En cliquant sur cet article, vous avez peut-être dû accepter des conditions générales. Le pop-up que vous avez vu est une obligation légale due au RGPD européen (Règlement général sur la protection des données), un texte en application depuis 2018. Il permet aux utilisateurs de l’Union européenne d’avoir le dernier mot sur l’utilisation de leurs données, tout en empêchant les services de prendre une décision à la place de leurs utilisateurs.
Depuis 2018, les Françaises et les Français s’y sont habitués. Tous les sites proposent de refuser le suivi publicitaire… à quelques exceptions près. Pourtant utilisé par des dizaines de millions de personnes en Europe, Facebook ne s’y est jamais conformé. Pourquoi ? Parce qu’il considère que ses utilisateurs consentent au suivi publicitaire depuis leur inscription, puisqu’ils ont accepté ses conditions générales. Cette malice n’a évidemment pas plu à la cour de justice européenne, qui a demandé à Meta de respecter les règles en juillet 2023.
Après cette décision, l’Union européenne impose à Meta de permettre à ses utilisateurs de désactiver le suivi publicitaire pour pouvoir profiter de ses services sans être surveillés. Mais Meta est malin.
Payer pour désactiver le suivi publicitaire est légal… pour le moment
Comme les autres sites, Facebook et Instagram doivent désormais demander à leurs utilisateurs s’ils souhaitent être suivis, au risque de provoquer un effondrement de leurs revenus si des millions de personnes disent « non ».
Pour conserver son modèle actuel, Meta a eu une idée. Après avoir passé des années à refuser l’idée d’un abonnement payant à Facebook, l’entreprise a décidé de mettre en place un forfait à 9,99 euros par mois (ou 12,99 euros sur iOS et Android), pour désactiver le suivi publicitaire. Son objectif semble assez clair : il veut faire peur et convaincre un maximum de personnes d’accepter le suivi publicitaire, pour que son modèle économique soit épargné. Si on souhaite ajouter un deuxième compte (Facebook + Instagram par exemple), c’est 8 euros de plus, soit jusqu’à 20,99 euros par mois.
Est-ce légal ? Meta s’appuie sur une décision de justice estimant que le consentement au suivi publicitaire peut avoir comme alternative une « somme appropriée », comme le rapporte BFM Tech&Co. Tout l’enjeu ici est de savoir si la somme demandée par Meta l’est vraiment… ou si le groupe a fait exprès de dépasser le seuil des 10 euros pour faire fuir un maximum de personnes. Quoiqu’il en soit, c’est pour cette raison que Facebook et Instagram proposent des abonnements payants depuis quelques jours. Ils souhaitent que vous cliquiez sur non.
Même si vous payez, Facebook est gagnant
L’ultra majorité des utilisateurs de Facebook et Instagram devraient refuser l’option payante, ce qui devrait conforter le modèle économique actuel de Meta.
Même si l’entreprise pourrait être forcée à de nouveaux changements avec la future loi DMA (mars 2024), après avoir été obligée à renoncer au suivi des mineurs et aux flux seulement algorithmiques en 2023 avec le DSA, Meta ne devrait pas être inquiété par les autorités européennes à court terme. Pour bloquer l’abonnement payant, la justice doit pouvoir prouver que la somme demandée par Meta est disproportionnée, ce qui est de toute manière très subjectif. Meta peut toujours expliquer que l’arrivée de l’option fait diminuer le prix moyen de sa publicité, ce qui l’oblige à compenser avec un abonnement plus élevé que ce que certains espéraient. Seule une inscription dans la loi d’une obligation d’offrir une alternative gratuite pourrait changer la donne.
Chaque trimestre, Meta publie des données très intéressantes sur l’argent qu’il gagne par utilisateur. Au troisième trimestre 2023, on apprenait notamment que :
- Un utilisateur américain rapporte 56,11 dollars par trimestre, soit presque 17 dollars par mois.
- Un utilisateur européen rapporte 19,04 dollars par trimestre, soit 6 dollars par mois (environ 5,6 euros).
- Un utilisateur asiatique rapporte 5,12 dollars par trimestre, soit moins de 2 dollars par mois.
Ici, on apprend deux choses importantes. 1) À 9,99 euros, l’abonnement sans publicités de Meta lui fait gagner de l’argent. Son revenu moyen par utilisateur devrait augmenter avec cette alternative, même si peu la prendront. 2) L’Europe est un marché qui rapporte trop d’argent à Meta pour qu’il ne se batte pas pour préserver son modèle économique.
Bref, si Meta vous propose de payer pour Facebook et Instagram, ce n’est pas parce qu’il espère que vous le ferez. Et si vous décidez de le faire pour le pénaliser, ce sera aussi raté. Dans tous les cas, Meta sera gagnant.
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