Soumise à un intense bombardement aérien de l’armée israélienne, la bande de Gaza subit par ailleurs des coupures d’accès à Internet depuis le 7 octobre. Des interruptions de service qui se sont aggravées à la fin du mois, avec un effondrement de la connectivité, avant de revenir en partie, selon les dernières mesures observées sur le réseau.
C’est dans ce contexte qu’a émergé sur le net une campagne appelant Starlink à fournir des antennes pour ce petit territoire de 40 km de long sur 10 de large. Un mot-clé sur X (ex-Twitter), #StarlinkForGaza, a ainsi circulé sur le réseau social, devenant même une tendance avec des millions de mentions. Le hashtag reste encore largement utilisé aujourd’hui.
Elon Musk évoque un accès à Internet humanitaire à Gaza avec Starlink
C’est à cette perspective qu’a réagi Elon Musk, le fondateur et propriétaire de SpaceX, la maison mère de Starlink, sans toutefois trop s’avancer. « Starlink assurera la connectivité avec les organisations d’aide internationalement reconnues à Gaza », a-t-il écrit le 28 octobre. Cela pourrait être, par exemple, la Croix-Rouge, ou bien le Croissant-Rouge.
L’intéressé a cependant temporisé, suggérant qu’il ne fallait pas trop en attendre. « On ne sait pas exactement qui est responsable des liaisons terrestres à Gaza, a-t-il ajouté le même jour, mais nous savons qu’aucun terminal n’a demandé de connexion dans cette zone. Aucun terminal de Gaza n’a tenté de communiquer avec notre constellation. »
En outre, Elon Musk a suggéré de manière allusive que si une liaison Internet était en place, elle serait contrôlée de manière très stricte. Une façon de dire qu’il est hors de question que cet accès tombe entre les mains du Hamas, l’organisation qui a déclenché l’une des plus lourdes représailles de Tsahal, après son incursion armée en Israël, qui a abouti au meurtre de centaines de civils.
En cas de liaison, « nous prendrons des mesures extraordinaires pour confirmer qu’il est utilisé uniquement pour des raisons purement humanitaires. En outre, nous effectuerons un contrôle de sécurité auprès des gouvernements américain et israélien avant de mettre en service ne serait-ce qu’un seul terminal », a-t-il averti. La nature de ces actions n’a pas été précisée.
Sur ce terrain, Starlink ne fera rien sans l’aval de Washington et de Tel-Aviv. Le sujet est politiquement très sensible depuis l’attaque meurtrière du Hamas. D’un point de vue militaire, Tsahal s’emploie à entraver les capacités adverses et cela peut passer, pour des raisons opérationnelles, par un affaiblissement de la connectivité à Gaza, de façon à rendre au moins en partie le Hamas aveugle et muet.
Cet appel à redonner à la population gazaouie la possibilité de communiquer avec l’extérieur est motivée par des raisons humanitaires, mais également par des enjeux médiatiques, afin de montrer au monde ce qui se passe sur place. Une demande qui est symbolisée par l’intervention de la parlementaire américaine Alexandria Ocasio-Cortez, le 28 octobre.
« Couper toute communication à une population de 2,2 millions d’habitants est inacceptable. Les journalistes, les secours, les efforts humanitaires et les innocents sont tous en danger. J’ignore comment un tel acte peut être défendu. Les États-Unis ont historiquement dénoncé cette pratique », a-t-elle écrit sur le site d’Elon Musk
Le site NetBlocks a documenté plusieurs dégradations de l’accès à Internet tout au long du mois d’octobre. « Les données de réseau en temps réel montrent que NetStream, l’un des derniers opérateurs à Gaza, s’est effondré quelques jours après qu’il a informé ses abonnés que le service serait interrompu en raison d’une grave pénurie de carburant », écrivait-il le 27.
Le même jour, l’organisation, née en 2017 et spécialisée dans le suivi de l’accès à Internet dans le monde, relevait un « effondrement de la connectivité dans la bande de Gaza, avec un impact important pour Paltel ; il est le dernier grand opérateur à fournir un service alors que la connectivité diminue dans le cadre des combats en cours avec Israël. »
Des satellites, des stations terrestres et des antennes
C’est là que Starlink pourrait entrer en scène, aux yeux d’une partie de l’opinion publique. L’entreprise américaine est aussi un fournisseur d’accès à Internet, mais avec une particularité : ses communications passent par l’espace, via une vaste constellation de satellites positionnés en orbite terrestre basse. Il suffit « juste » d’avoir une antenne au sol pour établir une liaison.
En somme, il s’agirait de faire exactement comme avec l’Ukraine : lorsque la Russie a attaqué militairement son voisin, Elon Musk a ouvert son service de satellitaire à Kiev. Il a ensuite autorisé l’acheminement de nombreux kits de connexion sur place, pour aider la population comme les militaires à s’en servir. Cela, avec toutes les limites et les risques que cela peut entraîner.
Aujourd’hui, Starlink n’est pas actif au Proche-Orient d’après la carte officielle du service. Il est censé être déployé en 2024 pour Israël. En revanche, aucune perspective n’est annoncée pour les territoires palestiniens, que ce soit la bande de Gaza ou la Cisjordanie. Dans la région, l’Égypte et la Jordanie devraient aussi y avoir droit en 2024, mais pas le Liban et encore moins la Syrie.
Techniquement, Starlink ne peut pas fonctionner que par l’espace. Il a quand même besoin de certaines stations au sol pour communiquer avec les satellites. Il y en a en France et ailleurs en Europe. Il n’est toutefois pas nécessaire d’en avoir dans chaque pays desservi. Aucune station n’existe au Luxembourg, mais le pays est bien couvert, par exemple.
C’est ce qui explique pourquoi la connectivité en Ukraine est possible, même s’il n’y a pas d’installation fixe particulière dans le pays. Il existe toutefois des pays non loin qui en ont — c’est le cas de la Pologne, de la Turquie et de la Lituanie. Dans le cas de la bande de Gaza, par exemple, cette question des stations terrestres pourrait être résolue potentiellement via la Turquie.
Si la problématique de la connectivité peut être enjambée grâce à des pays voisins, il reste un autre challenge : celui d’acheminer le matériel, d’une part, et que Starlink ouvre son réseau, d’autre part. Or, le fait que l’armée israélienne applique un blocus strict de Gaza depuis le 7 octobre. Même le fret humanitaire a toutes les peines du monde à entrer dans la zone.
Il paraît improbable que Tel-Aviv laisse acheminer ce matériel sans protester ni sans s’y opposer, alors que le pays a entravé ou interrompu la livraison de l’eau potable, de l’électricité, du gaz, du carburant et des vivres. Cela, d’autant que Tsahal poursuit toujours ses opérations militaires, notamment à travers une intervention terrestre dans le nord de Gaza, avec des blindés et des troupes.
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