Le 2 novembre 2022, le média CoinDesk spécialisé dans les crypto-monnaies publiait un article qui allait changer la face de l’industrie tout entière. L’article montrait, pour la première fois, que les finances d’Alameda Research, un fonds d’investissement crée par Sam Bankman-Fried et entreprise sœur de la plateforme d’échanges FTX, n’étaient pas aussi stables qu’elles en avaient l’air.
Le 2 novembre 2023, Sam Bankman-Fried a été reconnu coupable par un jury new-yorkais de 7 chefs d’accusation, dont fraude, association de malfaiteurs et blanchiment d’argent. En un an, Sam Bankman-Fried, surnommé SBF, est passé d’un statut de jeune prodige et de sauveur des cryptos à celui d’un criminel, coupable de l’une des plus vastes arnaques financières de ces dernières années. Le 28 mars 2024, il a été condamné à 25 ans de prison, ternissant à jamais le portrait de génie incompris qu’il avait tenté de se construire. Retour sur cette année marquante, et sur la chute hors norme de FTX et de son fondateur, Sam Bankman-Fried.
Le début des ennuis
2 novembre 2022
L’article de CoinDesk crée un séisme dans l’industrie crypto. Alameda Research et FTX étaient jusque-là considérés comme des entreprises fiables et sécurisées. L’article de CoinDesk met au jour le fait qu’une importante part des fonds d’Alameda était en fait composée de FTT, une monnaie numérique créée et diffusée par FTX. Cette découverte jette le doute sur la véritable valorisation de cet actif, et donc, sur tous les financements des deux entreprises.
Pendant les jours qui suivent, la situation dégénère. Le 6 novembre, Binance, la plus grande plateforme d’échange de crypto-monnaies au monde et la plus grande rivale de FTX, annonce qu’elle compte vendre tous les FTT en sa possession. Le cours de la crypto-monnaie s’effondre un peu plus, et l’annonce de Binance pousse beaucoup de clients de FTX à retirer leur argent de la plateforme : les demandes de retrait atteignent l’équivalent de 6 milliards de dollars en 3 jours.
Afin de calmer la situation, Sam Bankman-Fried publie sur Twitter un message, resté dans l’esprit de nombreux observateurs, dans lequel il explique qu’un rival essaie de s’en prendre à FTX avec de fausses rumeurs. « FTX is fine, assets are fine » : FTX va bien, les fonds vont bien.
8 novembre 2022
Binance, après avoir enfoncé FTX, se positionne en potentiel sauveur. Changpeng Zhao (ou CZ), le patron de la plateforme, explique avoir fait une offre de rachat de FTX — cette dernière aurait « appelé à l’aide » sa rivale. Pendant un bref moment, la situation semble pouvoir être sous contrôle.
Le 9 novembre 2022, ces illusions s’envolent : Binance annonce dans un tweet se rétracter. « À la suite de contrôles préalables, ainsi que des informations à propos de la mauvaise gestion des fonds des clients et des enquêtes d’agences américaines, nous avons décidé de ne pas donner suite à l’acquisition potentielle de FTX. » Sam Bankman-Fried supprime le tweet dans lequel il disait que FTX allait bien.
11 novembre 2022
Neuf jours après la publication de l’article et autant de jours de souffrance, FTX dépose le bilan. SBF démissionne en tant que PDG. La nouvelle est une déflagration dans le monde des crypto, déjà secoué quelques mois auparavant par une autre faillite spectaculaire, celle de Terra. Tout le secteur est touché par la chute de FTX : le prix du bitcoin baisse à son niveau le plus faible en deux ans, des milliers de clients ont leur fond gelé, et de nombreuses entreprises, à qui FTX devait de l’argent, se retrouvent en difficulté.
À ce moment-là, tout le monde pense encore que FTX a « seulement » été victime d’un bank run, d’un nombre trop grand de retraits de la part des clients. Les choses vont bientôt changer.
Dès le lendemain de la faillite, le 12 novembre 2022, SBF est interrogé par la police des Bahamas, où FTX est légalement établi. Le 17 novembre, John J. Ray, qui a pris la tête de FTX pour gérer le dépôt de bilan, déclare qu’il n’a jamais vu dans sa carrière « un échec aussi complet des contrôles d’entreprise et une absence aussi totale d’informations financières fiables ».
SBF est convoqué en décembre 2022 par le gendarme financier américain afin de s’expliquer sur la situation.
