« La plus grande révolution informatique depuis que nous sommes passés de la saisie de commandes au tapotement d’icônes ». Voilà comment Bill Gates perçoit l’impact des « agents », ces programmes informatiques qui vont bientôt émerger avec des capacités insoupçonnées, grâce au développement rapide de l’intelligence artificielle (IA).
Le fondateur de Microsoft consacre à ces fameux agents sa dernière note de blog, mise en ligne le 9 novembre sur son site personnel. Et, à lire celui qui a dirigé le géant des logiciels pendant 25 ans, tout va être bouleversé à un horizon proche. D’ici à cinq ans, le niveau des agents aura à ce point progressé, selon Bill Gates, qu’il sera tout simplement impossible de s’en passer, et de les ignorer.
Mais c’est quoi, précisément, un agent ? Une description faite par l’intéressé les présente comme un logiciel — on les appelle d’ailleurs agents logiciels — qui réagit au langage naturel et peut accomplir diverses tâches, selon ce qu’il connaît de son utilisateur. Par exemple, ChatGPT est un agent de type conversationnel (ou chatbot).
Les agents, jusqu’à présent, sont limités à la fois dans la variété des domaines sur lesquels ils peuvent intervenir, mais aussi dans la profondeur des réponses qu’ils peuvent donner dans le secteur pour lequel ils ont été pensés. Mais la prochaine génération qui va émerger avec l’appui de l’IA va faire sauter ces limitations, en les faisant sortir de leur espace d’action étriqué.
Ils deviendront alors de véritables agents personnels. « Vous n’aurez plus besoin d’utiliser différentes applications pour différentes tâches. Il vous suffira de dire à votre appareil, en langage courant, ce que vous voulez faire. En fonction de la quantité d’informations que vous choisirez de partager avec lui, le logiciel sera en mesure de répondre de manière personnalisée », anticipe Bill Gates.
Selon Bill Gates, ces futurs agents auront une influence particulièrement importante dans cinq domaines : l’éducation, la productivité, les loisirs, le shopping et la santé. Un agent pourra accomplir des tâches sur plusieurs applications et s’améliorer au fur et à mesure de son utilisation. Ils pourront analyser des situations et faire des suggestions avant que l’internaute y songe.
Un exemple est donné par Bill Gates : dans le cas d’un projet de voyage, l’agent pourra tenir compte de votre budget pour repérer les hôtels adéquats. Il pourra se fonder sur votre historique pour deviner vos dates de vacances préférées. Il pourra vous fournir des suggestions de destination, d’activité, de restaurants, le tout en se basant sur ce qu’il sait de vous.
Un agent qu’il faudra contrôler et qui devra se tenir
Plus l’agent sera alimenté, plus sa connaissance sera juste. « Autorisé à suivre vos interactions en ligne et vos déplacements dans le monde réel, il développera une connaissance approfondie des personnes, des lieux et des activités que vous pratiquez. Il connaîtra vos relations personnelles et professionnelles, vos loisirs, vos préférences et votre emploi du temps », prédit Bill Gates.
Naturellement, ce changement d’époque va soulever des problématiques autour de la vie privée. Et l’ancien patron de Microsoft ne les ignore pas. Certaines questions sont déjà posées, d’autres devront l’être. Les particuliers devront notamment garder la possibilité de choisir quand et comment l’agent peut intervenir, et de déterminer à quoi il a accès.
L’accès et l’utilisation des données par les entreprises qui construiront ces futurs agents sont d’autres enjeux, tout comme celui du partage d’informations. Bill Gates imagine par exemple une situation où votre agent répondrait à un ami pour lui dire que vous êtes indisponible pour le voir. Il ne faudrait pas que l’agent gaffe ou dise quelque chose qu’il n’était pas censé dire.
En marge de ces sujets liés à la confidentialité, il y a aussi les défis techniques eux-mêmes, pour que les agents aient une vue étendue sur tout l’écosystème logiciel. À cela s’ajoute également l’impact de ces nouveaux outils sur certains emplois. Vont-ils en remplacer certains ou bien être des assistants permettant de libérer du temps et de l’énergie pour pouvoir faire autre chose ?
Pour saisir ce futur bond en avant, Bill Gates prend l’exemple de Clippy, le petit compagnon virtuel qui existait dans la suite bureautique Office. Cet outil devait assister l’utilisateur, mais ses facultés étaient réduites. Pour Bill Gates, Clippy était davantage un robot qu’un agent. Il ne se souvenait de rien d’une utilisation à l’autre, ne s’améliorait pas et n’apprenait rien des préférences.
Clippy n’a jamais donné l’impression d’être décisif pour se servir d’Office et, surtout, pour s’en servir mieux. Clippy n’a pas servi. Mais pour Bill Gates, l’échec d’un tel outil ne dit rien de l’accueil qui sera fait aux agents. « Clippy a autant en commun avec les agents qu’un téléphone à cadran avec un appareil mobile ». L’écart technologique est maximal.
Le pouvoir aux non-développeurs
Bill Gates, qui a déjà partagé ses réflexions sur l’intelligence artificielle, tantôt pour critiquer un moratoire dans l’IA, jugé contreproductif, tantôt pour prédire la fin de Google et d’Amazon, est convaincu que tout le monde se servira de ces agents, car on pourra s’en servir pour des actions complexes et variées. Ils seront en outre personnalisés, fins et nuancés.
Cette nouvelle réflexion survient alors que le laboratoire américain OpenAI a fait la présentation, le 6 novembre, de plusieurs nouveautés. GPT-4 Turbo, un modèle plus rapide et plus cultivé, des données d’actualité beaucoup plus récentes, un service de création de son propre modèle de langage (le « moteur » d’un chatbot) et, surtout, les GPT personnalisés.
Ces agents vont pouvoir être conçus sur mesure, que l’on peut créer rien qu’en discutant avec eux et en leur fournissant des données, ou bien des documents. Le principal atout de ces chatbots customisés est d’être accessibles à tout le monde : il n’y a pas besoin de coder quoi que ce soit. Toute la conception se fait en lui disant comment se comporter et en lui donnant les infos.
Le bouleversement à venir est maximal, à lire Bill Gates. Hier, les plateformes sur lesquelles était bâtie l’informatique s’appelaient Windows, Mac, iOS ou bien Windows (pour les systèmes d’exploitation) ou bien le web pour tous les services en ligne. Demain, les applications et les services seront construits sur ces agents. Ce seront les prochaines plateformes.
Des plateformes qui auront le mérite de s’ouvrir aux non développeurs et aux non designeurs. Créer une application ou un service ne nécessitera aucune compétence technique pure, juste une vision. C’est l’agent qui écrira le code, concevra l’aspect et la convivialité de l’application, la création d’un logo, la publication sur une boutique en ligne et ainsi de suite.
« Il vous suffira de dire à votre agent ce que vous voulez », résume Bill Gates. C’est, en quelque sorte, la version ultramoderne du WYSIWYG (What you see is what you get – ce que vous voyez est ce que vous obtenez), où il suffit d’agencer des éléments visuellement. Avec l’IA, cet acronyme pourrait bien devenir ce que vous exprimerez sera ce que vous obtiendrez.
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