Les produits de l’industrie du cinéma, de la musique et des jeux vidéos n’ont jamais été autant demandés, échangés, « consommés ». Et pourtant, malgré ce succès, l’industrie de » l’Entertainment » se définit comme en état de crise. Dès lors les mauvais résultats obtenus par les entreprises du secteur comme les » majors » de la musique appellent une réponse nouvelle, car ils ne proviennent pas d’un défaut de demande. Plus qu’une réponse, c’est une nouvelle approche de la relation entre l’entreprise et ses clients qui permettra de sortir de l’impasse actuelle.
La définition commune de l’acte de consommation ne permet plus d’appréhender les nouveaux modes d’utilisation de ces produits de divertissement. La chaîne de valeur actuelle tournée sur la transaction en un point est une vision qui n’est pas adaptée à la participation de plus en plus active des clients dans la définition de leur environnement de consommation.
Plus qu’un bon produit, les consommateurs souhaitent une bonne expérience du produit. Dès lors, le rôle de l’entreprise ne s’arrête pas à fournir un CD de bonne qualité, encore faut-il qu’il soit adapté à son environnement de consommation, comme écouter la musique sur un baladeur numérique, sur son téléphone, stocker sur son ordinateur, ou écouter un artiste sur son autoradio numérique. Tout ce qui ne répond pas à l’environnement de consommation totalement personnel de chaque client détruit tout simplement de la valeur. Dès lors l’entreprise créera une valeur maximale pour le client en créant un espace de consommation totalement en adéquation avec ses besoins propres. Et un tel espace, et donc une telle valeur, ne peut-être que co-créée, c’est-à-dire que l’interaction avec le client est nécessaire pour comprendre son besoin et y répondre.
En partant du postulat que la valeur n’est pas juste du ressort de l’entreprise seule, mais que le client également crée de la valeur pour l’entreprise, pour lui et la communauté des consommateurs, Internet et les nouvelles technologies deviennent de formidables opportunités pour l’industrie de » l’Entertainment » toute entière. La frontière entre l’entreprise et les clients, qui avant correspondait à la distinction entre ceux qui créent la valeur et ceux qui la consomment, est de plus en plus floue. Internet notamment transforme les « clients » en « entreprise » au sens propre, car les ordinateurs sur la toile peuvent aussi bien jouer le rôle de « host » que de « server » en distribuant entre autre de la musique, des films, en créant des sites de fans et en les mettant en ligne, ou en proposant aux autres consommateurs des compléments très utiles pour des logiciels ou des jeux par exemple.
En instrumentalisant entre autres la participation des clients, les réseaux de Peer to Peer, le bouche à oreille, le support fournie par les communautés de fans, ou même le piratage qui développe bien souvent les fonctionnalités d’un produit, l’industrie de « l’entertainment » devrait trouver là une opportunité de co-création de valeur, et donc de création de valeur nouvelle. Ces activités « parallèles », que l’on considère de manière dogmatique comme à la limite de la légalité, existent aujourd’hui: au lieu de les ignorer et de les considérer en dehors du système de création de valeur, pourquoi ne pas les intégrer dans un nouveau modèle économique ? Si ça vous intéresse, ce modèle est même détaillé, expliqué et illustré dans l’ouvrage » The Entertainment Industry is Cracked, Here is the Patch ! « , prix de la fondation HEC 2004. Comme quoi, même les business school les plus prestigieuses commencent à reconnaître l’intérêt économique et financier du peer-to-peer, alors pourquoi pas les Majors…
Alban Martin
Diplômé d’HEC, ancien consultant en stratégie et assistant trader à Londres, est l’auteur du livre « The Entertainment Industry is Cracked, Here is the Patch ! « , aux éditions Publibook, Lauréat du prix de la fondation HEC du meilleur mémoire de recherche élève 2004.
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