C’est une avancée extraordinaire dans le domaine de l’intelligence artificielle. Les équipes de Google DeepMind ont dévoilé AlphaGeometry, une intelligence artificielle capable de résoudre des problèmes de géométrie, selon une étude parue le 17 janvier 2024 dans Nature. Leurs résultats, présentés lors d’une conférence de presse à laquelle Numerama a pu assister, sont impressionnants : leur IA parvient à résoudre des exercices du niveau des Olympiades internationales de mathématiques (une compétition annuelle de très haut niveau organisée pour les lycéens).
« Lors d’un test d’évaluation de 30 problèmes de géométrie des Olympiades, AlphaGeometry en a résolu 25 dans le temps imparti », relatent les chercheurs de Google. « À titre de comparaison, le système précédent [d’IA] avait résolu 10 de ces problèmes de géométrie ». Du côté des médaillés humains, ceux-ci arrivent en moyenne à résoudre quasiment 26 problèmes.
Une association de deux IA pour « un système neuro-symbolique »
Il est indéniable que les modèles d’IA ont fait d’énormes progrès ces dernières années — l’exemple le plus parlant et le plus populaire restant certainement le chatbot développé par OpenAI, ChatGPT. Mais si ces systèmes se sont améliorés pour générer du contenu, leurs capacités à avoir des raisonnements complexes, comme ceux nécessaires pour résoudre des défis mathématiques, restaient encore assez faibles. Avec AlphaGeometry, Google DeepMind vient de repousser de manière notable les limites de ce que les IA sont capables de faire dans ce secteur.
Selon Trieu Trinh, l’un des chercheurs ayant participé à AlphaGeometry, « nous sommes à la veille d’une grande avancée dans le domaine de l’IA », car les maths sont « un point de référence important dans notre quête d’une IA générale » — une IA qui ne serait pas seulement efficace dans un domaine précis, mais performante partout ailleurs.
Concrètement, les chercheurs de Google DeepMind ont réussi leurs exploits en associant deux systèmes d’IA : un modèle de langage neuronal qui a des facultés spécifiques en matière prédictive et un moteur de déduction basé sur des règles, selon l’entreprise américaine. Les deux « travaillent en tandem pour trouver des solutions. »
C’est précisément « un système neuro-symbolique » développe Google. « Il est composé d’un modèle de langage neuronal et d’un moteur de déduction symbolique, qui collaborent pour trouver des preuves pour des théorèmes de géométrie complexes. » C’est cette combinaison qui rend AlphaGeometry si performant.
Les modèles de langage, qui sont en quelque sorte les moteurs qui font tourner des IA comme ChatGPT, sont excellents pour « identifier des modèles et des relations dans les données », mais ils « manquent souvent de la capacité de raisonner rigoureusement ou d’expliquer leurs décisions. »
Quant aux moteurs de déduction symbolique, ils sont « basés sur la logique formelle et utilisent des règles claires pour parvenir à des conclusions. Ils sont rationnels et explicables, mais ils peuvent être ‘lents’ et inexploitables, en particulier lorsqu’ils traitent seuls des problèmes vastes et complexes. »
Dans le cadre d’un exercice de géométrie, les deux moteurs travaillent afin de trouver la solution. « Le modèle de langage d’AlphaGeometry prédit quelles nouvelles constructions seraient les plus utiles à ajouter, à partir d’un nombre infini de possibilités. Ces indices permettent au moteur symbolique de faire des déductions supplémentaires sur le diagramme et de se rapprocher de la solution. »
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Une avancée qui ouvre de nombreuses portes à l’IA
Avant la mise au point d’AlphaGeometry, les chercheurs ont été confrontés à un autre problème de taille : le manque de données nécessaires à l’entraînement de l’IA. C’est l’autre gros challenge auxquelles les IA étaient jusque-là confrontées en mathématiques : les IA ont besoin de s’entraîner sur de vastes ensembles de données afin d’apprendre et de fournir des résultats pertinents. Or, s’il existe de grosses bases de données textuelles et imagées, ce n’était pas le cas pour les maths.
Les équipes de Google ont donc développé une méthode leur permettant de générer des jeux de données d’entrainement, et ont obtenu 100 millions d’exemples uniques — ce qui est déjà un premier exploit en soi. Google a ensuite pu utiliser ces données afin d’entraîner AlphraGeometry, avec le succès qu’on voit aujourd’hui.
« Avec AlphaGeometry, nous démontrons la capacité croissante de l’IA à raisonner logiquement et à découvrir et à de nouvelles connaissances », s’enthousiasment les chercheurs. Pourtant, cette compétence à raisonner a récemment alimenté beaucoup de peur, notamment autour du projet Q Star. Ce projet, mené par OpenAI, aurait été, selon certaines rumeurs, la raison derrière le licenciement de Sam Altam au mois de novembre 2023. Q aurait été capable d’une logique proche de celle d’un humain — des rumeurs qui n’ont jamais été confirmées, mais qui restent un exemple de la peur que peuvent inspirer des IA surpuissantes.
Pour les chercheurs de Google, qui expliquent vouloir « repousser les frontières de la connaissance humaine », cela n’est pas réellement une question. « Notre objectif à long terme reste de construire des systèmes d’IA capables […] de résoudre des problèmes, et de raisonner de manière sophistiquée ». Des capacités nécessaires aux développements de systèmes d’IA générale.
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