Le premier de la cinquantaine de procès annoncés suites aux plaintes déposées par le SNEP et la SCPP avait lieu hier mercredi à Pontoise, dans la région parisienne. Alexis, un enseignant de 28 ans, comparaissait devant le tribunal correctionnel pour avoir partagé sur Internet l’équivalent de 614 albums en MP3. Selon l’article L.335-4 du code de la propriété intellectuelle, mettre des chansons protégées par le droit d’auteur sans autorisation des producteurs est un délit passible de 3 ans d’emprisonnement et de 300.000 amende. Finalement le procureur n’aura requis que 1500 euros, et la publication du jugement dans deux quotidiens nationaux.
Mais il ne s’agit là que du volet pénal, c’est-à-dire de la peine que l’Etat considère appropriée pour protéger la société des dangers du piratage. Le volet civil, qui était également étudié mercredi, promet d’être beaucoup plus sévère. « A côté des 1.500 euros d’amende requis par le procureur, plusieurs sociétés de défense des ayants droit, dont la Sacem, ont en effet réclamé 28.366 euros au titre des dommages-intérêts« , rapporte Libération. Contrairement à ce qui existe aux Etats-Unis, les dommages-intérêts en France n’ont pas de vocation punitive et doivent réparer le préjudice exact subi par les parties. Les ayants-droits ont donc visiblement considéré qu’Alexis a causé un manque à gagner de 46 euros par album.
Problème mathématique
A 20 euros l’album dans le commerce, Alexis aurait donc empêché la vente de plus deux CD pour chaque album qu’il partageait au format MP3. Dans une étude publiée en mars 2004, Felix Oberholzer et Koleman Strumpf découvraient que « même dans les scénarios les plus pessimistes, cinq mille téléchargements sont nécessaires pour nécessaires pour altérer les ventes d’un seul album« . Les deux professeurs américains en arrivaient ainsi à la conclusion que « les téléchargements ont un effet sur les ventes qui est statistiquement indissociable du zéro, malgré des estimations plutôt précises« . Or si les téléchargements n’ont quasiment aucun impact sur les ventes, la mise en partage qui permet ces mêmes téléchargements non plus. A combien doit-on donc estimer le préjudice des ayants droit ? C’est la très difficile question à laquelle devra répondre le tribunal dans son jugement attendu le 2 février prochain.
Pour Hervé Rony, directeur du SNEP, l’enjeu est toutefois bien différent. « Il faut porter une parole forte de respect des métiers de la création et gagner le pari des plateformes musicales légales« , a t-il déclaré mardi soir. Ce premier procès, qui sera suivi d’une cinquantaine d’autres, vise avant tout à détourner les internautes des réseaux P2P pour les entraîner vers les solutions légales qui, à grand renfort de DRM, permettent aux majors de continuer à contrôler l’ensemble de la chaîne musicale. De la signature des artistes jusqu’à leur distribution, en allant même désormais jusqu’au contrôle de l’utilisation des œuvres par les consommateurs, la concentration des pouvoirs dans les seules mains des majors est le premier enjeu de ces procès.
De son côté, l’association des audionautes (ADA), qui compte plus de 2000 membres, demande aux députés « l’ouverture d’une enquête parlementaire sur le peer-to-peer, où chacune des parties aurait la possibilité de s’exprimer« , ainsi qu’un moratatoire sur les poursuites engagées contre le public.
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