Dans le cadre de la Semaine Digitale qui aura lieu à Bordeaux du 5 au 9 avril prochain, le groupe de créatifs Pan Studio a investi les rues de la capitale d’Aquitaine avec son projet Hello Lamp Post.
Le collectif a d’abord lancé son projet à Bristol en 2013. Avec Hello Lamp Post, ils souhaitent nous faire redécouvrir la ville sous un angle nouveau, à travers son mobilier urbain. Concrètement, le projet permet aux habitants de discuter avec n’importe quel équipement, de la poubelle, aux lampadaires en passant par les horodateurs.
L’expérience
Le concept était assez surprenant pour piquer ma curiosité. Alors que j’attendais un bateau pour traverser la Garonne, j’ai donc décidé de tuer le temps en discutant avec un lampadaire proche de moi, situé sur la promenade des quais. Je me suis rapproché de ce candélabre que j’avais déjà dû croiser un nombre incalculable de fois, sans pour autant le calculer une seule fois.
J’ai abordé mon interlocuteur métallique avec un mélange de gêne et d’entrain ; la gêne de savoir que je faisais quelque chose d’assez ridicule, mais l’entrain d’être le seul à le savoir parmi la foule toujours plus grande de badauds circulant en direction du miroir d’eau.
Pour commencer ma discussion avec la ville, j’ai fait tout ce dont le site parlait. J’ai d’abord repéré la référence de l’objet ; il s’agit de celle utilisée par les équipes municipales pour effectuer l’entretien du parc d’équipement public. Puis j’ai entamé la discussion en envoyant un message au numéro de l’expérience.
« Il parle ! Le lampadaire parle ! », ai-je dit à l’amie qui m’accompagnait, assise sur un banc un peu plus loin et se demandant sûrement si l’air de la Garonne n’avait pas dégommé quelqu’unes de mes neurones. C’était comme si l’éclairage inanimé qui me rendait un service que je prenais pour acquis depuis des années était d’un seul coup doté d’une personnalité. Une personnalité cependant assez limitée et inquisitrice. Le fanal a pu dire que nous ne nous étions jamais parlé, et m’a posé quelques questions. Il voulait par exemple savoir si j’avais déjà pris des risques dans ma vie, ou si j’avais un talent particulier. Curieuse la chose, et je n’étais pas vraiment prêt à me dévoiler au tout début de notre relation.
Quel interêt ?
En faut-il un ? Intrinsèquement, la démarche est à la fois artistique et philosophique, elle nous invite à ralentir et à réfléchir sur un environnement que l’on côtoie en permanence sans forcément y faire attention. La ville devient un journal des pensées de ses habitants et de ses visiteurs, un journal public que d’autres peuvent consulter et qui permet de croiser les expériences de tous les utilisateurs. C’est aussi un jeu urbain ludique, cela distrait pendant quelques minutes, et puis on se prend à imaginer le potentiel de la chose, qui en plus de servir de mémoire collective, pourrait avoir des implications pratiques.
Le projet de Pan Studio, sans être une révolution technologique, prend sens à une époque où l’on ne cesse de parler d’objets connectés et d’internet des objets. Il permet de se faire une idée du potentiel de connexion qu’ont les objets dans la ville ; ils peuvent mettre en relation les citoyens entre eux, mais aussi les citoyens avec les services, et ainsi partager des informations ou des anecdotes. C’est l’idée, finalement, que les habitants ont un rôle au moins aussi importants que les entreprises et les institutions dans la définition de la cité. Cette démarche n’est pas sans nous rappeler le concept du crowdsourcing qui mobilise l’intelligence collective.
À l’heure des bots, on imagine facilement pouvoir demander à un arrêt de bus quand passe le prochain véhicule, ou encore à une poubelle de prévenir les équipes d’entretien qu’elle est pleine. Le procédé peut se transposer à l’infini : parler avec un bâtiment historique pour obtenir des informations touristiques, laisser un message à un inconnu rencontré dans un train grâce au numéro de la rame. Les scénarios ne manquent pas.
Mettre de l’intelligence dans les objets, rendre le mobilier intelligent, c’est l’ambition de la ville connectée — ou de la smart city comme on dit dans le jargon. Et grâce à la rencontre entre le bot et l’intelligence participative, le projet de Pan Studio s’insère parfaitement dans une logique d’outils collaboratifs au service de la collectivité.
Hello Lamp Post n’est pas le premier projet à s’appuyer sur l’intelligence collective, on pense par exemple à la ville de Melbourne qui attribué une adresse email aux 70 000 arbres référencés par la municipalité. Certains habitants se sont vite pris au jeu et ont envoyé des emails de remerciements aux végétaux dont l’ombre est toujours providentielle sous le soleil australien. Pour un coût pratiquement nul, connecter ces arbres a permis aux citoyens, au-delà de l’expérience qui tient de la poésie électronique, de signaler aux agents de la mairie les problèmes liés à la végétation, comme une branche qui serait sur le point de tomber.
J’ai par la suite réessayé de communiquer avec les objets de Bordeaux, mais il semblerait que ma petite expérience soit tombée pile au moment où les équipes du projet devaient tester sa mise en place, puisqu’il m’a été impossible de la recommencer. Les coïncidences, parfois. Mais il sera possible de se prêter au jeu à nouveau à partir du lundi 4 avril, soit la veille de la Semaine Digitale.
L’événement est ponctué de conférences sur des sujets numériques, d’expositions, de performances et d’installations artistiques. C’est aussi l’occasion pour des entreprises françaises et internationales d’aller à la rencontre du public et de montrer leurs projets innovants.
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