La SACEM est née en 1851 et n’a cessé de gagner en puissance depuis sa création. A mesure que les technologies permettant de diffuser la musique à un large public ont évolué, la société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique a été amenée à gérer des sommes de plus en plus colossales, réparties entre ses membres. Le rapport d’activité de 2003 fait état de 708,5 millions d’euros perçus par la société de gestion, soit une augmentation de 5,4% par rapport à l’exercice précédent, lui-même croissant de 5,4%, lui-même succédant à une croissance de 6,9% en 2001. La SACEM est une société qui se porte, financièrement parlant, extrêmement bien.

Et si elle se porte si bien, c’est grâce aux auteurs et compositeurs bien sûr, mais n’est-ce pas également et surtout grâce au public ? Les revenus liés aux ventes de disques ont légèrement baissé (-2,8%), mais l’ensemble des autres indicateurs sont au vert. Les revenus tirés de la « taxe pour copie privée » sur les CD vierges et autres supports d’enregistrement ont explosés de +24,1% ; ceux liés au DVD audio de +45% ; les perceptions sur les radios ont augmenté de 4,7% ; les spectacles connaissent une augmentation spectaculaire.

Et que souhaite faire la SACEM ?

Porter plainte contre le public qui la fait vivre !

144 millions d’euros (15% des sommes prélevées), payés par le public à travers sa « consommation » de musique, ont été consacrés à la gestion interne de la société, qui permet à la SACEM d’exister.

Or dans une interview à ZDNet, Catherine Kerr-Vignale (membre du directoire de la SACEM) indique « [préparer] des dossiers contre les internautes qui sont de gros ‘uploaders’, c’est-à-dire qui mettent un nombre important de fichiers musicaux à disposition« . La SACEM compte imiter les producteurs des SCPP et SNEP et ainsi engager des plaintes civiles et pénales contre des internautes utilisateurs de logiciels de P2P… contre le public qui la fait vivre.

Contre le public qui fait vivre les artistes dont elle est censée défendre les intérêts.

Les auteurs contre leur public, voilà donc le message envoyé par la SACEM, qui n’a pas la sagesse de chercher des voies compromissoires à travers l’évolution d’un droit d’auteur bicentenaire, totalement inadapté aux réalités de notre monde moderne.

… au lieu de s’attaquer à la rapacité des industries qui la contrôle

OD2 et iTunes Music Store sont les deux seules plateformes a avoir signé le protocole d’accord sur les droits d’auteurs avec la SACEM. FnacMusic, VirginMega et Sony Connect n’ont toujours pas payé le moindre centime aux auteurs, mais en discutent, tandis que l’Universal Music de Pascal Nègre refuse totalement de passer par la même caisse que ses collègues pour son service e-Compil. « Universal veut que ce soit lui, en tant que producteur, et non sa plate-forme, qui nous règle directement les droits d’auteur, sur la base d’un prix de gros virtuel« , indique Kerr-Vignale qui souhaite « percevoir les droits d’auteur sur le prix payé par le consommateur ainsi que sur les éventuelles recettes publicitaires dégagées par la plate-forme« .

8% du prix hors taxe payé par l’internaute doit normalement aller à la SACEM, ce qui représente environ 7 centimes avec le tarif de 0,99€ TTC généralement pratiqué par les plateformes.

Le conflit vient du fait que les plateformes ont des accords avec les majors, qui elles mêmes contractuellement reversent un petit pourcentage aux auteurs des chansons. Et ces plateformes ne veulent pas « payer deux fois », comme si une seule fois était déjà de trop.

Que dit la SACEM, censée, rappelons-le, défendre les intérêts des auteurs ?

« Il leur faudra donc revoir les contrats passés avec les producteurs, si les droits des auteurs-compositeurs étaient déjà compris dedans« .

C’est tellement plus simple de s’attaquer aux internautes qui apprécient la musique plutôt qu’aux majors qui exploitent ceux qui la font.

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