Napster, Kazaa, eMule, BitTorrent : les noms passent, mais les mots reviennent souvent dans la bouche des majors pour expliquer leurs pertes « considérables » de revenus. La baisse des ventes de CD et particulièrement des singles est réelle, mais est-elle la conséquence des seuls réseaux peer-to-peer ?
Avant même toute recherche approfondie, on peut déjà trouver de nombreuses autres raisons. Que penser de la diversité musicale qui nous est offerte ? Au rayon des 2 titres, ce sont en bonne majorité les éternelles résucées de vieux succés repris avec plus ou moins de bonheur ou des nouveaux artistes atones enrobés de guimauve adoucie pour plaire au plus grand nombre et accrocher le sacro-saint top 5 des ventes.
Le prix des CD élevé dans un contexte économique pas franchement favorable peut être une autre explication. Quand on compte l’argent disponible en fin de mois, on peut comprendre que la priorité ne soit pas à l’achat de disques à plus de 20 euros la pièce.
Selon Mitch Bainwol, directeur de la RIAA qui défend les intérêts des maisons de disques outre-atlantique, « la question ne se pose même pas de savoir si le partage de fichiers a un impact important sur les ventes« . Selon lui, le produit téléchargé gratuitement se substitue systématiquement au produit légal et en empêche l’achat. Stan Liebowitz, économiste à l’université de Dallas (Texas) a fait la synthèse de ces recherches et à première vue, son discours n’est pas extrêmement original : « le piratage nuit à l’industrie du disque« . Cependant, il ne nous dit pas dans quelle mesure !
Un raisonnement trop simpliste ?
Certaines études tendent au contraire à prouver que c’est un raisonnement trop rapide et simpliste que de dire que chaque téléchargement illégal représente une vente en moins.
Joel Waldfogel et Rafael Rob, deux professeurs de l’Université de Pennsylvanie, ont mesuré les achats de musique des étudiants de leur campus et de deux autres écoles selon s’ils téléchargeaient ou pas de la musique sur les réseaux P2P. Dans une de leurs récentes publications, les étudiants qui ne téléchargeaient rien faisaient passer 126$ dans leurs achats de musique alors que les « pirates » ne dépensaient que 101$. Même si cette étude n’est pas totalement représentative, il apparait que sur la population étudiée, 10 téléchargements faisaient perdre 1 ou 2 achats.
Pourquoi donc ce résultat ? Tout simplement parce que tous les morceaux téléchargés ne seraient pas achetés si c’était le seul moyen de les obtenir. Pour aller plus loin, il a été demandé aux étudiants de donner une valeur aux CD qu’ils avaient téléchargés : la moyenne de 8,8$ est révélatrice car bien en-dessous du prix où sont vendus les disques. Achéteriez-vous un objet si vous estimiez qu’il ne vaut que moins de la moitié de son prix ?
Felix Oberholzer-Gee, professeur à Harvard, a examiné le cas des morceaux les plus vendus. Et curieusement, l’album d’Eminem « 8 mile » était certes le plus populaire sur les réseaux d’échange, mais également le plus vendu. Il apparait que les téléchargements sont autant le moyen de mesurer la popularité d’un artiste qu’une barrière à l’achat de ses œuvres.
Ces analyses ne sont pas parfaites : pas forcément représentatives, pas toujours objectives, elles ont le mérite de poser les bonnes questions. Le mot de la fin ira à Felix Oberholzer-Gee selon qui « la hausse des ventes n’est pas incompatible avec la croissance des réseaux d’échanges de fichiers« , autre façon de dire que les découvertes faites sur Internet peuvent aboutir à des achats et que les vrais amateurs de musique récompensent toujours leurs artistes préférés.
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