Le premier épisode de la série Pioneer One, produite pour être distribuée librement par BitTorrent, est sorti sur VODO. A cette occasion et à l’occasion d’un Festival du Film Partagé organisé à Séoul il y a deux semaines, le fondateur de VODO Jamie King répond à nos questions sur la production de films diffusés sous licences libres sur les réseaux Peer-to-Peer.

Numerama.com : Pouvez-vous nous présenter VODO, et nous dire comment le site se porte jusqu’à présent ?

Jamie King (à gauche sur la photo) : VODO est une plate-forme de distribution de divertissement pour l’ère du P2P. Nous avons distribué cinq films jusqu’à présent, en utilisant un modèle de promotion par lequel nous demandons à des acteurs majeurs de la culture P2P de nous aider à promouvoir et à distribuer des films. Nous n’essayons pas d’être YouTube. En tant que réalisateurs, nous comprenons que chaque film est un travail d’amour, et nous voulons passer du temps à faire que ces films attirent l’attention et le public. Nous avons bien réussi puisqu’à ce jour, l’audience typique de nos films est de 350.000 à 450.000 spectateurs.

Nous avons signé récemment des accords avec les éditeurs des logiciels uTorrent et LimeWire, deux acteurs majeurs du P2P avec des dizaines de millions d’utilisateurs chacun. Avec leur aide pour promouvoir nos films au sein de leurs clients, nous allons voir régulièrement des audiences de plus d’un million de spectateurs d’ici la fin de l’année. Par ailleurs, nous travaillons sur des accords publicitaires avec deux agences importantes qui vont nous aider à sponsoriser les sorties de VODO et à aider à les cinéastes à se faire payer. Dans le modèle actuel de VODO, les réalisateurs gardent 100 % des dons, et nous partageons les revenus publicitaires à 50-50.

Pris ensemble, ces deux éléments nous font envisager un avenir brillant pour VODO, et surtout pour le film prêt-à-partager, en 2010 et au-delà.

Vous avez organisé avec Creative Commons Asie et BitTorrent Inc. le Festival du Film Partagé (Shared Film Festival). De quoi s’agit-il ?

HyoJung Sun et moi avons commencé à parler de la possibilité d’un évènement autour du Film Partagé il y a environ quatre mois. Il y avait plusieurs raisons. Nous cherchions des occasions d’étendre VODO, à la fois en terme de films et d’audience en Asie, où nous savions qu’il y avait une forte culture du partage. HyoJung a un jour rencontré GongJae Choi de KODIFI (l’association coréenne des films de la diversité, ndlr) à Séoul lorsqu’elle est allée au cinéma qu’il dirige, Cinemaru. GongJae a soutenu le projet dès le départ. Il a proposé son cinéma et son soutien, et ça a vraiment donné le coup d’envoi.

L’autre raison de le faire à ce moment-là, c’était la conférence de Creative Commons Asie, un rassemblement de personnes intéressées ou déjà actives autour des licences Creative Commons. CC Corée est devenu partenaire, et nous a aidé à promouvoir la conférence auprès de leurs délégués et au delà. Nous avons aussi eu la visite de Larry Lessig, le fondateur des Creative Commons !

Comment s’est passé le Festival ?

Le Festival a été très bien accueilli. Pour nous le succès a reposé sur le fait de faire se rencontrer des réalisateurs du nouveau monde du film libre-à-partager, et des publics qui n’étaient pas familiers de ce nouveau mode de distribution. Tout le monde en a bénéficié : les gens sont allés voir des films libres dans leur salle de cinéma proche de chez eux, et les réalisateurs ont eu le plaisir de se connecter à la culture cinématographique d’une nouvelle ville. Des centaines de gens ont assisté aux projections et aux débats, pendant quatre ou cinq jours.

Et y aura-t-il un prochain Festival, peut-être ailleurs qu’en Asie ?

Nous étudions la possibilité d’apporter le festival du Film Partagé dans d’autres villes. Notre idée c’est de l’organiser en marge ou au sein d’autres festivals et conférences. Nous n’avons pas encore encore de date arrêtée, mais nous le ferons savoir dès que ça sera le cas. Tous ceux qui organisent un évènement qui a le public adéquat peut entrer en contact avec nous.