12 décembre 2022
SBF est arrêté aux Bahamas le 12 décembre 2022 par la police bahamienne, la veille de son audition devant le Congrès américain. Il est extradé aux États-Unis, où il a été inculpé par un tribunal new-yorkais pour « fraude électronique, complot de fraude électronique, fraude en matière de valeurs mobilières, complot de fraude en matière de valeurs mobilières et blanchiment d’argent ». Le mythe que SBF s’était construit, celui d’un jeune prodige de la crypto qui avait « simplement » fait quelques erreurs de gestion avec FTX, commence à s’effriter.
L’enquête et le procès
Janvier 2023
Une fois extradé aux États-Unis, il est autorisé à rester en liberté, dans la maison de ses parents en Californie, moyennant une caution de 250 millions de dollars. Il a également interdiction de rentrer en contact avec ses anciens associés de FTX sans ses avocats. Le 3 janvier, il plaide non coupable de tous les chefs d’accusation.
La plainte contre Sam Bankman-Fried, et l’enquête qui s’ensuit, révèlent une tout autre personnalité que celle que l’entrepreneur avait cultivée durant les dernières années. Il est révélé qu’il y avait beaucoup plus de problèmes avec FTX : il n’est plus question que d’une mauvaise gestion des fonds, mais bien du vol de l’argent des utilisateurs.
Août 2023
SBF se fait encore remarquer pour sa personnalité. Alors qu’il a été assigné à résidence chez ses parents, avec interdiction de se connecter à certains sites internet et de jouer à League of Legends, il transparait vite qu’il ne respecte pas du tout les conditions de sa remise en liberté. Il aurait ainsi utilisé un VPN pour regarder un match de foot, et aurait, selon The Verge, transmis au New York Times des pages du journal intime de son ancienne compagne, Caroline Ellison.
Cette dernière, qui est l’ancienne directrice générale d’Alameda Research, a plaidé coupable et accepté de coopérer avec la justice lors de l’enquête en amont du procès, et elle doit témoigner contre SBF lors du procès. Sam Bankman-Fried est renvoyé en prison en août.
Octobre 2023
Le procès s’ouvre le 3 octobre 2023, dans un tribunal de New York. SBF est seul à la barre des accusés : les autres anciens dirigeants de FTX et d’Alameda Research ont tous plaidé coupable et accepté de coopérer à l’enquête. Les preuves qu’ils présentent contre l’ancien PDG de la plateforme d’échange sont absolument accablantes.
Non seulement SBF aurait été au courant des problèmes de liquidité de FTX et d’Alameda, mais il aurait en plus activement participé à essayer de maquiller les comptes pour rassurer investisseurs et clients. Il aurait également directement demandé à Gary Wang, ancien directeur de la technologie de FTX, de coder une « porte dérobée ». Ce bout de code permettait à Alameda de piocher dans les fonds des clients de la plateforme d’échange afin de rester à flot. Au moment de la chute de FTX, Alameda devait 8 milliards de dollars à la plateforme.
Au moment de se défendre, l’ancien dirigeant s’est encore plus enfoncé. Incapables de répondre aux preuves apportées contre lui, SBF et ses avocats ont tenté de se raccrocher à son image de prodige, ayant commis des erreurs dans un marché à haut risque. Mais, en répondant à côté des questions des avocats, en disant qu’il ne se « souvenait pas », ou encore en se contredisant, SBF a creusé sa propre tombe.
2 novembre 2023
Au bout de 4 semaines de procès, et de 4 heures de délibération de la part du jury, SBF a été reconnu coupable de tous les chefs d’accusation portés contre lui. Exactement un an, jour pour jour, après la publication de l’article de CoinDesk et le début de la chute de FTX, l’ancien dirigeant encourt jusqu’à 110 ans de prison.
Mars 2024
Le verdict final est connu le 28 mars 2024 : Sam Bankman-Fried écope de 25 ans de prison. Une punition relativement clémente : si ses avocats demandaient 6 ans, estimant que les victimes pourraient certainement se faire rembourser l’intégralité de leurs pertes, le procureur de New York demandait une peine entre 50 et 60 ans. SBF encourrait au maximum un total de 110 ans de prison. « La punition doit être adaptée à la gravité du crime », a expliqué le juge qui a rendu la sentence, « et il s’agit d’un crime très grave ».
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