C’était en 2018. Orange comme SFR déclaraient prendre des engagements particuliers en matière de déploiement de la fibre optique dans des zones moins denses que les grands centres urbains. Des obligations fortes, mais également opposables juridiquement. Si l’un ou l’autre opérateur échouait à tenir son plan, il acceptait la perspective d’une sanction.
Plus de cinq ans ont passé et c’est bien le scénario du châtiment qui vient de se jouer. En effet, le régulateur des télécoms annonce dans un communiqué du 8 novembre 2023 que l’opérateur historique écope d’une sanction financière de 26 millions d’euros. La raison ? La toute première échéance rattachée à cet engagement n’a pas été respectée.
Ce jalon initial avait été fixé au 31 décembre 2020. À cette date, développe l’autorité, Orange aurait dû rendre la totalité des logements et locaux à usage professionnel « raccordables ou raccordables sur demande à la fibre optique ». Cela, modulo certaines spécificités propres aux actions prises par l’opérateur (concernant la part des demandes et d’éventuels refus).
Une échéance reportée en raison du covid
AMII
Les zones AMII correspondent au périmètre des zones d’initiative privée. Il s’agissait de connaître les intentions d’investissement des opérateurs privés, en dehors des zones très denses. Elles ont été définies en 2011 lors de l’appel à manifestation d’intérêt d’investissement (AMII).
Mais cela n’a pas été le cas : l’Arcep a acté « le non-respect de la première échéance de ses engagements de déploiement en fibre optique en zone AMII ». Un loupé qui s’est produit malgré un report de l’échéance au 14 avril 2021, pour tenir compte de la crise sanitaire qui s’était déclenchée dans le monde avec la pandémie de covid-19 et les obligations de confinement.
La situation a pris par la suite une tournure plus procédurale, avec la saisine du régulateur par Cédric O, alors secrétaire d’État en charge du Numérique et des Communications électroniques. Une instruction a suivi. Le 17 mars 2022, une mise en demeure est tombée contre Orange, lui intimant de respecter urgemment cette échéance d’ici au 30 septembre 2022.
Cette mise en demeure avait fait l’objet d’une tentative de recours devant le Conseil d’Etat, la plus haute juridiction administrative en France. C’était le 24 mai 2022. Une tentative qui a échoué, l’instance validant au contraire le 21 avril 2023 la décision de l’Arcep. Trois mois plus tard, le 6 juillet, l’Arcep, constatant l’échec d’Orange dans les zones AMII, poursuivait sa procédure.
La sanction adressée à Orange, en apparence très élevée, n’est pas de nature à faire vaciller le FAI. Au troisième trimestre 2023, le chiffre d’affaires en France atteignait 934 millions d’euros uniquement pour le fixe (au global, le chiffre d’affaires est de 4,43 milliards d’euros). L’amende n’équivaut donc qu’à 2,7 % du CA d’Orange France, juste pour le fixe et juste sur la période.
L’opérateur va toutefois la contester devant le Conseil d’État, la qualifiant de « totalement disproportionnée ». Enfonçant le coup, le fournisseur d’accès à Internet laisse entendre que tout cela est un gâchis d’argent — en creux, il ne servira pas à fibrer le pays. Il faudra vraisemblablement attendre 2024 pour connaître l’épilogue de ce dossier.
De nouveaux engagements d’Orange
Hasard du calendrier, Orange a communiqué le 7 novembre sur une « nouvelle dynamique dans la généralisation de la fibre optique à horizon 2025 ». Concernant les zones AMII, le groupe déclare « renforcer son rythme de déploiement et s’engager à rendre raccordables 1,12 million de logements supplémentaires à fin 2025. »
Selon l’observatoire du haut et du très haut débit fixe, établi par l’Arcep, il y avait au 30 juin 2023, 36,2 millions de locaux raccordables à la fibre optique, sur les 43,8 millions de locaux recensés. Le régulateur confirmait là encore une chute du rythme de déploiement dans les zones moins denses d’initiative privée, déjà observée au cours des précédents semestres.
En théorie, la France est censée être intégralement branchée en fibre optique d’ici à 2025, dans le cadre du plan France Très Haut Débit, né dix ans plus tôt. À mesure que l’échéance se rapproche et en raison d’un déploiement fluctuant, le planning apparaît de plus en plus complexe à respecter. Orange, pourtant, a aussi pour projet de « débrancher » son réseau historique, mais d’ici à 2030.
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