Que retenez-vous des discussions qui ont eu lieu entre le public et les réalisateurs ? Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

Les discussions pour le moment se résument à trois domaines. Pour les cinéastes, ça s’est concentré sur la distribution (comment je fais pour sortir mes films), et les nouveaux modèles économiques (comment je fais pour faire mes films et en vivre). Le système traditionnel de distribution échoue totalement sur ces deux aspects, et ça veut dire que de plus en plus de réalisateurs se tournent vers le libre-à-partager. Nous n’avons pas encore toutes les réponses à leur apporter, et ça fait que des évènements comme le Film Partagé sont une chance importance d’en discuter et de partager des expériences.

Pour les publics, la question c’est celle de l’accès. La télévision, le cinéma ne fournissent que l’accès – par nécessité – à un volume limité de culture. Ils n’ont qu’un certain volume de bande passante. Avec la distribution en réseau, les publics ont accès à un volume à une diversité de culture beaucoup plus importants, et ça doit être bien pour tout le monde. Ce sur quoi nous devons travailler, c’est à quel point et de quelle manière les publics sont prêts à soutenir ce nouveau mode de distribution, et les créateurs qui vont essayer d’en vivre et de prospérer à travers ça. Donc encore une fois, c’est important de pouvoir faire se rencontrer tous ceux qui font partie de l’équation, parce qu’ils font tous partie de l’avenir de la culture.

Des réalisateurs qui ne font pas encore du Film Partagé se sont-ils joints au Festival, et si oui comment réagissent-ils à cette manière de distribuer des films ?

C’était un critère impératif du festival que tous ceux dont les films y étaient montrés devaient rendre leurs œuvres disponibles en libre-à-partager, ou soient sur le point de le faire. Ca ne convient pas à tout le monde ! Mais personne ne devrait penser que le Film Partagé c’est comme voler un goûter. C’est en fait faire de nouveaux goûters, plus savoureux, dans le monde du libre-à-partager qui peut lancer de nouvelles carrières. Je pense que les gens le comprennent maintenant, et donc les débats restent cordiaux et constructifs.

Pensez-vous que partager des films librement est un modèle durable pour toute l’industrie cinématographique ? Comment pensez-vous que les producteurs de cinéma devraient financer leurs films ?

La première à chose à dire ici c’est que, de manière générale, pour la plupart des créateurs, l’industrie du cinéma dans sa « vieille » forme n’est pas durable. La plupart des films, la grande majorité des films, perdent beaucoup d’argent. Le cinéma indépendant c’est un cinéma de rêves brisés, soutenu de manière instable par des gouvernements progressistes, ou financé par des hypothèques, des cartes de crédit et des prêts bancaires. L’âge d’or des Reservoir Dogs, Harvey Weinstein et Big Indie est révolu depuis longtemps.

Je dis ça pour souligner le fait que le libre-à-partager, la distribution par P2P est une solution sur laquelle nous devons toujours travailler ensemble pour la faire fonctionner. Quiconque d’honnête admettra qu’il y a un problème énorme dans l’industrie. Je pense qu’il y a une responsabilité de plus en plus grande du monde du P2P, qui doit montrer le chemin, mais ça doit ça aussi être une discussion ouverte et il faut qu’il y ait plus de créativité dans la recherche de solutions qui fonctionnent. Il y a une chose qui n’aide pas, c’est de chasser les « pirates », d’essayer de rapiécer les vieux modèles économiques, dont la plupart ne fonctionneront de toute façon plus.

Ceci étant dit, nous ne disons pas qu’Avatar 2 devrait être libre-à-partager. James Cameron n’a pas vraiment le type de problèmes que VODO doit résoudre. Nous existons pour aider les créateurs indépendants à atteindre un public nombreux, et nous expérimentons des modèles économiques transformatifs pour faire en sorte que leurs films soient réalisés et qu’ils rapportent un peu d’argent. Nous voyons cette économie comme un mélange de dons directs, de sponsoring, et d’investissement du public. Nous ne savons pas encore avec certitude ce qui va fonctionner, mais nous sommes décidés à le découvrir et à travailler avec quiconque aimerait atteindre des audiences de millions de personnes à travers le libre-à-partager.

>> Voir et partager le premier épisode de Pioneer One
>> Site officiel du Festival du Film Parta

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.