13 propositions, dont une bonne moitié générée à l’aide d’une intelligence artificielle. Voilà le travail inédit de l’artiste français Paul Rousteau, gagnant du concours qui désigne tous les ans l’affiche officielle de Roland-Garros.
Du 26 mai au 9 juin 2024, le monde entier verra quotidiennement un lever/coucher de soleil qui reflète dans la Seine la couleur de la terre battue (avec un soleil en forme de balle). En arrière-plan, Paris apparaît sous une forme impressionniste, avec un court de tennis qui semble flotter sur l’eau. Une affiche très réussie, présentée en mai et récompensée le 20 décembre. Elle a une particularité inédite : le schéma original a été entièrement généré par l’intelligence artificielle Midjourney, avant que Paul Rousteau repasse par-dessus pour ajouter des idées. « C’est un marqueur temporel. Elle fait sens avec l’époque », affirme son créateur à Numerama.
Midjourney repousse les limites de la créativité
En mai 2023, Paul Rousteau a découvert Midjourney et souscrit un compte payant. « J’ai passé un mois et demi dessus, ça a été un vortex de temps et de découverte », nous explique le photographe lors d’un entretien téléphonique. « J’ai découvert plein de possibilités, des images de dingue qui sortent. » Paul Rousteau dresse néanmoins le constat suivant : toutes les images générées par Midjourney ont de gros défauts, « il n’y a jamais d’image parfaite ».
C’est ainsi qu’est née l’idée de Paul Rousteau, à savoir mélanger l’intelligence artificielle et la créativité humaine : « Ma partie préférée de l’histoire de l’art, c’est l’impressionnisme. La photo a permis de se libérer de pas mal de règles. J’ai testé plein de courants différents avec Midjourney. J’ai dû taper un prompt sur l’impressionnisme avec la Seine, Paris, le paysage. Et à un moment, cette image est sortie au format carré, sans terrain de tennis. C’était la plus pertinente. » Paul Rousteau explique s’être inspiré d’un prompt sur l’impressionnisme qu’il a trouvé en ligne pour arriver à ce résultat, tout en ajoutant des informations sur l’idée qu’il avait en tête.
« C’était très dur d’avoir ce que je voulais », confie Paul Rousteau. « J’ai rajouté plein de petits bouts sur Photoshop. La tour Eiffel, la balle de tennis au lieu du soleil, le terrain de tennis… Midjourney ne sait pas imaginer un terrain de tennis sur l’eau. Cette affiche est une composition. Une fois que j’ai eu tout ça, j’ai dû tout retoucher à la main avec une palette graphique, pour créer une image en haute définition. »
Qui a travaillé le plus ? Paul Rousteau estime qu’un tiers du travail, une moitié au maximum, est le fruit de Midjourney. L’intelligence artificielle a eu d’excellentes idées (il parle notamment du pont, qu’il n’avait pas imaginé), mais le reste est impossible sans savoir-faire humain. « Il faut des heures et des heures de tests pour avoir une image, des heures et des heures à regarder des tableaux dans des musées pour reconnaître une bonne image. Il faut savoir s’arrêter et dire que celle-là, c’est la bonne. Photographier c’est choisir. »
L’intelligence artificielle est-elle une menace pour l’art ? Paul Rousteau ne le sait pas. « Ça fait 12 ans que je suis photographe, pourquoi s’interdire de découvrir des choses ? Je n’ai pas d’idées préconçues », explique l’artiste. « J’aime bien les débats. Beaucoup voient un problème avec ça, mais quand la photographie est apparue, elle a aussi créé des débats. Je préfère embrasser les choses plutôt que de dire c’est nul, je ne veux pas le faire. C’est un prétexte d’expérimentation », détaille l’artiste, qui précise cependant ne pas savoir quelle utilisation future il fera de Midjourney. « Je pense plus à faire de la peinture en vrai. Je préfère être dans la vraie vie. »
Évidemment, Paul Rousteau a reçu une belle compensation financière pour son travail, en plus d’une mise en avant mondiale de son travail à Roland-Garros. « Les gens pensent que les artistes s’amusent, mais c’est 15 ans de bataille », répond le photographe pour celles et ceux qui s’interrogent sur la rémunération du concours. L’affiche de Roland-Garros 2024 crée un précédent dans les collaborations humain/machine, même si des millions de personnes ne se rendront jamais compte de la nature artificielle du dessin.
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