Pour enterrer le format Flash au cimetière des technologies dépassées, Steve Jobs a vanté le mois dernier tous les mérites du « web ouvert« , en déclarant tout l’amour qu’Apple portait pour le standard HTML5. Avec un art certain de la fumisterie, il en profitait pour y associer dans un même élan le format vidéo H.264, comme s’il était lui-même libre et ouvert, au même niveau que les standards CSS ou Javascript soutenus par Apple.
Certes, à bien relire la lettre de Steve Jobs, jamais il ne prétend que le H.264 est un format ouvert. Mais le contexte et les formules qu’il emploie sont clairement destinés à semer la confusion. Nous avons compté. Steve Jobs répète 11 fois le mot « standards » dans sa lettre. 10 fois pour parler des formats ouverts. La répétition fait naître dans l’esprit du lecteur un sentiment de synonyme entre « standard » et « ouverture ». La seule et une unique fois où Jobs ne parle pas de standard « ouvert », c’est à propos du H.264, où il parle de « standard industriel qui est utilisé sur tous les lecteurs Blu-Ray et qui a été adopté par Apple, Google (YouTube), Vimeo, Netflix, et beaucoup d’autres sociétés« . Dans sa conclusion, alors que sa lettre a défendu longuement l’utilisation du H.264 à la place du Flash, Jobs redit que « les nouveaux standards ouverts (…) l’emporteront« , ou que « l’ère du mobile est faite d’appareils à faible consommation, d’interfaces tactiles et de standards web ouvert« .
Sauf à avoir la mauvaise foi du fanboy d’Apple le plus fondamentaliste, difficile de nier que Steve Jobs tente de noyer le poisson dans un art maîtrisé de la rhétorique. La Fondation pour le Logiciel Libre n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler les fondamentaux sur ce qu’était vraiment le web ouvert, et pourquoi le format H.264 était une menace pour le logiciel libre.
Au moins, on peut reconnaître à Microsoft une plus grande franchise. Sur son blog dédié à Internet Explorer, la firme de Redmond ne cache pas que le format H.264 est un format fermé soumis au paiement de licences pour son exploitation commerciale. Bien au contraire. Il assure que son choix de soutenir le H.264 plutôt qu’un autre format est une question de sécurité juridique, puisqu’au moins en ce qui concerne le H.264 toutes les cartes sont sur la table, les brevets étant tous gérés par MPEG-LA. Alors qu’en ce ce qui concerne par exemple le format Ogg Theora, la firme craint que des brevets cachés soient révélés une fois le standard largement utilisé, comme ça avait été le cas en son temps pour le format JPEG. L’argument est connu, et devrait militer surtout pour une réforme du droit des brevets.
Microsoft prétend d’autant moins que le H.264 est ouvert qu’il fait de Windows un avantage pour les développeurs qui souhaitent tirer partie du format. « En général, distribuer des encodeurs ou des décodeurs ou proposer de la vidéo payante sophistiquée exige une licence de MPEG-LA. Les applications tiers qui font simplement appel au code H.264 dans Windows (et qui n’incorporent pas le moindre code H.264 directement) sont couverts par la licence du H.264 de Microsoft« , écrit la firme. Et pour les développeurs sous Linux ? Microsoft n’en parle pas, évidemment.
De même, Microsoft dit que même si seul le H.264 sera supporté dans Internet Explorer 9 à travers le HTML5, il sera quand même possible de lire d’autres formats. « Les utilisateurs peuvent installer d’autres codecs à utiliser dans Windows Media Player et Windows Media Center. Pour les navigateurs web, les développeurs peuvent continuer à proposer des plug-ins pour que les pages web puissent lire des vidéos en utilisant ces codecs sous Windows. Par exemple, les pages web pourront toujours lire des fichiers VC-1 (Microsoft WMV) dans IE9« .
Microsoft se veut tout de même rassurant. Même si la gratuité du H.264 pour les utilisations non commerciales n’est garantie que jusqu’en 2016, la firme promet de militer au sein du MPEG-LA pour que les termes soient étendus au delà de la date fatidique. Il assure aussi que la décision de soutenir le H.264 n’a rien de financier, puisqu’il « reçoit de MPEG-LA moins de la moitié du montant qu’il paye pour les droits sur les brevets« . « Nous ne voyons pas ces brevets produire un flux financier important dans l’avenir« , indique Microsoft. Mais si ça suffit à désavantager Linux et d’autres plate-formes libres sur le marché, le bénéficie financier sera indirect, et bien réel.
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